III - Numa Pompilius (an de Rome 38 et suiv.)

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Après l'apothéose de Romulus, il y eut un long interrègne (1), accompagné de troubles. Pour le faire cesser, les Romains consultèrent le vol des oiseaux, et appelèrent au trône Numa Pompilius, fils de Pomponius, lequel habitait la ville de Cures dans le pays des Sabins. Ce prince, dès le commencement de son règne, voulant adoucir par la religion la férocité de son peuple (2), institua un grand nombre de cérémonies sacrées, éleva un temple à Vesta, et choisit des vierges pour présider au culte de cette déesse, sous le nom de vestales (3). Il nomma aussi trois prêtres flamines (4), le Dial, le Martial, et le Quirinal. Il créa douze autres prêtres, nominés Saliens (5), pour vaquer au culte du dieu Mars, et donna au premier le nom de prélat. Au-dessus de tous les ministres des dieux il plaça un grand pontife. Par ses ordres fut bâti un temple à Janus aux deux visages (6). Il divisa l'année en douze mois, en y ajoutant ceux de janvier et de février. Législateur, il fit un grand nombre de bonnes lois, feignant qu'elles lui étaient dictées par la nymphe Egérie, son épouse (7). Son grand amour pour la justice fut cause qu'aucun peuple ne lui déclara la guerre. Une maladie termina ses jours, et on l'enterra sur le Janicule. Un grand nombre d'années après sa mort (8), un certain Terentius découvrit, en labourant son champ, un petit coffre qui renfermait des livres (9). Comme ces livres de peu d'importance ne contenaient que certains détails touchant les cérémonies qui se pratiquaient à Rome, ils furent brûlés par l'ordre du sénat.


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(1)  Selon un auteur grec, les sénateurs, au nombre de cent cinquante, se partagèrent l'autorité royale, et en prirent les marques distinctives, de manière que chacun d'eux régnait pendant six heures de la nuit et six heures du jour. Ce bizarre interrègne dura un an.

(2)  Florus appelle barbares les Romains de ce temps-là ; Tite-Live, une multitude ignorante et grossière, multitudinem imperitam et rudem.

(3)  Ces vestales furent d'abord au nombre de quatre ; elles étaient chargées d'entretenir le feu sacré de la déesse Vesta. Pendant les dix premières années on les instruisait des devoirs qu'elles avaient à remplir. Pendant les dix suivantes, elles exerçaient leurs fonctions ; elles employaient les dix dernières à l'enseignement des novices. Ce long espace de temps étant écoulé, elles étaient libres de se marier. On leur rendait les plus grands honneurs ; mais, si elles manquaient à leurs devoirs, on leur infligeait les châtimens les plus rigoureux. Celle qui, par négligence, avait laissé éteindre le feu sacré, était battue de verges par le grand pontife, et l'on enterrait toute vive celle qui avait violé son voeu de chasteté. Ce supplice avait lieu près de la porte Colline. L'institution des vestales tirait son origine de la ville d'Albe. Le culte auquel elles se dévouaient était entretenu aux frais de l'état. On sait que le feu était le principal objet de la religion des anciens Perses, qui élevaient à cet élément des autels sur les montagnes.

(4)  Ce nom de flamines vient d'un fil ou bande de laine que ces prêtres portaient autour de leur bonnet.

(5)  Ces prêtres étaient ainsi appelés du verbe salire, sauter, parce qu'ils honoraient par des sauts et des danses les dieux protecteurs des armées. Ils étaient chargés de la conservation des petits boucliers nommés ancilia ; ils portaient une plaque d'airain sur leur tunique de diverses couleurs, et autour du front des feuilles de peuplier, comme nous l'apprenons par ce vers de Virgile : Populeis ibant evincti tempora ramis.

(6)  Le texte latin porte ces mots : Portas Jano gemino aedificavit. Nous avons pensé que portas était pris ici pour l'édifice entier. Ce n'est pas la première fois que nous avons vu le mot portes employé pour signifier la totalité d'un bâtiment. Dans l'Evangile il signifie puissance ; et chez les Turcs, la porte marque le gouvernement du grand seigneur.

(7)  Il semble étonnant que Victor appelle la nymphe Egérie, épouse de Numa, comme si une divinité avait pu être la femme d'un mortel. C'est la réflexion du commentateur Paganinus - Gaudentius. Sans doute, notre historien se rappelait dans ce moment ce vers où Ovide adresse la parole à Egérie elle-même, livre 3, v.261 de ses Fastes : Nympha, Numae conjux, ad tua festa veni.

(8)  Quatre cent quatre-vingt-dix ans après, en l'an de Rome 572, sous le consulat de Cornelius Cethegus, et de Marcus Bebius Tamphilus.

(9)  On trouva deux coffres d'environ huit pieds de long, et quatre de large, sur chacun desquels il y avait une inscription en lettres latines et grecques. L'une marquait que le coffre où elle se trouvait renfermait le corps de Numa, et l'autre que ses livres avaient été déposés dans celui sur lequel elle était placée. On ouvrit le premier, et l'on n'y trouva pas le moindre vestige d'un corps humain. On trouva dans le second quatorze volumes entiers et comme neufs. Sept de ces volumes traitaient du droit pontifical et de certaines cérémonies religieuses. Les sept autres, écrits en caractères grecs, contenaient des préceptes moraux. Peut-être l'unité de Dieu y était-elle enseignée ; et, pour cette raison, le sénat crut-il devoir ordonner qu'ils fussent brûlés. Des monuments si anciens méritaient bien d'être conservés.