[Les débuts de César]

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I. Sylla, devenu maître de Rome, et n'ayant pu, ni par ses promesses, ni par ses menaces, déterminer César à répudier Cornélie (1), fille de Cinna, celui qui avait exercé la souveraine puissance, confisqua la dot de sa femme. La parenté de César avec le vieux Marius fut la cause de son inimitié pour Sylla. Marius avait épousé Julie, soeur du père de César, et en avait eu le jeune Marius, qui par là était cousin germain de César. Dans les commencements des proscriptions, Sylla, distrait par beaucoup d'autres soins et par le grand nombre de victimes qu'il immolait chaque jour, ne songea pas à César, qui, au lieu de se laisser oublier, se mit sur les rangs pour le sacerdoce, et se présenta devant le peuple pour le briguer, quoiqu'il fût dans la première jeunesse (2). Sylla, par son opposition, fit rejeter sa demande ; il voulut même le faire mourir. Et comme ses amis lui représentaient qu'il n'y aurait pas de raison de sacrifier un si jeune enfant : «Vous êtes vous-mêmes, leur répondit-il, bien peu avisés de ne pas voir dans cet enfant plusieurs Marius». César, à qui cette parole fut rapportée, crut devoir se cacher, et il erra longtemps dans le pays des Sabins. Un jour qu'il était malade, et qu'il fut obligé de se faire porter pour changer de maison (3), il tomba la nuit entre les mains des soldats de Sylla, qui faisaient des recherches dans ce canton, et emmenaient tous ceux qui s'y trouvaient cachés. Il donna deux talents à Cornélius, leur capitaine, qui, à ce prix, favorisa son évasion. Il gagna aussitôt les bords de la mer ; et s'étant embarqué, il se retira en Bithynie, auprès du roi Nicomède.

II. Après y avoir séjourné peu de temps, il se remit en mer, et fut pris auprès de l'île de Pharmacuse (4) par des pirates, qui, ayant déjà des flottes considérables et un nombre infini de petits vaisseaux, s'étaient rendus maîtres de toute cette mer. Ces pirates lui demandèrent vingt talents pour sa rançon ; il se moqua d'eux de ne pas savoir quel était leur prisonnier, et il leur en promit cinquante. Il envoya ceux qui l'accompagnaient dans différentes villes pour y ramasser cette somme, et ne retint qu'un seul de ses amis (5) et deux domestiques, avec lesquels il resta au milieu de ces corsaires ciliciens, les plus sanguinaires des hommes ; il les traitait avec tant de mépris que, lorsqu'il voulait dormir, il leur faisait dire de garder un profond silence. Il passa trente-huit jours avec eux ; moins comme leur prisonnier que comme un prince entouré de ses gardes. Plein de sécurité, il jouait et faisait avec eux ses exercices, composait des poèmes et des harangues qu'il leur lisait ; et lorsqu'ils n'avaient pas l'air de les admirer, il les traitait, sans ménagement, d'ignorants et de barbares : quelquefois même il les menaçait, en riant, de les faire pendre. Ils aimaient cette franchise, qu'ils prenaient pour une simplicité et une gaieté naturelles. Quand il eut reçu de Milet sa rançon, et qu'il la leur eut payée, il ne fut pas plutôt en liberté qu'il équipa quelques vaisseaux dans le port de cette ville, et cingla vers ces pirates, qu'il surprit à l'ancre dans la rade même de l'île ; il en prit un grand nombre et s'empara de tout leur butin. De là il les conduisit à Pergame, où il les fit charger de fers, et alla trouver Junius, à qui il appartenait, comme préteur d'Asie, de les punir. Junius ayant jeté un oeil de cupidité sur leur argent, qui était considérable, lui dit qu'il examinerait à loisir ce qu'il devait faire de ces prisonniers. César, laissant là le préteur, et retournant à Pergame, fit pendre tous ces pirates, comme il le leur avait souvent annoncé dans l'île, où ils prenaient ses menaces pour des plaisanteries.

III. Lorsque la puissance de Sylla eut commencé à s'affaiblir, et que les amis de César lui eurent écrit de revenir à Rome, il alla d'abord à Rhodes pour y prendre des leçons d'Apollonius Molon (6), celui dont Cicéron avait été l'auditeur, qui enseignait la rhétorique avec beaucoup de succès, et qui d'ailleurs avait la réputation d'un homme vertueux. On dit que César, né avec les dispositions les plus heureuses pour l'éloquence politique, avait cultivé avec tant de soin ce talent naturel, que, de l'aveu de tout le monde, il tenait le second rang parmi les orateurs de Rome ; et il aurait eu le premier, s'il n'eût pas renoncé aux exercices du barreau, pour acquérir, par les talents militaires, la supériorité du pouvoir. Détourné par d'autres soins, il ne put parvenir, dans l'éloquence, à la perfection pour laquelle la nature l'avait fait ; il se livra uniquement au métier des armes et aux affaires politiques, qui le conduisirent enfin à la suprême puissance. Aussi, dans la réponse qu'il fit longtemps après l'éloge que Cicéron avait fait de Caton, il prie les lecteurs de ne pas comparer le style d'un homme de guerre avec celui d'un excellent orateur, qui s'occupait à loisir de ces sortes d'études. De retour à Rome, il accusa Dolabella de concussions dans le gouvernement de sa province, et trouva dans les villes de la Grèce un grand nombre de témoins qui déposèrent contre l'accusé. Cependant Dolabella fut absous ; et César, pour reconnaître la bonne volonté des Grecs, plaida contre Antoine, qu'ils accusaient de malversations, devant Marcus Lucullus, préteur de la Macédoine. Il parla avec tant d'éloquence qu'Antoine, qui craignit d'être condamné, en appela aux tribuns du peuple, sous prétexte qu'il ne pourrait obtenir justice contre les Grecs dans la Grèce même.

