Marche des événements. - L'intrigue se
noue. La trame s'ourdit, mais le filet change de main
«Et vous avez le courage, Julia, d'aller visiter ce
soir la magicienne du Vésuve, et dans la compagnie
encore de cet homme terrible ?
- Oui, Nydia, répliqua timidement Julia ; penses-tu
donc qu'il y ait réellement quelque chose à
craindre ? Ces vieilles sorcières, avec leurs miroirs
enchantés, leurs cribles tremblants, et leurs herbes
cueillies au clair de la lune, ne sont, j'imagine, que
d'impudentes trompeuses, qui n'ont peut-être à
leur disposition d'autre charme que celui pour lequel je vais
la consulter ; charme qui provient sans doute de la
connaissance des herbes et des simples. Pourquoi aurais-je
peur ?
- Ne craignez-vous pas votre compagnon ?
- Lui, Arbacès ! Par Diane ! je n'ai jamais vu d'amant
plus gracieux que le magicien ; s'il n'avait pas la peau si
brune, il serait même assez beau.»
Tout aveugle qu'elle était, Nydia avait assez de
pénétration pour s'apercevoir que l'esprit de
Julia n'était pas de ceux qui pouvaient s'effrayer des
galanteries d'Arbacès. Elle cessa donc de la dissuader
mais un violent désir croissait dans son cœur, celui
de savoir si la magie possédait un charme pour lui
faire aimer.
«Laissez-moi vous accompagner, noble Julia, dit-elle
à la fin ; ma présence ne saurait être
une protection, mais j'aimerais à rester près
de vous jusqu'au dernier moment.
- Ton offre me plaît infiniment, répondit la
fille de Diomède, mais comment arranger cela ? L'heure
du retour sera peut-être avancée, et l'on
s'étonnera de ton absence.
- Ione est indulgente, reprit Nydia ; si vous me permettez de
passer une nuit sous votre toit, je dirai qu'ancienne
protectrice et amie, vous m'avez invitée pour toute
une journée, afin d'entendre mes chansons
thessaliennes ; sa courtoisie ne vous refusera pas une si
légère faveur.
- Non, fais la demande en ton nom, répondit la
hautaine Julia, je ne m'abaisserai pas à solliciter
une faveur de la Napolitaine.
- Eh bien, soit ! je vais vous quitter pour aller faire ma
requête, qui, je n'en doute pas, sera facilement
accordée, et je reviendrai promptement.
- Va, et ton lit sera préparé dans ma propre
chambre.»
Là-dessus, Nydia quitta la belle Pompéienne. En
retournant chez Ione, elle rencontra le char de Glaucus, dont
les chevaux, beaux et fringants, faisaient l'admiration de la
foule.
Glaucus s'arrêta un moment avec bonté pour
parler à la bouquetière.
«Toujours fraîche comme tes roses, ma gentille
Nydia ! et comment se porte ta belle maîtresse ? ...
Elle est bien remise sans doute de l'orage d'hier ?
- Je ne l'ai pas vue ce matin, répondit Nydia,
mais...
- Mais quoi ? ... Recule un peu, les chevaux sont trop
près de toi.
- Mais pensez-vous qu'Ione me permettra de passer la
journée chez Julia, la fille de Diomède ? Elle
le désire, et elle a été bonne pour moi,
lorsque j'avais bien peu d'amis.
- Que les dieux bénissent ton cœur reconnaissant ! je
te garantis la permission d'Ione.
- Mais je resterai toute la nuit ; je ne reviendrai que
demain matin, reprit Nydia, qui tressaillit en entendant ces
éloges peu mérités en ce moment.
- Comme il plaira à toi et à la belle Julia.
Rappelle-moi à son souvenir ; et remarque, Nydia,
lorsque tu l'entendras parler, la différence qu'il y a
entre sa voix et la voix argentine d'Ione.
Vale.»
Complètement remis lui-même des émotions
de la nuit précédente, ses cheveux flottants,
le cœur bondissant et joyeux à chaque élan de
ses coursiers parthes, véritable type du dieu de son
pays, plein de jeunesse et d'amour, Glaucus partit pour se
rendre auprès de sa maîtresse.
