L'Iliade ne constituant qu'un épisode de la guerre de Troie, elle ne met pas en scène la prise de la ville et le massacre de ses habitants. Pourtant, au chant XXIV, Andromaque, se lamentant sur le cadavre d'Hector, évoque de manière prophétique le destin qui pourrait bien attendre son fils lorsque la cité sera conquise (v.732-738) :

σὺ δ᾽ αὖ τέκος ἢ ἐμοὶ αὐτῆι
ἕψεαι, ἔνθά κεν ἔργα ἀεικέα ἐργάζοιο
ἀθλεύων πρὸ ἄνακτος ἀμειλίχου, ἤ τις Ἀχαιῶν
ῥίψει χειρὸς ἑλὼν ἀπὸ πύργου λυγρὸν ὄλεθρον
χωόμενος, ὧι δή που ἀδελφεὸν ἔκτανεν Ἕκτωρ
ἢ πατέρ᾽ ἠὲ καὶ υἱόν, ἐπεὶ μάλα πολλοὶ Ἀχαιῶν
Ἕκτορος ἐν παλάμηισιν ὀδὰξ ἕλον ἄσπετον οὖδας.

Et toi aussi, mon petit, ou bien tu me suivras pour vaquer à des corvées serviles et peiner sous les yeux d'un maître inclément, ou bien quelque Achéen, te prenant par la main, t'ira - horrible fin ! - précipiter du haut de nos remparts, en haine d'Hector, qui lui aura tué un père, un frère, un fils !

Pas de précision sur le destin du petit garçon au chant VIII de l'Odyssée, qui pourtant évoque rapidement le carnage. Mais le Cycle homérique semble avoir rapidement comblé la lacune, et ce que l'on découvre dans le résumé de l'Iliou Persis d'Arctinos par Proclus n'est pas précisément de nature à glorifier le roi d'Ithaque : Ulysse est le meurtrier d'Astyanax.

Telle est la source à laquelle va puiser Euripide, au Ve siècle, pour composer l'une de ses plus remarquables tragédies, représentée aux Grandes Dionysies de 415 avant JC, les Troyennes. La ville vient de tomber, on aperçoit ses ruines fumantes à l'arrière-plan ; le choeur est composé des Troyennes captives qui attendent d'être emmenées par leurs nouveaux maîtres. Parmi elles, Hécube, femme de Priam dont les premiers vers nous apprennent qu'il a été massacré ; on vient de lui annoncer qu'elle échoit comme esclave au roi d'Ithaque, Ulysse. Mais le pire est encore à venir : alors qu'Andromaque passe sur un chariot, tenant dans ses bras le petit Astyanax, pour être emmenée par Néoptolème, un héros survient pour s'emparer du fils d'Hector (v.709-725) :

Ταλθύβιος
Φρυγῶν ἀρίστου πρίν ποθ' Ἕκτορος δάμαρ,
μή με στυγήσῃς· οὐχ ἑκὼν γὰρ ἀγγελῶ.
Δαναῶν δὲ κοινὰ Πελοπιδῶν τ' ἀγγέλματα...

Ἀνδρομάχη
Τί δ' ἔστιν; Ὥς μοι φροιμίων ἄρχῃ κακῶν.

Ταλθύβιος
Ἔδοξε τόνδε παῖδα . . . πῶς εἴπω λόγον;

Ἀνδρομάχη
Μῶν οὐ τὸν αὐτὸν δεσπότην ἡμῖν ἔχειν;

Ταλθύβιος
Οὐδεὶς Ἀχαιῶν τοῦδε δεσπόσει ποτέ.

Ἀνδρομάχη
Ἀλλ' ἐνθάδ' αὐτοῦ λείψανον Φρυγῶν λιπεῖν;

Ταλθύβιος
Οὐκ οἶδ' ὅπως σοι ῥᾳδίως εἴπω κακά.

Ἀνδρομάχη
Ἐπῄνεσ' αἰδῶ, πλὴν ἐὰν λέγῃς καλά.

Ταλθύβιος
Κτενοῦσι σὸν παῖδ', ὡς πύθῃ κακὸν μέγα.

Ἀνδρομάχη
Οἴμοι, γάμων τόδ' ὡς κλύω μεῖζον κακόν.

Ταλθύβιος
Νικᾷ δ' Ὀδυσσεὺς ἐν Πανέλλησιν λέγων...