IV. A Rome, les grâces de son éloquence brillèrent au barreau, et lui acquirent une grande faveur. En même temps que son affabilité, sa politesse, l'accueil gracieux qu'il faisait à tout le monde, qualités qu'il possédait à un degré au-dessus de son âge, lui méritaient l'affection du peuple ; d'un autre côté, la somptuosité de sa table, et sa magnificence dans toute sa manière de vivre, accrurent peu à peu son influence et son pouvoir dans le gouvernement. D'abord ses envieux, persuadés que, faute de pouvoir suffire à cette dépense excessive, il verrait bientôt sa puissance s'éclipser, firent peu d'attention aux progrès qu'elle faisait parmi le peuple. Mais, quand elle se fut tellement fortifiée qu'il n'était plus possible de la renverser, et qu'elle tendait visiblement à ruiner la république, ils sentirent, mais trop tard, qu'il n'est pas de commencement si faible qui ne s'accroisse promptement par la persévérance, lorsqu'en méprisant ses premiers efforts on n'a pas mis obstacle à ses progrès. Cicéron paraît avoir été le premier à soupçonner et à craindre la douceur de sa conduite politique, qu'il comparait à la bonace de la mer, et à reconnaître la méchanceté de son caractère sous ces dehors de politesse et de grâce dont il la couvrait. «J'aperçois, disait cet orateur, dans tous ses projets et dans toutes ses actions des vues tyranniques ; mais quand je regarde ses cheveux si artistement arrangés, quand je le vois se gratter la tête du bout du doigt (7), je ne puis croire qu'un tel homme puisse concevoir le dessein si noir de renverser la république». Mais cela ne fut dit que longtemps après.

V. César reçut une première marque de l'affection du peuple lorsqu'il se trouva en concurrence avec Caïus Pompilius, pour l'emploi de tribun des soldats ; il fut nommé le premier. Il en eut une seconde encore plus grande quand, à la mort de la femme de Marius, dont il était le neveu, il prononça avec beaucoup d'éclat son oraison funèbre dans la place publique, et qu'il osa faire porter à son convoi les images de Marius, qui n'avaient pas encore paru depuis que Sylla, maître dans Rome, avait fait déclarer Marius et ses partisans ennemis de la patrie. Quelques personnes s'étant récriées sur cette audace, le peuple s'éleva hautement contre elles, et par les applaudissements les plus prononcés témoigna son admiration pour le courage que César avait eu de rappeler, pour ainsi dire, des enfers les honneurs de Marius, ensevelis depuis si longtemps. C'était, de toute ancienneté, la coutume des Romains de faire l'oraison funèbre des femmes qui mouraient âgées (8) ; mais cet usage n'avait pas lieu pour les jeunes femmes. César fut le premier qui prononça celle de sa femme, morte jeune. Cette nouveauté lui fit honneur, lui concilia la faveur publique, et le rendit cher au peuple, qui vit dans cette sensibilité une marque de ses moeurs douces et honnêtes. Après avoir fait les obsèques de sa femme, il alla comme questeur en Espagne sous le préteur Véter, qu'il honora depuis tant qu'il vécut, et dont il nomma le fils son questeur, quand il fut parvenu lui-même à la préture. Au retour de sa questure, il épousa en troisième noces Pompéia (9) ; il avait de Cornélie, sa première femme, une fille, qui par la suite fut mariée au grand Pompée. Sa dépense, toujours excessive, faisait croire qu'il achetait chèrement une gloire fragile et presque éphémère, mais, dans la vérité, il s'acquérait à vil prix les choses les plus précieuses. On assure qu'avant d'avoir obtenu aucune charge il était endetté de treize cents talents. Mais le sacrifice d'une grande partie de sa fortune, soit dans l'intendance des réparations de la voie Appienne, soit dans son édilité, où il fit combattre devant le peuple trois cent vingt paires de gladiateurs ; la somptuosité des jeux, des fêtes et des festins qu'il donna, et qui effaçaient tout ce qu'on avait fait avant lui de plus brillant, inspirèrent au peuple une telle affection, qu'il n'y eut personne qui ne cherchât à lui procurer de nouvelles charges et de nouveaux honneurs, pour le récompenser de sa magnificence.

