© Agnès Vinas

Si l'on sait de source sûre (Suétone, Aug. 100) que la construction du Mausolée d'Auguste était en 28 avant JC avancée au point que les jardins et promenades qui l'entouraient furent ouverts au public, il est possible que le projet même de ce bâtiment soit bien antérieur à cette date. Reprenant lui-même l'hypothèse de K. Kraft, l'archéologue allemand Paul Zanker suppose que l'idée d'édifier sur les bords du Tibre un ensemble aussi imposant et aussi visiblement inspiré des colossales réalisations asiatiques (tombeau du roi Mausole à Halicarnasse, d'Alexandre à Alexandrie, etc), doit s'inscrire dans le cadre de la lutte idéologique que s'étaient livrée Marc-Antoine et Octave avant la bataille d'Actium : répondant à Antoine qui, dans son testament, avait exprimé le voeu d'être enterré sur les bords du Nil (ce qui laissait entendre que s'il l'emportait dans cette guerre, la capitale de l'Empire serait déplacée à Alexandrie), Octave aurait fait édifier ce monument, de type lui aussi hellénistique, pour imposer l'image symbolique de son propre pouvoir et de la prééminence indiscutable de Rome.

Après la victoire d'Actium, l'allure tumulaire de ce monument ne pouvait pas manquer d'évoquer non plus la forme d'un trophée de victoire, tel que celui que nous connaissons en France à la Turbie. L'addition devant l'entrée (1) de deux obélisques (3 3), empruntés aux scénographies égyptiennes, si tant est qu'elle soit contemporaine de la construction du Mausolée, dut insister encore davantage, si c'était possible, sur la victoire éclatante qui venait d'être remportée.

Une statue colossale d'Auguste (4), au centre de la chambre funéraire centrale, signalait l'emplacement de sa tombe. Des niches tout autour accueillirent, avant et après sa mort, les cendres de la dynastie julio-claudienne, et même au-delà jusqu'à Nerva. Mais certaines personae non gratae n'y furent pas admises, en particulier Julie, la fille d'Auguste, et Néron.

A la mort d'Auguste, les pilastres (2 2) situés de part et d'autre de l'entrée accueillirent des plaques de bronze évoquant les Res Gestae d'Auguste. Ces plaques ont depuis longtemps disparu, mais il nous reste une copie en marbre de ce texte dans le temple de Rome et Auguste à Ankara (Turquie).

Gravure d'Etienne du Pérac, I vestigi dell'antichità di Roma (1575)

Pillé, transformé en forteresse au Moyen Age puis en jardin à la Renaissance, le Mausolée fut fouillé à la fin du XVIIIe siècle, puis récupéré en 1936-1938 par la propagande mussolinienne : on l'enserra alors dans une vaste place d'architecture fasciste, la piazza Augusto Imperatore, en même temps qu'on reconstituait dans ses parages l'Ara Pacis, déplacé pour l'occasion. De fait, et malgré son état bien ruiné, ce Mausolée constitue encore, dans sa colossale démesure, l'un des témoignages les plus spectaculaires d'une conception autoritaire du pouvoir qu'Octave, une fois devenu Auguste, devrait tenter de dissimuler sous un vernis plus républicain...

© Agnès Vinas


Pour aller plus loin :

Que sont devenus les deux obélisques situés devant l'entrée du Mausolée ?