Joseph M. Gleeson, 1891
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Jouissons tant que nous pouvons du présent... qui
peut lire dans l'avenir ?
A l'approche de la nuit, Julia, couchée dans sa
litière, qui était assez large pour contenir sa
compagne aveugle, prit le chemin des bains qu'Arbacès
lui avait indiqué. Pour un esprit aussi léger
que le sien, cette entreprise offrait moins de frayeur que de
plaisir ; elle se réjouissait par-dessus tout à
la pensée de son prochain triomphe sur cette odieuse
Napolitaine.
Un petit groupe joyeux était réuni
auprès de la porte de la ville, au moment où la
litière passa pour aller s'arrêter à
l'entrée particulière des bains destinés
aux femmes.
«Il me semble que je reconnais les esclaves de
Diomède, malgré l'obscurité de la nuit,
dit un des assistants.
- Tu dis vrai, Claudius, répondit Salluste ; c'est
probablement la litière de sa fille Julia. Elle est
riche, mon ami ; pourquoi ne lui fais-tu pas la cour ?
- Pourquoi ? J'avais pensé autrefois que Glaucus
l'épouserait. Elle ne dissimule pas son attachement
pour lui, et puis, comme il est beau joueur et pas heureux au
jeu...
- Les sesterces auraient passé dans tes mains, sage
Claudius. Une femme aussi est une bonne chose, lorsqu'elle
appartient à un autre.
- Mais, continua Claudius,
puisque Glaucus va, dit-on, épouser la Napolitaine, je
crois que je puis essayer de consoler la belle
négligée ! Après tout, la lampe de
l'hymen sera bien dorée, et la beauté du vase
peut réconcilier avec l'odeur de la flamme. Seulement,
cher Salluste, sois sûr que je ne permettrai pas que
Diomède te fasse le fidéi-commissaire de la
fortune de sa fille (1).
- Ha ! ha ! entrons, mon cher comissator ; le vin et
les guirlandes nous attendent.»
Julia, renvoyant ses esclaves dans cette partie de la maison
consacrée aux femmes, entra dans les bains avec Nydia,
et, refusant le service des baigneuses, passa par une porte
dérobée dans le jardin qui était
derrière l'établissement.
«Elle a quelque rendez-vous, sans aucun doute, dit
l'une des esclaves.
- Qu'est-ce que cela te fait ? répondit aigrement la
surveillante ; elle paye le bain et ne gaspille pas le
safran. Ces rendez-vous sont le plus beau de notre
état. Ecoute, n'entends-tu pas la veuve Fulvie frapper
des mains ? ... Cours, folle ; cours... »
Julia et Nydia, évitant la partie la plus
fréquentée du jardin, arrivèrent
à l'endroit désigné par l'Egyptien. Dans
un petit espace circulaire, garni de gazon, s'élevait
une statue de Silène, sur laquelle tombait alors la
clarté des étoiles ; le dieu de la joie
était incliné sur un fragment de rocher ; le
lynx de Bacchus reposait à ses pieds, et il pressait
sur sa bouche, de toute la force de son bras, une grappe de
raisin qu'il paraissait prendre grand plaisir à
dévorer.
«Je ne vois pas le magicien», dit Julia en
regardant autour d'elle. Mais, comme elle parlait, l'Egyptien
sortit d'un bosquet voisin, et une pâle lumière
se refléta sur sa robe flottante.
« Salve, douce jeune fille ; mais qui donc est
avec vous ? Nous ne devions pas avoir de compagnons !
- Ce n'est que la bouquetière aveugle, sage magicien,
répondit Julia, Nydia, Thessalienne
elle-même.
- Ah ! Nydia, reprit l'Egyptien, je la connais
bien.»
Nydia recula en frissonnant.