VI. Rome était alors divisée en deux factions : celle de Sylla, toujours très puissante, et celle de Marius, qui, réduite à une grande faiblesse et presque dissipée, osait à peine se montrer. César voulut relever et ranimer cette dernière : lorsque les dépenses de son édilité lui donnaient le plus d'éclat dans Rome, il fit faire secrètement des images de Marius, avec des Victoires qui portaient des trophées ; et une nuit il les plaça dans le Capitole. Le lendemain, quand on vit ces images tout éclatantes d'or, et travaillées avec le plus grand art, dont les inscriptions faisaient connaître que c'étaient les victoires de Marius sur les Cimbres, on fut effrayé de l'audace de celui qui les avait placées, car on ne pouvait s'y méprendre. Le bruit qui s'en répandit aussitôt attira tout le monde à ce spectacle : les uns disaient hautement que César aspirait à la tyrannie, en ressuscitant des honneurs qui avaient été comme ensevelis par des lois et des décrets publics : que c'était un essai qu'il faisait pour sonder les dispositions du peuple, déjà amorcé par sa magnificence ; et pour voir si, assez apprivoisé par les fêtes publiques qu'il lui avait données avec tant d'ostentation, il lui laisserait jouer de pareils jeux, et entreprendre des nouveautés si téméraires. Les partisans de Marius, de leur côté, enhardis par son audace, se rassemblèrent en très grand nombre et remplirent le Capitole du bruit de leurs applaudissements : plusieurs même d'entre eux, en voyant la figure de Marius, versaient des larmes de joie ; ils élevaient César jusqu'aux nues, et disaient qu'il était seul digne de la parenté de Marius. Le Sénat s'étant assemblé, Catulus Lutiatus, le plus estimé de tous les Romains de son temps, se leva, et parlant avec force contre César, il dit cette parole, si souvent répétée depuis : Que César n'attaquait plus la république par des mines secrètes, et qu'il dressait ouvertement contre elle toutes ses batteries. Mais César s'étant justifié auprès du sénat, ses admirateurs en conçurent de plus hautes espérances ; ils l'encouragèrent à conserver toute sa grandeur d'âme, et à ne plier devant personne, en l'assurant que, soutenu de la faveur du peuple, il l'emporterait sur tous ses rivaux et aurait un jour le premier rang dans Rome.

VII. La mort de Métellus ayant laissé vacante la place de grand-pontife, ce sacerdoce fut brigué avec chaleur par Isauricus et Catulus, deux des plus illustres personnages de Rome, et qui avaient le plus d'autorité dans le sénat. César, loin de céder à leur dignité, se présenta devant le peuple, et opposa sa brigue à celle de ces deux rivaux. Les trois compétiteurs avaient également de quoi soutenir leurs prétentions. Catulus, qui avec plus de dignité personnelle craignait davantage l'issue de cette rivalité, fit offrir secrètement à César des sommes considérables, s'il voulait se désister de sa poursuite ; César répondit qu'il en emprunterait de plus grandes encore pour soutenir sa brigue. Le jour de l'élection, sa mère l'accompagna tout en larmes jusqu'à la porte de sa maison. «Ma mère, lui dit César en l'embrassant, vous verrez aujourd'hui votre fils ou grand-pontife ou banni». Quand on recueillit les suffrages, les contestations furent très vives, mais enfin César l'emporta, et un tel succès fit craindre au sénat et aux meilleurs citoyens qu'il ne prît assez d'ascendant sur le peuple pour le porter aux plus grands excès.