Ἀνδρομάχη
Αἰαῖ μάλ'· οὐ γὰρ μέτρια πάσχομεν κακά.

Ταλθύβιος
Λέξας ἀρίστου παῖδα μὴ τρέφειν πατρὸς...

Ἀνδρομάχη
Τοιαῦτα νικήσειε τῶν αὑτοῦ πέρι.

Ταλθύβιος
Ῥῖψαι δὲ πύργων δεῖν σφε Τρωικῶν ἄπο.

Talthybios
Veuve d'Hector, qui fut le plus brave des Phrygiens, ne me maudis pas. C'est malgré moi que je viens annoncer la décision des Atrides et de toute l'armée.

Andromaque
Prélude de mauvais augure ! Qu'y a-t-il ?

Talthybios
On a décidé pour ton fils... Comment dire le reste ?

Andromaque
Non pas de lui donner un maître différent du mien ?

Talthybios
Aucun des Grecs jamais ne deviendra son maître.

Andromaque
Alors on laisse ici ce reste des Troyens ?

Talthybios
Comment te rendre supportable ce que j'ai à te dire ?

Andromaque
Je louerai ton scrupule, pourvu que tu n'aies pas de malheur à m'apprendre.

Talthybios
Tu vas entendre le plus grand : ils vont tuer ton fils.

Andromaque
O douleur ! coup plus affreux que le joug de l'hymen !

Talthybios
Ulysse à l'assemblée l'emporta en disant...

Andromaque
Hélas, encore hélas ! Mon infortune est sans mesure !

Talthybios
... qu'il ne fallait pas laisser vire le fils d'un tel héros.

Andromaque
Prévale ce principe quand ses enfants seront en cause !

Talthybios
Mais le jeter du haut des murs de Troie.

Suit une longue scène de déploration d'Andromaque, au terme de laquelle Talthybios arrache le petit des bras de sa mère pour l'emmener au sommet des remparts :

Un peu plus tard, Talthybios revient porter à Hécube le cadavre de l'enfant qu'Andromaque, emmenée par Néoptolème, n'a pas eu le temps d'ensevelir. Voici la déploration d'une grand-mère anéantie (v.1158-1193) :

Ὦ μείζον' ὄγκον δορὸς ἔχοντες ἢ φρενῶν,
τί τόνδ', Ἀχαιοί, παῖδα δείσαντες φόνον
καινὸν διειργάσασθε; Μὴ Τροίαν ποτὲ
πεσοῦσαν ὀρθώσειεν; Οὐδὲν ἦτ' ἄρα,
ὅθ' Ἕκτορος μὲν εὐτυχοῦντος ἐς δόρυ
διωλλύμεσθα μυρίας τ' ἄλλης χερός,
πόλεως δ' ἁλούσης καὶ Φρυγῶν ἐφθαρμένων
βρέφος τοσόνδ' ἐδείσατ'· οὐκ αἰνῶ φόβον,
ὅστις φοβεῖται μὴ διεξελθὼν λόγῳ.
Ὦ φίλταθ', ὥς σοι θάνατος ἦλθε δυστυχής.
Εἰ μὲν γὰρ ἔθανες πρὸ πόλεως, ἥβης τυχὼν
γάμων τε καὶ τῆς ἰσοθέου τυραννίδος,
μακάριος ἦσθ' ἄν, εἴ τι τῶνδε μακάριον·
νῦν δ' αὔτ' ἰδὼν μὲν γνούς τε σῇ ψυχῇ, τέκνον,
οὐκ οἶσθ', ἐχρήσω δ' οὐδὲν ἐν δόμοις ἔχων.
Δύστηνε, κρατὸς ὥς σ' ἔκειρεν ἀθλίως
τείχη πατρῷα, Λοξίου πυργώματα,
ὃν πόλλ' ἐκήπευσ' ἡ τεκοῦσα βόστρυχον
φιλήμασίν τ' ἔδωκεν, ἔνθεν ἐκγελᾷ
ὀστέων ῥαγέντων φόνος, ἵν' αἰσχρὰ μὴ λέγω.
Ὦ χεῖρες, ὡς εἰκοὺς μὲν ἡδείας πατρὸς
κέκτησθ', ἐν ἄρθροις δ' ἔκλυτοι πρόκεισθέ μοι.
Ὦ πολλὰ κόμπους ἐκβαλὸν φίλον στόμα,
ὄλωλας, ἐψεύσω μ', ὅτ' ἐσπίπτων πέπλους,
Ὦ μῆτερ, ηὔδας, ἦ πολύν σοι βοστρύχων
πλόκαμον κεροῦμαι, πρὸς τάφον θ' ὁμηλίκων
κώμους ἀπάξω, φίλα διδοὺς προσφθέγματα.
Σὺ δ' οὐκ ἔμ', ἀλλ' ἐγὼ σὲ τὸν νεώτερον,
γραῦς ἄπολις ἄτεκνος, ἄθλιον θάπτω νεκρόν.
Οἴμοι, τὰ πόλλ' ἀσπάσμαθ' αἵ τ' ἐμαὶ τροφαὶ
ὕπνοι τ' ἐκεῖνοι φροῦδά μοι. Τί καί ποτε
γράψειεν ἄν σε μουσοποιὸς ἐν τάφῳ;
Τὸν παῖδα τόνδ' ἔκτειναν Ἀργεῖοί ποτε
δείσαντες; Αἰσχρὸν τοὐπίγραμμά γ' Ἑλλάδι.
Ἀλλ' οὖν πατρῴων οὐ λαχὼν ἕξεις ὅμως
ἐν ᾗ ταφήσῃ χαλκόνωτον ἰτέαν.

