AGGER (χῶμα)


En général, toute chose qu'on amoncelle (quod adgeritur) pour remplir un vide ou pour former un tas, ou de terre ou de bois ou de décombres. On en a dérivé les sens plus particuliers qui suivent :

  1. Retranchement ou rempart artificiel dont les Romains entouraient leur camp ou les positions qu'ils voulaient occuper un certain temps pendant la guerre. C'était ordinairement une vaste levée de terre, surmontée de palissades (vallum), et protégée extérieurement par une tranchée (fossa), qui n'était autre chose que toute l'étendue de terrain creusée pour former l'agger. Lorsque la nature du sol ne permettait pas de faire une levée de terre, on avait recours à d'autres matériaux faciles à trouver ; l'agger était alors construit d'une enceinte de troncs d'arbres qu'on remplissait de broussailles, etc, comme on le voit dans la gravure, prise de la colonne Trajane.
Le sommet en est couvert par un vallum ou palissade et une galerie de planches qui doit protéger les soldats. La figure fera comprendre tout d'abord le sens des passages où il est dit que l'agger fut brûlé (Caes. Bell. Civ. II, 14).

  1. Agger murorum (Virg. Aen. X, 24). Levée sur laquelle étaient bâtis les murs et les tours d'une ville fortifiée ; elle servait aussi comme d'un rempart où se postait la garnison pour défendre la place. Elle était formée de terre entassée de la façon que nous avons décrite tout à l'heure ; mais de plus elle était revêtue de maçonnerie et on y montait de l'intérieur par un escalier, comme on le voit dans la gravure, qui donne une section de l'agger et des murailles subsistant encore à Pompéi, avec une des tours en partie restaurée.
  1. Terrasse de terre, de bois, ou d'autres matériaux communs partout, élevée contre les murailles d'une ville assiégée : elle servait à porter les batteries de siège (tormenta bellica) et à mettre les assaillants de niveau avec les remparts. Comme les parallèles dans la guerre moderne, on la commençait à quelque distance des murs de la ville, puis on comblait de plus en plus l'intervalle jusqu'à ce qu'on les atteignît : c'est ce que signifient les expressions telles que agger promotus ad urbem (Liv. V, 7).
  1. Agger viae, proprement la chaussée, c'est-à-dire le milieu d'une rue ou d'un grand chemin, destiné à la circulation des voitures et du bétail (Virg. Aen. V, 273) : elle était pavée de pierres assujetties avec du ciment, qu'on posait sur plusieurs couches de décombres (voyez via), et légèrement élevée au centre. Cette partie de la chaussée figurait alors une surface elliptique, comme on le voit dans le plan ci-joint, présentant une coupe du pavage de la via sacra qui menait au temple de Jupiter Latialis.
Le plan sur lequel elle était construite explique pourquoi cette partie du chemin fut appelée agger (Serv. ad Virg. l.c. ; Isidor. Orig. XV, 16, 7) ; ce mot s'emploie néanmoins quelquefois, dans un sens plus général, comme synonyme de via ; ainsi on trouve Aurelius agger au lieu de via Aurelia (Rutil. Itiner. 39).
  1. Levée artificielle ou digue sur les bords d'une rivière, pour défendre le pays des inondations (Virg. Aen. II, 496) ; et aussi rebord en maçonnerie qui formait le quai d'un port et auquel on attachait les vaisseaux (Ovid. Met. XV, 690 ; Trist. III, 9, 13).
La gravure représente une digue de pierres brutes élevée au confluent de deux rivières, d'après le modèle de la colonne Trajane.


Illustration complémentaire

Rampe de Massada (Israël)
édifiée par les Romains pour hisser une tour d'assaut
et en finir avec le siège de 73 apr. JC.
Massada, 1989

© Charles Cavenel