II - Claude Tibère Néron (an de Rome 766)

Chapitre 1SommaireChapitre 3

Claude Tibère Néro, qu'Auguste avait adopté pour son fils, à la demande du peuple (1), saisit les rênes de l'empire, dès qu'il se vit délivré des craintes que lui avaient inspirées des révoltes qui s'étaient manifestées ; mais, par ruse, il refusa le titre attaché à la dignité impériale. C'était un prince artificieux, et qui ne laissait rien paraître de ce qu'il avait dans l'âme. Tantôt il montrait de l'aversion pour les choses qu'il désirait avec le plus d'ardeur ; tantôt il affectait une sorte de passion pour celles qu'il détestait le plus. Doué d'un esprit très vif, il se déterminait brusquement. Ses bons commencements ne le rendirent que plus pernicieux aux Romains. Dans la suite, on le vit, poussant à l'excès le raffinement de la débauche, ne faire aucune acception d'âge ni de sexe, pour assouvir ses passions. Non moins cruel que dépravé, il punissait les innocents avec une égale barbarie, fussent-ils ses pareils, fussent-ils étrangers à sa famille. Détestant les villes et la société humaine, il choisit enfin, pour en faire son séjour, l'île de Caprée (2), afin de pouvoir se livrer sans témoins aux plus honteux désordres. Dès ce moment la discipline militaire se relâcha de plus en plus ; plusieurs dispositions constitutionnelles de la république furent violées, et nul événement glorieux ne signala les armes romaines ; car ce fut au commencement du règne de Tibère que la Cappadoce, dont le roi Archelas avait été éloigné du trône, devint province romaine, et que furent réprimés les brigandages des Gétules, qui, sous le commandement de Tacfarinas, avaient fait plusieurs irruptions dans l'empire. Avant la retraite de ce prince dans l'île de Caprée, les cohortes prétoriennes étaient dispersées, soit dans les villes municipales, soit dans Rome même, où elles logeaient dans les maisons des citoyens ; il les établit dans un camp voisin de cette capitale (3), et éleva leur commandant à la dignité de préfet du prétoire (4). Auguste avait choisi, pour sa garde personnelle, d'autres soldats, nommés Appariteurs (5).

Tibère
Musée du Vatican


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(1)  Il y avait deux sortes d'adoption : l'une se faisait par le préteur ; l'autre avait lieu à la demande du peuple. La première était proprement nommée adoption, et l'on appelait l'autre arrogation.

(2)  Cette île, qui a conservé son nom dans Capri, est située dans la mer de Toscane, et, à une petite distance des côtes de la Campanie, et du golfe de Naples.

(3)  Parle conseil d'Aelius Séjan, son favori et son ministre.

(4)  Cet officier n'avait auparavant que le titre de préfet des cohortes prétoriennes. Lorsqu'il entrait en charge, il recevait des mains de l'empereur une ceinture et un glaive.

(5)  Ces appariteurs étaient aussi chargés de maintenir le bon ordre dans la ville, comme nos officiers de police.