VIII. Ce fut alors que Pison et Catulus blâmèrent fort Cicéron d'avoir épargné César, qui avait donné prise sur lui dans la conjuration de Catilina. Celui-ci avait formé le complot non seulement de changer la forme du gouvernement, mais encore d'anéantir la république, et de détruire l'empire romain. Dénoncé sur des indices assez légers, il sortit de Rome avant que ses projets eussent été découverts ; mais il laissa Lentulus et Céthégus pour le remplacer dans la conduite de la conjuration. Il est douteux si César encouragea secrètement ces hommes audacieux, et leur donna même quelque secours ; ce qu'il y a de certain, c'est que ces deux conjurés ayant été convaincus par les preuves les plus évidentes, et Cicéron, alors consul, ayant demandé l'avis de chaque sénateur sur la punition des coupables, tous opinèrent à la mort, jusqu'à César, qui, s'étant levé, fit un discours préparé avec le plus grand soin ; il soutint qu'il n'était conforme ni à la justice, ni aux coutumes des Romains, à moins d'une extrême nécessité, de faire mourir des hommes distingués par leur naissance et par leur dignité, sans leur avoir fait leur procès dans les formes ; qu'il lui paraissait plus juste de les renfermer étroitement dans telles villes de l'Italie que Cicéron voudrait choisir, jusqu'à après la défaite de Catilina ; qu'alors le sénat pourrait, pendant la paix, délibérer à loisir sur ce qu'il conviendrait de faire de ces accusés. Cet avis, qui parut plus humain, et qu'il avait appuyé de toute la force de son éloquence, fit une telle impression qu'il fut adopté par tous les sénateurs qui parlèrent après lui ; plusieurs même de ceux qui avaient déjà opiné revinrent à son sentiment : mais lorsque Caton et Catulus furent en tour de dire leur avis, ils s'élevèrent avec force contre l'opinion de César ; Caton surtout ayant insisté sans ménagement sur les soupçons qu'on avait contre lui, les ayant même fortifiés par de nouvelles preuves, les conjurés furent envoyés au supplice ; et lorsque César sortit du sénat, plusieurs des jeunes Romains qui servaient alors de gardes à Cicéron coururent sur lui l'épée nue à la main ; mais Curion le couvrit de sa toge, et lui donna le moyen de s'échapper. Cicéron lui-même, sur qui ces jeunes gens jetèrent les yeux, les arrêta, soit qu'il craignît le peuple, soit qu'il crût ce meurtre tout à fait injuste et contraire aux lois. Si ces particularités sont vraies, je ne sais pourquoi Cicéron n'en a rien dit dans l'histoire de son consulat ; mais dans la suite il fut blâmé de n'avoir pas saisi une occasion si favorable de se défaire de César, et d'avoir trop redouté l'affection singulière du peuple pour ce jeune Romain.

IX. On eut, peu de jours après, une nouvelle preuve de cette faveur populaire. César étant entré au sénat pour se justifier des soupçons qu'on avait conçus contre lui, y essuya les plus violents reproches. Comme l'assemblée se prolongeait au delà du terme ordinaire, le peuple accourut en foule, environna le sénat, en jetant de grands cris, et demanda d'un ton impérieux qu'on laissât sortir César. Caton, qui craignait quelque entreprise de la part des indigents de Rome, de ces boute-feux de la multitude, qui avaient mis en César toutes leurs espérances, conseilla au sénat de faire tous les mois, à cette classe du peuple, une distribution de blé, qui n'ajouterait aux dépenses ordinaires de l'année que cinq millions cinq cent mille sesterces (10). Cette sage politique fit évanouir pour le moment la crainte du sénat ; elle affaiblit et dissipa même en grande partie l'influence de César, dans un temps où l'autorité de la préture allait le rendre bien plus redoutable. Cependant il ne s'éleva point de trouble ; au contraire, il éprouva lui-même une aventure domestique qui lui fut très désagréable.

X. Il y avait à Rome un jeune praticien nommé Pubius Clodius, distingué par ses richesses et par son éloquence ; mais qui, en insolence et en audace, ne le cédait à aucun des hommes les plus fameux par leur scélératesse. Il aimait Pompéia, femme de César, qui, elle-même, avait du goût pour lui ; mais son appartement était gardé avec le plus grand soin : Aurélia, mère de César, femme d'une grande vertu, veillait de si près sur sa belle-fille que les occasions de la voir et de lui parler étaient pour Clodius aussi difficiles que dangereuses. Les Romains adorent une divinité qu'ils nomment la Bonne-Déesse, comme les Grecs ont leur Gynécée, ou la déesse des femmes (11). Les Phrygiens, qui veulent se l'approprier, disent qu'elle était mère du roi Midas ; les Romains prétendent que leur Bonne-Déesse est une nymphe dryade, qui eut commerce avec le dieu Faune ; et les Grecs veulent que ce soit celle des mères de Bacchus qu'il n'est pas permis de nommer : aussi, quand les femmes célèbrent sa fête, elles couvrent leurs tentes de branches de vignes ; et, suivant la Fable, un dragon sacré se tient aux pieds de la statue de la déesse. Tant que ses mystères durent, il n'est permis à aucun homme d'entrer dans la maison où on les célèbre. Les femmes, retirées dans un lieu séparé, pratiquent plusieurs cérémonies conformes à celles qu'on observe dans les mystères d'Orphée. Lorsque le temps de la fête est venu, le consul ou le préteur (car c'est toujours chez l'un ou l'autre qu'elle est célébrée) sort de chez lui, avec tous les hommes qui habitent dans sa maison. La femme, qui en est restée la maîtresse, l'orne avec la décence convenable ; les principales cérémonies se font la nuit, et ces veillées sont mêlées de divertissements et de concerts. L'année de la préture de César, Pompéia fut chargée de célébrer cette fête : Clodius, qui n'avait pas encore de barbe, se flattant de n'être pas reconnu, prit l'habillement d'une ménétrière, sous lequel il avait tout l'air d'une jeune femme. Il trouva les portes ouvertes et fut introduit sans obstacle par une des esclaves de Pompéia, qui était dans la confidence, et qui le quitta pour aller avertir sa maîtresse : comme elle tardait à revenir, Clodius n'osa pas l'attendre dans l'endroit où elle l'avait laissé. Il errait de tous côtés dans cette vaste maison et évitait avec soin les lumières, lorsqu'il fut rencontré par une des femmes d'Aurélia, qui, croyant parler à une personne de son sexe, voulut l'arrêter et jouer avec lui ; étonnée du refus qu'il en fit, elle le traîna au milieu de la salle, et lui demanda qui elle était, et d'où elle venait. Clodius lui répondit qu'il attendait Abra, l'esclave de Pompéia ; mais sa voix le trahit, et cette femme s'étant rapprochée des lumières et de la compagnie, cria qu'elle venait de surprendre un homme dans les appartements. L'effroi saisit toutes les femmes : Aurélia fit cesser aussitôt les cérémonies, et voiler les choses sacrées. Elle ordonna de fermer les portes, visita elle-même toute la maison avec des flambeaux, et fit les recherches les plus exactes. On trouva Clodius caché dans la chambre de l'esclave qui l'avait introduit chez Pompéia ; il fut reconnu par toutes les femmes, et chassé ignominieusement. Elles sortirent de la maison dans la nuit même, et allèrent raconter à leurs maris ce qui venait de se passer.

