Délivrance
En dépit de toutes les précautions, la nouvelle se
répandit bientôt parmi tous les familiers de la
cour que Sébastien était chrétien, et qu'il
devait mourir le jour suivant à coups de flèches.
Mais cette double nouvelle n'impressionna personne plus vivement
que Fabiola.
«Sébastien un chrétien ! se dit-elle
à elle-même ; lui le plus pur et le plus sage parmi
toute la noblesse romaine, appartiendrait-il à cette
secte vile et stupide ! Cela est impossible ! Néanmoins
le fait paraît certain.
Ai-je donc été trompée ? N'était-il
pas ce qu'il paraissait être ? était-ce un
imposteur qui, sous les dehors de la vertu, se conduisait en
libertin ? Impossible ! oh ! oui, c'est tout à fait
impossible ! elle en avait des preuves évidentes.
Sébastien aurait pu solliciter et obtenir sa main et sa
fortune, et il s'était conduit envers elle avec la
délicatesse la plus généreuse. Non, non, le
tribun n'était pas un hypocrite, et un cœur d'or battait
dans sa poitrine.
Comment expliquer ce phénomène d'un
chrétien parfaitement bon, vertueux et aimable ?
Fabiola ne pouvait trouver la seule et unique solution de ce
problème, c'est-à-dire que Sébastien
n'était si vertueux qu'en raison de sa
qualité de chrétien ; mais elle considérait
la question à un autre point de vue, et se demandait
comment il pouvait être tel en dépit du
christianisme.
Ces difficultés agitaient en vain son esprit, qui finit
par s'arrêter à cette pensée. