LXXVI - Cornelius Sylla (an de Rome 647 à 675) | | | |
Cornelius Sylla prit le surnom d'Heureux, à cause de la bonne fortune qui ne cessa jamais de l'accompagner. Un jour que sa nourrice le portait dans ses bras, une femme se présenta devant lui : «Je vous salue, dit-elle, ô enfant dont le bonheur fera celui de votre patrie !» Après ces paroles elle disparut ; on eut beau la chercher, on ne la trouva nulle part. Sylla était questeur dans l'armée de Marius lorsque Bocchus lui livra Jugurtha. Lieutenant de ce même général pendant la guerre des Cimbres et des Teutons, il contribua beaucoup aux victoires qu'il remporta contre eux. Elu préteur de la ville, il rendit avec beaucoup d'équité la justice aux citoyens de Rome. Il gouverna ensuite, dans la même qualité, la province de Cilicie (1). Pendant la guerre sociale, il soumit les Samnites et les Irpiniens, leurs voisins. Il empêcha Marius de supprimer les monumens où Bocchus était représenté lui livrant Jugurtha. Elevé au consulat, il obtint par le sort le gouvernement de la province d'Asie, et vainquit Mithridate près d'Orchomène et de Chéronée, ensuite Archela|s, lieutenant de ce prince, et se rendit maître du Pyrée (2). A son retour de l'expédition contre Mithridate, et pendant sa marche, il défit les Mèdes (3) et les Dardaniens. Peu après, à la nouvelle que son commandement avait été donné à Marius en vertu d'une loi du tribun Sulpicius, il revint en Italie, attira dans son parti les soldats de ses ennemis, chassa Carbon de cette province, et défit le jeune Marius près de Sacréport, ainsi que Telesinus vers la porte Colline, après la mort de Marius, arrivée à Préneste (4). Il prit, par un édit solennel, le surnom d'Heureux. Il fut le premier qui eût dressé des tables de proscriptions. Il fit tailler en pièces, dans le champ de Mars neuf mille prisonniers qui s'étaient rendus volontairement à lui (6). Ensuite, il augmenta le nombre des prêtres, et affaiblit la puissance des tribuns. Après avoir rétabli l'ordre dans la république, il abdiqua la dictature. Comme il s'apercevait qu'on commençait à le mépriser, il se retira à Pouzzoles, où il mourut de la maladie, nommée phtyriasis (7).
| (1) Il ne fut pas envoyé en Cilicie, mais en Cappadoce, après être sorti de la préture.
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| (2) Sylla se rendit maître d'Athènes, ensuite du Pyrée, port de mer à peu de distance de cette ville. Peu après, il battit successivement les troupes de Mithridate, près de Chéronée et d'Orchomène, deux villes de la Béotie.
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| (3) Ces peuples se nommaient ainsi, de Médus, fils de Médée, enlevée par Jason, chef des Argonautes. Ils étaient, comme les Dardaniens, habitants de pays limitrophes de la Macédoine. Voyez Plutarque, Vie de Sylla ; Appien, guerre de Mithridate ; Tite-Live, 1.38.
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| (4) Aujourd'hui Palestrine.
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| (5) J'ai cru devoir rendre ainsi les mots in villa publica, parce que, selon Tite-Live et Valère Maxime, cet édifice était situé dans le Champ-de-Mars. On y logeait les ambassadeurs des peuples ennemis, auxquels on ne permettait pas de se rendre dans la ville ; et on les y entretenait aux frais de la république.
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| (6) Les historiens ne sont pas d'accord entre eux sur le nombre de ces malheureux. Dans sa Cité de Dieu, saint Augustin en compte sept mille ; Valère Maxime parle de quatre légions ; Plutarque écrit six mille ; Florus, quatre mille ; Orose, trois mille seulement, et Strabon entre quatre et cinq mille, tous Samnites ; et Sénèque deux légions. Cette différence vient sans doute de ce que les uns n'ent voulu parler que des citoyens romains, et les autres de ceux-ci, et des Samnites confondus avec eux.
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| (7) Ce mot signifie la maladie pédiculaire, causée par une infinité de pous, engendrés dans le corps humain, et qui en dévorent les chairs. Parmi les anciens qui en sont morts, on compte Acaste, fils de Pélias, le poète Alcman, Phérécides syrien, précepteur de Pythagore, jeter dans une prison le jurisconsulte Mucius Ennus, qui, le premier, souleva les esclaves en Sicile ; enfin Hérode, roi des juifs.
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