On peut, ô Grecs, louer vos armes, non votre jugement !
Que craigniez-vous de cet enfant pour commettre ce meurtre
inouï ? qu'un jour il ne relève
Troie écroulée ? Vous étiez donc bien peu de chose !
Malgré les victoires d'Hector et de cent autres, nous avons péri.
Aujourd'hui que la ville est prise et les Phrygiens détruits,
ce nourrisson, vous le redoutez à ce point !
Je méprise la peur
qui ne pèse pas ses propres raisons.
O mon enfant chéri, combien ta fin est déplorable !
Tu serais mort pour ta patrie, ayant joui de ta jeunesse,
de l'hymen, de cette royauté qui nous égale aux dieux,
on louerait ton bonheur, s'il y a lieu de louer de tels biens.
Mais ton âme de trépassé ignore qu'elle a vu, qu'elle a connu
cette félicité qui n'a pu te servir quand tu la possédais dans ta maison.
Pauvre petit, tête cruellement scalpée
par les murs qu'Apollon bâtit pour tes ancêtres !
Arrachées, ces mèches bouclées que ta mère soignait et baisait.
La mort y ricane entre les os fracassés : je ne veux pas nommer d'autres horreurs encore !
Mains qui gardez la ressemblance que j'aimais
avec celles d'Hector, je vous tiens inertes, désarticulées !
Bouche chérie qui me faisais tant de promesses,
te voilà close par la mort ! Tu mentais, mon enfant, quand tu te jetais sur mon lit
en me disant : "Ma mère, je couperai pour ton deuil une longue mèche
de mes boucles, et je conduirai tout le train de mes camarades
à ton sépulcre, en t'envoyant des baisers, des saluts".
Non, ce n'est pas toi qui m'enterreras. C'est moi, la vieille femme,
sans patrie, sans enfants, qui vais t'inhumer, petit corps pitoyable !
Mes baisers, mes tendres soins, hélas,
nos sommeils de jadis, tout cela est perdu pour moi.
Que trouvera bien un poète à graver sur ta tombe ?
"Ici gît un enfant que les Grecs ont tué tant ils en avaient peur".
Pour l'Hellade, quelle flétrissure qu'une telle épitaphe !
Enfin, frustré de l'héritage de ton père, tu auras cependant
son bouclier de bronze qui te servira de cercueil.

On le voit, Ulysse n'est pas dans cette pièce physiquement présent - et donc odieux - dans l'épisode où il arrache aux Grecs la décision (indispensable sur le plan politique) d'anéantir le dernier représentant de la race troyenne. Son intervention, toute cruelle qu'elle apparaisse, n'est donc pas aussi dramatique que dans la tragédie d'Hécube, où il assume pleinement, et devant le spectateur, son rôle d'exécuteur des basses oeuvres.