«Tu es venue chez moi, je crois, dit-il, en se
rapprochant de l'oreille de Nydia ; tu sais quel serment tu
as fait : silence et mystère ! Alors comme maintenant,
souviens-toi de cela. Cependant, ajouta-t-il, comme en se
parlant à lui-même, pourquoi se confier plus
qu'il n'est nécessaire même à une aveugle ? Julia, as-tu donc peur de te remettre à ma garde ? Le magicien est moins redoutable qu'il ne paraît
l'être.»
Tout en parlant, il tira doucement Julia à part.
«La sorcière n'aime pas beaucoup à
recevoir plusieurs visiteurs à la fois. Laissez Nydia
ici jusqu'à notre retour, elle ne peut nous être
d'aucune utilité... et s'il s'agit de protection...
votre beauté suffit... votre beauté et votre
rang... oui, Julia, je connais votre nom et votre naissance.
Venez, confiez-vous à moi, belle rivale de la plus
jeune des Naïades.»
L'orgueilleuse Julia n'était pas, comme nous l'avons
vu, prompte à s'alarmer ; elle fut flattée des
compliments d'Arbacès, et consentit à ne pas
emmener Nydia, qui ne fit pas de difficultés de son
côté pour rester. Au son de la voix de
l'Egyptien, toutes les terreurs qu'il lui avait
inspirées étaient revenues ; elle
éprouva une sensation de plaisir en apprenant qu'elle
ne serait pas du voyage dans cette fâcheuse
compagnie.
Elle retourna à la maison des bains, et attendit leur
retour dans une chambre particulière de
l'établissement. Les pensées qui assaillirent
la sauvage enfant, tout le temps qu'elle resta ainsi,
immobile, dans son obscurité naturelle, furent
amères et nombreuses ; elle songea à sa propre
destinée, loin de sa terre natale loin des doux soins
qui avaient autrefois adouci les chagrins de son enfance,
passagers comme les nuages d'une matinée d'avril ; elle songea qu'elle était privée de la
lumière du jour, n'ayant autour d'elle que des
étrangers pour guider ses pas, frappée dans les
plus doux sentiments de son cœur, aimant sans espoir, sans
autre espoir du moins que le rayon qui avait traversé
son esprit, lorsque son imagination thessalienne
s'était informée de la puissance des charmes et
des dons de la magie.
La nature avait semé dans le cœur de cette pauvre
fille des germes de vertu, qui n'étaient pas
destinés à mûrir. Les leçons de
l'adversité ne sont pas toujours salutaires ; quelquefois elles adoucissent et corrigent, quelquefois aussi
elles gâtent et endurcissent l'âme. Lorsque nous
nous voyons plus durement traités par le sort que les
personnes qui sont autour de nous, et que nous ne trouvons
pas dans nos actions les raisons de cette
sévérité, nous ne sommes que trop
portés à regarder le monde comme notre ennemi,
à nous mettre en défiance vis-à-vis de
tous, à nous révolter contre notre douceur
naturelle, et à nous précipiter dans les plus
sombres passions, si aisément excitées par le
sentiment de l'injustice. Vendue comme esclave dès ses
jeunes ans, condamnée à servir un maître
sordide et d'un vil métier, ne changeant de situation
que pour sentir par son amour un sort encore plus douloureux,
Nydia avait vu les meilleurs sentiments dont son cœur
était rempli se changer en amertume et en douleur. La
conscience du juste et de l'injuste était pervertie
par la passion qui s'était emparée d'elle ; et
les émotions tragiques et fortes que nous rencontrons
chez quelques femmes de l'antiquité, les Myrrha, les
Médée, qui envahissaient, entraînaient
une âme en proie à l'amour, grondaient et
s'agitaient dans son cœur.
Le temps passa : Nydia, plongée encore dans ses
tristes méditations, entendit un léger pas qui
pénétrait dans la chambre où elle
était.
«Ah ! remercions les dieux immortels, dit Julia, me
voici de retour. J'ai quitté cette affreuse caverne.
Viens, Nydia, partons au plus vite.»
A peine furent-elles assises dans la litière, que
Julia reprit ainsi d'une voix émue :
«Oh ! quelle scène ! quelles terribles
imprécations ! et la figure sépulcrale de cette
sorcière ! ... mais ne parlons pas de cela. J'ai obtenu
le breuvage... ses effets sont certains... ma rivale
deviendra indifférente aux yeux de celui que j'aime,
et seule, mais seule, je serai l'idole de Glaucus !
