XXVI - Antonin Gordien, Pupien et Balbin (an de Rome 990)

Chapitre 25SommaireChapitre 27

Il y avait deux ans que les Maximins jouissaient de la dignité impériale, et de la gloire d'avoir fait une heureuse guerre contre les Germains, lorsque tout à coup Antonin Gordien, proconsul d'Afrique, fut, pendant son absence, proclamé empereur par son armée, auprès de la ville de Thydrus. Invité par ses troupes à se rendre au milieu d'elles, ii les trouva soulevées, comme si elles ne l'eussent élu qu'à dessein de se révolter contre lui (1). Après avoir aisément calmé cette sédition, il se rendit à Carthage. Dans le temps qu'il offrait dans cette ville un sacrifice avec les cérémonies accoutumées, pour détourner l'effet de certains présages qui l'inquiétaient vivement, la victime mit bas au moment même où elle allait être immolée. Comme il se livrait avec une sorte de passion à la science des aruspices, il comprit, d'abord, aussi bien qu'eux, que la mort le menaçait, et que l'empire était destiné à ses enfants : mais, ayant poussé plus avant leurs conjectures, les devins lui prédirent la mort de son fils, en disant que ce serait un prince doux et innocent comme l'animal qui devait être sacrifié, et que bientôt il succomberait aux embûches de ses ennemis. Lorsqu'on apprit à Rome la mort de Gordien, les cohortes prétoriennes, sollicitées par Domitius, massacrèrent le préfet de la ville, et ce qui restait de délateurs (2). Comme Gordien, aussitôt après son élection, avait envoyé à Rome des émissaires avec des lettres où il promettait de magnifiques récompenses aux prétoriens, ces soldats, qui n'en voulaient qu'à l'argent dont ils faisaient dépendre leur fidélité et leurs services, avaient été viventent affligés d'une mort qui anéantissait leurs espérances. Dans cette conjoncture, le sénat, redoutant les plus grands malheurs pour la ville, qui, dépourvue de chefs, ressemblait à une place conquise par l'ennemi, confia d'abord le pouvoir suprême à quelques-uns de ses membres qui devaient l'exercer tour à tour (3) ; ensuite, ayant fait prendre les armes à la jeunesse romaine, il éleva à la dignité de césars, Clodius Pupienus et Cecilius Balbinus (4).

Gordien
Musée du Capitole


Chapitre 25Haut de la pageChapitre 27

(1)  On croirait que Gordien ne fut proclamé empereur que par une partie de ses troupes, et que l'autre tenait pour le parti contraire : ce qui serait opposé au témoignage des autres historiens, qui disent que le voeu des soldats fut unanime en sa faveur.

(2)  Le préfet se nommait Sabinus. Ceux que Victor appelle indices sont nominés delatores et accusatores par Hérodien et Capitolin. Nous remarquerons que les exécutions dont parle notre historien avaient eu lieu aussitôt après l'élévation de Gordien à l'empire.

(3)  Comme lieutenants ou vicaires des césars. Capitolin en compte vingt. Ce fut une sorte d'interrègne qui dura peu de temps.

(4)  L'auteur de l'Epitome dit qu'ils envahirent le pouvoir suprême. Sur plusieurs médailles, les surnoms de Maximus Augustus sont joints à celui de Pupienus, et seulement celui d'Augustus à Balbinus, dont le prénom est Coelius, et non pas Cecilius. Nous devons ajouter qu'ils furent l'un et l'autre créés augustes, quoique Victor dise qu'ils ne furent que césars, ces deux titres se trouvant sur leurs médailles.