XI. Le lendemain toute la ville fut informée que Clodius avait commis un sacrilège horrible ; et l'on disait partout qu'il fallait le punir rigoureusement, pour faire une réparation éclatante, non seulement à ceux qu'il avait personnellement offensés, mais encore à la ville et aux dieux qu'il avait outragés. Il fut cité par un des tribuns devant les juges, comme coupable d'impiété ; les principaux d'entre les sénateurs parlèrent avec force contre lui, et l'accusèrent de plusieurs autres grands crimes, en particulier d'un commerce incestueux avec sa propre sour, femme de Lucullus. Mais le peuple s'étant opposé à des poursuites si vives, et ayant pris la défense de Clodius, lui fut d'un grand secours auprès des juges que cette opposition étonna, et qui craignirent les fureurs de la multitude. César répudia sur-le-champ Pompéia, et appelé en témoignage contre Clodius, il déclara qu'il n'avait aucune connaissance des faits qu'on imputait à l'accusé. Cette déclaration ayant paru fort étrange, l'accusateur lui demanda pourquoi donc il avait répudié sa femme : «C'est, répondit-il, que ma femme ne doit pas même être soupçonnée». Les uns prétendent que César parla comme il pensait ; d'autres croient qu'il cherchait à plaire au peuple, qui voulait sauver Clodius. L'accusé fut donc absous, parce que la plupart des juges donnèrent leur avis sur plusieurs affaires à la fois (12), afin, d'un côté, de ne pas s'attirer, par sa condamnation, le ressentiment du peuple ; et, de l'autre, pour ne pas se déshonorer aux yeux des bons citoyens par une absolution formelle.

XII. César, en sortant de la préture, fut désigné par le sort pour aller commander en Espagne (13). Ses créanciers, qu'il était hors d'état de satisfaire, le voyant sur son départ, vinrent crier après lui, et solliciter le paiement de leurs créances. Il eut donc recours à Crassus, le plus riche des Romains, qui avait besoin de la chaleur et de l'activité de César pour se soutenir contre Pompée, son rival en administration. Crassus s'engagea envers les créanciers les plus difficiles et les moins traitables pour la somme de huit cent trente talents. César, dont il se rendit caution, fut libre de partir pour son gouvernement. On dit qu'en traversant les Alpes, il passa dans une petite ville occupée par des Barbares, et qui n'avait qu'un petit nombre de misérables habitants. Ses amis lui ayant demandé, en plaisantant, s'il croyait qu'il y eût dans cette ville des brigues pour les charges, des rivalités pour le premier rang, des jalousies entre les citoyens les plus puissants, César leur répondit très sérieusement qu'il aimerait mieux être le premier parmi ces Barbares que le second dans Rome. Pendant son séjour en Espagne, il lisait, un jour de loisir, des particularités de la vie d'Alexandre et, après quelques moments de réflexion, il se mit à pleurer. Ses amis, étonnés, lui en demandèrent la cause. «N'est-ce pas pour moi, leur dit-il, un juste sujet de douleur qu'Alexandre, à l'âge où je suis, eût déjà conquis tant de royaumes, et que je n'aie encore rien fait de mémorable ?» A peine arrivé en Espagne, il ne perdit pas un moment, et en peu de jours il eut mis sur pied dix cohortes, qu'il joignit aux vingt qu'il y avait trouvées marchant à leur tête contre les Calléciens et les Lusitaniens (14), il vainquit ces deux peuples, et s'avança jusqu'à la mer extérieure, en subjuguant des nations qui n'avaient jamais été soumises aux Romains. A la gloire des succès militaires il ajouta celle d'une sage administration pendant la paix ; il rétablit la concorde dans les villes et s'appliqua surtout à terminer les différends qui s'élevaient chaque jour entre les créanciers et les débiteurs. Il ordonna que les premiers rendraient, tous les ans, les deux tiers des revenus des débiteurs, et que ceux-ci auraient l'autre tiers jusqu'à l'entier acquittement de la dette. La sagesse de ce règlement lui fit beaucoup d'honneur ; il quitta son gouvernement, après s'y être enrichi, et avoir procuré des gains considérables à ses soldats, qui, avant son départ, le saluèrent du titre d'imperator.

