Cassandre, fille de Priam et d'Hécube, douée par Apollon, qui l'aimait, mais dont elle avait repoussé l'amour, du pouvoir fatal de prédire l'avenir sans que personne ajoutât jamais foi à ses prédictions. Elle ne put détourner les maux qui devaient accabler sa patrie et sa race et qu'elle avait annoncés vainement dès la naissance de Pâris. Pendant la dernière nuit de Troie, Ajax l'arracha de l'autel d'Athènè où elle s'était réfugiée et fit violence à la plus belle des filles de Priam. Après qu'Ilion eut été détruit, Cassandre, esclave d'Agamemnon le suivit à Mycènes, où elle fut massacrée avec lui par Egisthe et Clytemnestre. Egisthe égorgea aussi, sur le tombeau de leur mère, Télédamos et Pélops, les deux petits enfants jumeaux que Cassandre avait eus d'Agamemnon.

Mycènes et Amyclées se disputaient la sépulture de Cassandre. Elle avait, sous le nom d'Alexandra, un temple et son image à Amyclées. A Leuctres, où son culte était lié à celui d'Apollon Carnéen, elle avait aussi un temple et le nom d'Alexandra.

La légende de Cassandre était figurée sur plusieurs célèbres monuments de l'art hellénique. Sur le coffre célèbre que Cypsélus, au commencement du vue siècle av. J.-C., avait consacré à Olympie, on voyait Ajax arrachant Cassandre de l'autel d'Athènè. Une peinture du Poecile, à Athènes, qui était l'oeuvre de Polygnote, représentait les chefs des Grecs assemblés pour délibérer sur l'attentat d'Ajax ; Cassandre était présente dans la troupe des femmes captives. Le même Polygnote, dans le Lesché de Delphes, avait représenté Ajax debout, jurant qu'il était innocent de la chute du Palladium. Cassandre était assise à terre, tenant entre ses mains la statue de bois d'Athènè, qu'elle avait détachée de sa base lorsque Ajax l'avait elle-même arrachée de l'autel.

Le sujet de la violence faite par Ajax à Cassandre se retrouve sur un grand nombre de monuments antiques qui nous sont parvenus. On le voit sur un bas-relief du Louvre, sur un autre bas-relief du casin de la villa Borghèse et sur un troisième qui est au musée d'Arles.

Les vases peints où est représentée la même scène sont trop nombreux pour être ici énumérés. Le plus remarquable de tous est sans doute une coupe dont la peinture est ici reproduite, qui appartient à la collection Campana, aujourd'hui au musée du Louvre.

On y voit Cassandre qui s'est précipitée aux pieds de la statue d'Athènè et l'embrasse. Ajax vient de l'atteindre et déjà porte la main sur elle, mais il ne la saisit pas avec la brutalité que dans les autres représentations de la même scène les artistes ne se sont pas fait faute d'exprimer ; son regard est dirigé vers l'image de la déesse. Il semble que l'auteur de cette peinture ait voulu disculper d'avance le héros du sacrilège dont il eut à se laver dans l'assemblée des chefs, selon la tradition suivie par Polygnote. Au-dessus des deux personnages on lit leurs noms : AIAS et KASSANDRA.

Ils sont désignés de la même manière dans une peinture murale d'un tombeau de Vulci.

Des miroirs étrusques, un casque de bronze du musée de Naples, des pierres gravées offrent des répétitions du même épisode.

Une peinture de Pompéi représente, d'après quelques auteurs, Cassandre prédisant, en présence de Priam, de Mentor et d'Astyanax, la ruine de Troie.

Article de A. France