- De Glaucus ? s'écria Nydia.
- Ah ! je t'ai dit d'abord, enfant, que ce n'était pas
l'Athénien que j'aimais ; mais maintenant, je puis me
confier à toi... c'est lui, c'est le beau Grec que
j'aime.»
Quelles furent alors les émotions de Nydia ! Elle
avait pris part, elle avait assisté à un acte
qui devait enlever Glaucus à Ione, mais seulement pour
transporter plus irrévocablement encore, par le
pouvoir de la magie, ses affections à une autre. Son
cœur s'oppressa au point qu'elle faillit être
suffoquée ; elle pouvait à peine respirer.
Grâce à l'obscurité de la voiture, Julia
ne s'aperçut pas de l'agitation de sa compagne ; elle
s'enivrait à l'idée du prochain effet de son
philtre, du triomphe qu'elle obtiendrait sur Ione, en faisant
de temps à autre quelques digressions sur l'horreur de
la scène qui venait d'avoir lieu, sur l'immobile
maintien d'Arbacès, et sur l'autorité que lui
reconnaissait la terrible saga.
Nydia eut le temps de recouvrer la plénitude de son
esprit. Une pensée la frappa. Elle devait coucher dans
la chambre de Julia. Elle pourrait s'emparer du
philtre.
Elles arrivèrent à la maison de Diomède,
et rentrèrent dans l'appartement de Julia, où
un repas du soir les attendait.
«Bien, Nydia, tu dois avoir froid : l'air était
gelé cette nuit ; pour moi, je suis
glacée.»
Et Julia buvait sans hésitations de fortes rasades de
vin épicé.
«Vous avez le philtre, dit Nydia ; laissez-moi le tenir
dans mes mains ! Quelle petite fiole ! de quelle couleur est
ce breuvage ?
- Clair comme le cristal, répondit Julia en reprenant
le philtre. Tu ne pourrais pas le distinguer d'avec de l'eau
pure. La sorcière m'a assuré qu'il avait aucun
goût. Quelque petite que soit la fiole, elle suffit
pour une vie de fidélité : on la verse dans
quelque autre liquide, et Glaucus ne saura ce qu'il a bu
qu'en en ressentant l'effet.
- Ce breuvage est donc exactement en apparence comme cette
eau ?
- Oui, limpide et sans couleur comme elle. Mais qu'il me
paraît brillant à moi ! Je crois voir une
essence de rosée recueillie au clair de lune. Lumineux
breuvage, comme tu brilles sur mes espérances à
travers ton vase de cristal !
- Et comment est-il scellé ?
- Par un petit bouchon du même métal... je viens
de l'ôter... aucune odeur... C'est étrange, que
ce qui n'affecte aucun sens puisse leur commander à
tous...
- L'effet est-il instantané ?
- Ordinairement, mais parfois il se fait attendre quelques
heures.
- Oh ! quel doux parfum ! dit Nydia tout à coup, en
prenant sur la table un petit flacon et en se penchant pour
le respirer.
- Trouves-tu ? reprit Julia ; ce flacon est entouré de
pierres d'une certaine valeur. Tu as refusé hier mon
bracelet... veux-tu accepter ce flacon ?
- Ce sont de tels parfums qui peuvent seuls rappeler à
une pauvre aveugle la généreuse Julia... Si le
flacon n'est pas d'un prix trop élevé ! ...
- Oh ! j'en ai encore deux plus riches et plus beaux ; prends-le, mon enfant.»
Nydia s'inclina en signe de reconnaissance et plaça le
flacon dans son sein.
«Et le breuvage est efficace, ajouta-t-elle, quelle que
soit la personne qui l'administre ?
- Si la plus hideuse vieille qui soit sous le soleil en
faisait le don, sa vertu est telle que Glaucus la regarderait
comme la plus belle des créatures ! »
Julia, échauffée par le vin et par la
réaction qui s'était opérée
dans son esprit, était pleine d'animation et de
gaieté ; elle riait aux éclats en parlant
de mille choses... et ce ne fut que bien avant dans la
nuit, et presque au matin, qu'elle appela ses esclaves
pour la déshabiller.