XIII. Les Romains qui demandaient l'honneur du triomphe étaient obligés de demeurer hors de la ville ; et pour briguer le consulat, il allait être dans Rome (15). César, arrêté par ces lois contraires, car on était à la veille des comices consulaires, envoya demander au sénat la permission de solliciter le consulat par ses amis, en restant hors de la ville. Caton, armé de la loi, combattit vivement la prétention de César ; mais voyant qu'il avait mis plusieurs sénateurs dans ses intérêts, il chercha à gagner du temps, et employa le jour entier à dire son opinion. César alors prit le parti d'abandonner le triomphe et de briguer le consulat. Il entra dans Rome, et fit une action d'éclat, dont tout le monde, excepté Caton, fut la dupe : il réconcilia Crassus et Pompée, les deux hommes qui avaient le plus de pouvoir dans la ville. César apaisa leurs dissensions, les remit bien ensemble ; et par là il réunit en lui seul la puissance de l'un et de l'autre. On ne s'aperçut pas que ce fut cette action, en apparence si honnête, qui causa le renversement de la république. En effet, ce fut moins l'inimitié de César et de Pompée, comme on croit communément, qui donna naissance aux guerres civiles, que leur amitié même, qui les réunit d'abord pour renverser le gouvernement aristocratique, et qui aboutit ensuite à une rupture ouverte entre ces deux rivaux. Caton, qui prédit souvent le résultat de leur liaison, n'y gagna alors que de passer pour un homme difficile et chagrin ; dans la suite l'événement le justifia ; et l'on reconnut qu'il avait dans ses conseils plus de prudence que de bonheur.

XIV. César, en se présentant aux comices entouré de la faveur de Crassus et de Pompée, fut porté avec le plus grand éclat à la dignité de consul : on lui donna pour collègue Calpurnius Bibulus. Il était à peine entré en exercice de sa charge, qu'il publia des lois dignes, non d'un consul, mais du tribun le plus audacieux. Il proposa, par le seul motif de plaire au peuple, des partages de terres et des distributions de blé. Les premiers et les plus honnêtes d'entre les sénateurs s'élevèrent contre ces lois ; et César, qui depuis longtemps ne cherchait qu'un prétexte pour se déclarer, protesta hautement qu'on le poussait malgré lui vers le peuple ; que l'injustice et la dureté du sénat le mettaient dans la nécessité de faire la cour à la multitude, et sur-le-champ il se rendit à l'assemblée du peuple. Là, ayant à ses côtés Crassus et Pompée, il leur demanda à haute voix s'ils approuvaient les lois qu'il venait de proposer. Sur leur réponse affirmative, il les exhorta à le soutenir contre ceux qui, pour les lui faire retirer, le menaçaient de leurs poignards. Ils le lui promirent tous deux ; et Pompée ajouta qu'il opposerait à ces poignards l'épée et le bouclier. Cette parole déplut aux sénateurs et aux nobles, qui la trouvèrent peu convenable à sa dignité personnelle, aux égards qu'il devait au sénat, et digne tout au plus d'un jeune homme emporté ; mais elle le rendit très agréable au peuple. César, qui voulait s'assurer de plus en plus la puissance de Pompée, lui donna en mariage sa fille Julia, déjà fiancée à Servilius Cépion, auquel il promit la fille de Pompée, qui elle-même n'était pas libre, ayant été déjà promise à Faustus, fils de Sylla. Peu de temps après, il épousa Calpurnie, fille de Pison, et fit désigner celui-ci consul pour l'année suivante. Caton ne cessait de se récrier, et de protester en plein sénat contre l'impudence avec laquelle on prostituait ainsi l'empire par des mariages ; et, en trafiquant des femmes, on se donnait mutuellement les gouvernements des provinces, les commandements des armées et les premières charges de la république. Bibulus, le collègue de César, voyant l'inutilité des oppositions qu'il faisait à ces lois, ayant même souvent couru le risque, ainsi que Caton, d'être tué sur la place publique, passa le reste de son consulat renfermé dans sa maison. Pompée, aussitôt après son mariage, ayant rempli la place d'hommes armés, fit confirmer ces lois par le peuple, et décerner à César, pour cinq ans, le gouvernement des deux Gaules cisalpine et transalpine (16), auquel on ajoutait l'Illyrie, avec quatre légions.