Il n'en va pas de même dans Les Troyennes de Sénèque inspirées de ces deux pièces d'Euripide. Reprenant le vieux motif du sacrifice d'Iphigénie, l'oracle de Calchas a indiqué que si les Grecs veulent prendre la mer, il leur faut obtenir la mort de Polyxène en même temps que celle d'Astyanax. Andromaque alertée par un songe, décide de cacher son fils dans le tombeau d'Hector : c'est le seul moyen de le mettre à l'abri. Mais arrive Ulysse, que l'on a chargé de trouver le petit Astyanax ; Andromaque a beau mentir et prétendre qu'il est mort, à malin malin et demi... Suit alors une scène de jeu entre le chat et la souris, où Ulysse donne la pleine mesure de ses dons d'observation et de manipulation psychologique (v.614-627) :

[Ulysses) Nunc aduoca astus, anime ; nunc fraudes, dolos,
Et totum Ulyssem : ueritas nunquam perit.
Scrutare matrem : moeret, illacrimat, gemit,
Et huc et illuc anxios gressus refert,
Missasque uoces aure sollicita excipit.
Magis haec timet, quam moeret : ingenio est opus.
Alios parentes alloqui in luctu decet :
Tibi gratulandum est, misera, quod nato cares,
Quem mors manebat saeua, praecipitem datum
E turre, lapsis sola quae muris manet.

[Andromacha] Me liquit animus, membra quatiuntur, labant,
Torpetque uinctus frigido sanguis gelu.

[Ulysses] Intremuit : hac, hac parte quaerenda est mihi.
Matrem timor detexit : iterabo metum.


Ulysse (à part) - C'est à présent qu'il faut appeler à ton aide l'astuce, ô mon esprit, les feintes, les ruses, bref Ulysse tout entier : jamais la vérité n'échappe. Scrute cette mère. Elle s'afflige, elle pleure, elle gémit. Mais elle porte çà et là des pas inquiets et écoute mes paroles anxieusement. Elle est plus craintive qu'elle n'est désolée. Il faut être ingénieux. (A Andromaque) A d'autres mères il convient d'apporter, dans leur deuil, des consolations. Toi, je n'ai qu'à te féliciter, infortunée, de n'avoir plus ton fils, car une mort cruelle l'attendait : on l'eût précipité du haut de la tour qui est l'unique reste de vos murs écroulés.

Andromaque - Ah ! la vie abandonne mes membres ; ils tremblent ; ils chancellent et mon sang se fige, glacé par un froid mortel.

Ulysse (à part) - Elle a tremblé. Voilà, voilà l'endroit par où il faut l'attaquer : elle s'est trahie par son maternel effroi. Je vais redoubler l'effet de la crainte.

A force de faire pression sur Andromaque, Ulysse finit par deviner que le petit Astyanax a été caché dans le tombeau d'Hector. Il menace de démolir le monument, et Andromaque, affolée à l'idée que son fils serait écrasé, finit par demander à l'enfant de sortir de sa cachette ; puis elle tente en vain de fléchir Ulysse par ses supplications (v.750-757) :

(Ulysses) Non hoc Ulysses, sed negat Calchas tibi.

(Andromacha) O machinator fraudis, o scelerum artifex,
Virtute cuius bellica nemo occidit,
Dolis et astu maleficae mentis iacent
Etiam Pelasgi ; uatem et insontes deos
Praetendis? hoc est pectoris facinus tui,
Nocturne miles, fortis in pueri necem.
Iam solus audes aliquid, et claro die.


Ulysse - Ce n'est pas Ulysse, mais Calchas qui te le refuse.

Andromaque - O fauteur de mensonges, ô artisan de crimes, toi dont la valeur guerrière n'a jamais tué personne mais qui, par les ruses et l'astuce de ton esprit, as perdu même des Pélasges, c'est le devin, ce sont les dieux innocents que tu prends pour prétexte ? Non, c'est bien de ton coeur que vient ce forfait. Guerrier nocturne, mais courageux pour tuer un enfant, enfin tu vas oser quelque chose tout seul et à la clarté du jour !

Peine perdue : Astyanax est emmené, et un peu plus tard un messager vient raconter sa mort, à la manière sénéquienne, baroque, - en n'épargnant ni effets de rhétorique ni les détails sanglants auxquels Euripide avait renoncés...

