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Alfonso X de Castille - Cantigas de santa Maria
Ms T-I-1, fol.226 v, détail (vers 1280)
Bibliothèque de l'Escorial

Cette enluminure est l'une des plus célèbres de l'iconographie du roi Jaume. Elle appartient à l'un des chefs-d'oeuvre de l'art médiéval, le manuscrit des Cantiques de sainte Marie que conserve la bibliothèque de l'Escorial. Composé par le roi Alfonso X, gendre de Jaume, ce recueil de cantiques en galicien célèbre la Vierge et ses interventions jusque dans la vie du monarque castillan : il a donc une dimension en partie autobiographique, même si celle-ci est largement transfigurée par les codes de la poésie lyrique.

La scène représentée ici appartient à une planche de six vignettes qui évoquent un événement historique du XIIIe siècle : les vicissitudes de la situation politique à Murcie, prise successivement par les Castillans, les Nasrides de Grenade, reprise par le roi Jaume et rendue à Alfonso en 1266 (Livre des Faits, § 434 sqq). Une même délégation de l'aljama musulmane locale va à quatre reprises présenter la même supplique aux souverains qui défilent l'un après l'autre ; même si l'anecdote racontée relève de la fiction, la trame sur laquelle elle est tissée est réaliste.

On est alors en droit de se demander si ce manuscrit, composé à l'extrême fin du règne de Jaume sous la direction d'Alfonso X, pourrait nous donner des renseignements sur l'apparence physique de notre personnage. Identifié par les nombreuses armes de la maison de Barcelone qui figurent sur ses vêtements, son siège et la tenue des gens qui l'accompagnent, le roi Jaume est ici un vieillard autoritaire et bien droit, mais grisonnant et barbu. Il a cette année-là cinquante-huit ans.

Or le panneau du roi chasseur à Montpellier, qui le représente presque à coup sûr et qui date de 1262 (soit quatre ans avant Murcie), montre un roi bien plus sportif, imberbe et blond, dont l'âge ne se manifeste que par quelques rides autour du nez et de la bouche... Les soucis causés par la mauvaise volonté de sa noblesse aragonaise (Livre des Faits, § 388-405) l'auraient-ils à ce point marqué ?

A

B

C

Nous pensons qu'il faut plutôt considérer la logique interne de la planche dans laquelle s'inscrit l'image : il s'agit pour l'enlumineur, qui dans son atelier de Séville n'a probablement pas connu le roi Jaume, d'identifier au premier coup d'oeil, non seulement par l'héraldique mais aussi par la simple apparence physique, l'infant Alfonso (A), qui a pris possession de Murcie en 1243, le roi Jaume son beau-père (B), qui a treize ans de plus que lui, et le roi Alfonso X (C), qui récupère Murcie en 1266. Si une telle grille de lecture iconographique est pertinente, nous ne pouvons rien déduire de cette image sur l'apparence réelle du roi Jaume à près de soixante ans...


© Agnès Vinas pour le texte.

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