XV. Caton ayant voulu s'opposer à ces décrets, César le fit arrêter et conduire en prison, dans la pensée que Caton appellerait de cet ordre aux Tribuns ; mais il s'y laissa mener sans rien dire ; et César voyant non seulement les principaux citoyens révoltés de cette indignité, mais le peuple lui-même, par respect pour la vertu de Caton, le suivre dans un morne silence, fit prier sous main un des tribuns d'enlever Caton à ses licteurs. Après un tel acte de violence, très peu de sénateurs l'accompagnèrent au sénat ; la plupart, offensés de sa conduite, se retirèrent. Considius, un des plus âgés de ceux qui l'y avaient suivi, lui dit que les sénateurs n'étaient pas venus, parce qu'ils avaient craint ses armes et ses soldats. «Pourquoi donc, reprit César, cette même crainte ne vous fait-elle pas rester chez vous ? - Ma vieillesse, repartit Considius, m'empêche d'avoir peur ; le peu de vie qui me reste n'exige pas tant de précaution». Mais tous les actes de son consulat, aucun ne lui fit plus de tort que d'avoir fait nommé tribun du peuple ce même Clodius qui l'avait déshonoré en violant les veilles secrètes et mystérieuses que les dames romaines célébraient dans sa maison ; cette élection avait pour motif la ruine de Cicéron et, César ne partit pour son gouvernement qu'après l'avoir brouillé avec Clodius, et l'avoir fait bannir de l'Italie.


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(1)  César, pour épouser Cornélie, avait renoncé au mariage de Cossutia, issue d'une famille équestre et très riche. Tout le pouvoir de Sylla ne put le forcer à imiter l'exemple de Pison, qui, pour plaire au dictateur, avait répudié Annia, femme de Cinna, qu'il avait épousée.

(2)  Plutarque est ici en contradiction avec Patercule, liv. II, chap. XLIII ; et avec Suétone, in Caes. I

(3)  Plusieurs interprètes ont traduit ce passage comme si Plutarque avait voulu dire que c'était la maladie de César qui l'obligeait de changer de maison ; mais Ruauld, dans ses Remarques critiques sur cette vie, a très bien observé que notre historien n'a pu tomber dans cette méprise, après un passage formel de Suétone qui, dans la vie de César, chap. 1, dit que ce jeune Romain, quoique malade de la fièvre quarte, dont il avait alors un violent accès, était obligé de changer chaque nuit de demeure, pour se dérober aux recherches des satellites de Sylla. Plutarque veut donc dire seulement que César, en changeant ce jour-là de retraite, au lieu d'aller à pied, comme il faisait ordinairement, fut contraint par la maladie de se faire porter dans une litière. Ce Cornélius, surnommé Phagita, à qui César donna deux talents pour se racheter, était affranchi de Sylla ; et lorsque dans la suite César, parvenu à la puissance souveraine, aurait pu si facilement se venger de la rançon que Cornélius avait exigée de lui, il ne put, dit Suétone, ibid. chap. LXXIV, se résoudre à lui faire aucun mal.

(4)  Etienne de Byzance dit qu'il y avait auprès de Salamine deux petites îles de ce nom ; et Strabon, liv. IX, p.395, ajoute que dans la plus grande des deux on montrait encore de son temps le tombeau de Circé.

(5)  Suétone, chap. V, dit que cet ami était un médecin.

(6)  Les critiques ont relevé ici la méprise de Plutarque, qui fait deux personnages d'un seul. Apollonius n'était pas fils de Molon ; il avait lui-même ce dernier surnom. Cicéron, qui parle souvent de lui dans ses ouvrages, lui donne plusieurs fois le nom seul de Molon ; et quelquefois il l'appelle Apollonius Molon.

(7)  C'était un reproche qu'on faisait aux hommes efféminés, comme ou le voit dans les poètes épigrammatiques. Nous avons déjà vu que cette habitude, contractée aussi par Pompée, avait donné lieu à ses ennemis de le décrier dans ses moeurs.

(8)  On a vu, dans les notes sur la vie de Camille, que l'usage de louer publiquement les femmes romaines avait été établi vers l'an trois cent soixante de Rome, pour les récompenser d'avoir donné tout ce qu'elles avaient d'or en propre, afin d'achever la somme qui avait été promise aux Gaulois pour la rançon de Rome.

(9)  Elle était fille de Q. Pompée, et petite-fille de Sylla. La première femme de César se nommait Cossutia, et la seconde Cornélia, fille de Cinna.

(10)  Dans la vie de Caton d'Utique, Plutarque évalue cette somme en talents, et la perte à mille deux cent cmquante talents, ce qui ferait six millions deux cent cinquante mille livres, somme bien différente de celle qui est énoncée ici en sesterces, et qui ne va guère qu'à un million deux cent mille livres. Ruauld, dans ses Observations critiques sur la vie de César, a relevé cette erreur, qu'il faut attribuer sans doute à une méprise de copiste ; car il n'est pas vraisemblable que Plutarque se soit contredit à ce point. Cette somme, au reste, prouve la grande population de Rome dans ce temps-là, puisqu'il fallait par an une quantité si considérable de blé pour nourrir la dernière classe du peuple.