(Nuntius)
Est una magna turris e Troia super,
Assueta Priamo ; cuius e fastigio
Summisque pinnis arbiter belli sedens
Regebat acies : [...]
Haec nota quondam turris, et muri decus,
Nunc saeua cautes, undique affusa ducum
Plebisque turba cingitur : totum coit
Ratibus relictis uulgus : [...]
Per spatia late plena sublimi gradu
Incedit Ithacus, paruulum dextra trahens
Priami nepotem : nec gradu segni puer
Ad alta pergit moenia. Ut summa stetit
Pro turre, uultus huc et huc acres tulit,
Intrepidus animo : qualis ingentis ferae
Paruus tenerque fetus, et nondum potens
Saeuire dente, iam tamen tollit minas,
Morsusque inanes tentat, atque animis tumet :
Sic ille dextra prensus hostili puer
Ferox, superne mouerat uulgum ac duces,
Ipsumque Ulyssem : non flet e turba omnium,
Qui fletur : ac dum uerba fatidici et preces
Concipit Ulysses uatis, et saeuos ciet
Ad sacra superos, sponte desiluit sua
In media Priami regna.

(Andromacha)
Quis Colchus hoc, quis sedis incertae Scytha
Commisit ? aut quae Caspium tangens mare
Gens iuris expers ausa ? Non Busiridis
Puerilis aras sanguis aspersit feri ;
Nec parua gregibus membra Diomedes suis
Epulanda posuit. Quis tuos artus tenet,
Tumuloque tradet ?

(Nuntius)
Quos enim praeceps locus
Reliquit artus ? ossa disiecta et graui
Elisa casu, signa clari corporis,
Et ora, et illas nobiles patris notas
Confudit imam pondus ad terram datum.
Soluta ceruix : silicis impulsu caput
Ruptum, cerebro penitus expresso : iacet
Deforme corpus.

(Andromacha)
Sic quoque est similis patri.


Le messager - Il est une tour unique qui subsiste, seul reste de l'immense Troie, celle que Priam fréquentait d'habitude et du sommet de laquelle, assis au haut des créneaux, il dirigeait la mêlée, en arbitre de la bataille [...] Cette tour jadis célèbre, et qui était la gloire de nos murailles, n'est plus qu'un cruel rocher, entouré de toute part par les flots d'une multitide de chefs ou de simples soldats : tout le peuple des Grecs s'y assemble après avoir quitté les navires [..] Par ces espaces immenses et pleins de monde, la démarche fière, s'avance le roi d'Ithaque, qui tient par la main le petit-fils, encore si petit, de Priam, et l'enfant monte d'un pas assuré vers le sommet des remparts. Dès qu'il fut arrivé devant le haut de la tour, il porta de toute part ses regards hardis, l'âme intrépide. Tel le petit, encore tout jeune et tout faible, d'un fauve énorme, incapable de faire déjà du mal par ses crocs, essaie pourtant déjà de menacer, tente de vaines morsures et se gonfle d'une noble ardeur, ce brave enfant, même saisi par la main de son ennemi, bout superbement de colère. Il avait ému le peuple et les chefs, et jusqu'à Ulysse lui-même : mais il est le seul à ne pas pleurer, dans toute cette multitude, lui sur qui l'on pleure, et tandis qu'Ulysse prononce les paroles du devin, ses prières, tandis qu'il évoque pour le sacrifice les dieux cruels, lui s'élance volontairement au milieu du royaume de Priam !

Andromaque - Quel Colchidien, quel Scythe nomade eût commis ce crime ? Quelle peuplade des bords de la Caspienne, vivant sans lois, eût osé le perpétrer ? Jamais Busiris lui-même, quoique cruel, n'arrosa ses autels du sang d'un enfant ; jamais des membres si petits ne furent livrés en pâture à ses troupeaux par Diomède. Qui donc recueillera ces restes et les confiera au tombeau ?

Le messager - Mais quels restes aurait pu laisser ce saut ? Ses os ont été broyés, émiettés par sa lourde chute ; les lignes de son noble corps, ces traits, ce visage qui retraçais celui de son illustre père, tout cela s'est amalgamé quand il est venu s'écraser lourdement sur la terre au fond de l'abîme ; son cou s'est brisé sous le choc des rochers ; sa tête a éclaté et toute la cervelle en a jailli : c'est un corps difforme qui gît.

Andromaque - Et ainsi encore, il ressemble à son père.

Signalons enfin une nouvelle contemporaine d'Emile Gebhart qui associe la double légende de la mort d'Astyanax et de la Télégonie :


Pour l'honneur d'Ulysse, il faut à présent préciser :


Références des traductions