Les esclaves parties, elle dit à Nydia :
«Je ne veux pas que cette liqueur sacrée
me quitte jusqu'à l'heure où j'en userai.
Repose sous mon oreiller, brillante essence, et
donne-moi d'heureux songes.»
Elle plaça sa fiole sous son oreiller. Le cœur
de Nydia battait vivement.
«Pourquoi ne bois-tu que de l'eau pure, Nydia ? prends le vin à côté de toi.
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Joseph M. Gleeson, 1891
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- J'ai un peu de fièvre, reprit l'aveugle, et l'eau
me rafraîchit. Je veux placer cette carafe à
côté de mon lit. C'est une excellente boisson
que l'eau pour nous rafraîchir dans ces nuits
d'été, lorsque le sommeil ne descend pas sur
nos paupières. Belle Julia... je te quitterai demain
matin de bonne heure... Ione me l'a recommandé...
peut-être avant que tu sois éveillée...
reçois de nouveau mes félicitations.
- Merci : quand nous nous reverrons, tu trouveras sans doute
Glaucus à mes pieds.»
Elles allèrent se reposer, chacune sur son lit, et
Julia, fatiguée de l'excitation de cette
journée, s'endormit promptement. Mais la Thessalienne
attentive roulait des pensées inquiètes et
brûlantes dans son esprit. Elle écoutait la
calme respiration de Julia, et son oreille, accoutumée
à distinguer les plus légers bruits, comprit
bientôt que sa compagne était plongée
dans un profond sommeil.
«Maintenant, que Vénus me soit en aide ! »
dit-elle doucement.
Elle se leva légèrement, répandit le
parfum que lui avait donné la fille de Diomède
sur le pavé de marbre, passa plusieurs fois de l'eau
dans le flacon, puis, ayant trouvé aisément le
lit de Julia (car la nuit était pour elle comme le
jour), elle glissa sa tremblante main sous l'oreiller et
saisit la fiole. Julia ne fit pas un mouvement, son haleine
effleurait d'un souffle régulier les joues
brûlantes de l'aveugle. Nydia, débouchant alors
la fiole, en versa le contenu dans son flacon, sans en perdre
une goutte ; remplissant ensuite la fiole avec l'eau que
Julia lui avait assuré être semblable à
la liqueur du philtre ; elle replaça cette fiole
à la place où elle l'avait prise. Elle retourna
alors se coucher et attendit... avec quel trouble dans sa
pensée ! que le jour vînt à
paraître.
Le soleil se leva ; Julia dormait toujours. Nydia s'habilla
sans bruit, plaça son trésor soigneusement dans
son sein ; prit son bâton, et se hâta de quitter
la maison.
Le portier Médon la salua d'un bonjour amical, pendant
qu'elle descendait les degrés qui conduisaient
à la rue. Elle ne l'entendit pas ; la confusion
régnait dans son esprit ; elle était perdue
dans le tourbillon et le tumulte de ses pensées, dont
chacune était une passion. Elle sentit l'air pur du
matin sur ses joues, mais il ne porta point de
fraîcheur dans ses brûlantes veines.
«Glaucus, murmura-t-elle, tous les philtres de la plus
puissante magie ne pourront faire que tu m'aimes autant que
je t'aime... Ione... Ah ! non... loin de moi toute
hésitation, loin de moi tout remords ! Glaucus, ma
destinée est dans ton sourire ; et la tienne...
ô espérance ! ô joie ! ô transport ! ... ta destinée est dans mes mains ! ...»
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(1) Une
ancienne loi romaine défendait d'avoir une
femme pour héritière. On
éludait cette loi en assignant sa fortune
à un ami pour la remettre à sa
fille ; mais l'ami pouvait garder cette fortune
si cela lui plaisait. La loi était, au
reste, tombée en désuétude
à l'époque où se passe cette
histoire.
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