(11)  Cicéron, dans son Oraison sur les réponses des aruspices, qui est toute contre Clodius, nous apprend tout ce qu'on peut savoir de celte déesse, et du sacrifice qu'on lui faisait. D'après l'obscurité religieuse qu'on observait avec tant de soin dans ces mystères, il n'est pas étonnant que Plutarque n'en parle que d'une manière assez vague ; mais ce qui fait l'éloge de la discrétion et du silence des femmes romaines, c'est que depuis tant de siècles que cette fête était célébrée à Rome, le secret en eût été si scrupuleusement observé, que les hommes ne savaient pas même le nom véritable de cette déesse.

(12)  L'usage d'opiner ainsi sur plusieurs objets à la fois s'appelait ferre sententias per saturam : expression prise des bassins ou des plats, dans lesquels on mettait plusieurs mets ensemble, et d'où est venu le mot de satire, genre de poème où l'on traitait en même temps de plusieurs sujets.

(13)  La manière dont Plutarque s'exprime pourrait faire croire que César eut le commandement de toute l'Espagne ; mais il n'obtint que celui de l'Espagne ultérieure, comme le dit Suétone, in Caes. cap. XVIII. Des critiques ont sur cela accusé Plutarque de négligence ; mais l'accusation est un peu sévère ; ces vies ne sont pas une histoire détaillée de toutes les actions du héros, l'écrivain ne s'attache qu'aux principales ; et il suffit, pour l'instruction des lecteurs, de savoir que César alla commander en Espagne. L'Espagne ultérieure comprenait la Lusitanie et la Bétique, aujourd'hui le Portugal et l'Andalousie.

(14)  Le premier de ces deux peuples est appelé aussi Galléciens ; leur position n'est pas bien connue ; mais il parait par Strabon, liv. III, p.152, qu'ils étaient voisins des Lusitaniens, qui sont aujourd'hui les Portugais.

(15)  Le motif de cette loi avait été sans doute la crainte qu'on avait eue qu'un général vainqueur, qui revenait avec des troupes à qui leurs succès pouvaient inspirer de l'audace, ne causât de grands désordres dans Rome, s'il y était entré avec ses soldats, et qu'il se fût fait décerner le triomphe malgré le sénat et le peuple. Au contraire, ceux qui demandaient le consulat étant seuls, et n'ayant ordinairement que leur recommandation personnelle, ne laissaient aucun sujet de crainte ; et les citoyens qui nommaient aux charges étaient bien aises de les voir, en habit de candidats, solliciter eux-mêmes leurs suffrages. César, forcé par ces lois contraires de choisir entre le consulat et le triomphe, renonce à celui-ci, qui n'était qu'un honneur d'un jour, et préfère le consulat, dont la durée lui donnait le temps de poursuivre ses desseins, et de jeter les fondements de la puissance à laquelle il aspirait.

(16)  La Gaule cisalpine comprenait le Modénois, le Parmesan, le Plaisantin, le pays de Gênes, avec une partie du Piémont, du Milanais, du Montferrat et de la Toscane ; cette partie de la Gaule s'appelait aussi la Cispadane, c'est-à-dire en deçà du Pô. Elle renfermait de plus ce que les Romains appelaient la Gaule transpadane, ou au delà du Pô ; c'est-à-dire les Etats de la terre ferme de la république de Venise, les parties du Milanais, du Montferrat et du Piémont qui sont au nord du Pô, la Valteline et les bailliages suisses. La Gaule transalpine, nommée aussi la Gaule chevelue, des longs cheveux que portaient ses habitants, renfermait les Gaules celtique, aquitanique et belgique ; la première comprenait les cinq Lyonnaises, dont Lyon était la capitale, et s'étendait à tous les diocèses suffragants de Lyon, à la Normandie d'aujourd'hui, à la Bretagne, la Touraine, l'Anjou, le Maine, les archevêchés de Paris et de Sens, avec leurs suffragants ; la Franche-Comté, la Bresse, les évêchés de Lausanne et de Bâle, avec une partie de celui de Constance. La Gaule aquitanique, subdivisée en trois, comprenait les archevêchés de Bourges et d'Alby, avec leurs suffragants ; celui de Bordeaux et tous ses suffragants, et la Novempopulanie, ainsi nommée des neuf peuples qu'elle renfermait, et qui étaient ceux de l'archevêché d'Auch, des évêchés de Comminges, de Tarbes, d'Oloron, de Couserans, de Dax, de Lescar, d'Aire et de Bayonne. Enfin la Gaule belgique, divisée en deux, contenait l'archevêché de Trèves, une partie de celui de Mayence, les évêchés de Spire, de Worms, de Strasbourg, de Metz, de Toul et de Verdun ; les pays qui sont entre la Seine et la Meuse, et entre ce fleuve et le Rhin, depuis Coblentz jusqu'à l'Océan septentrional.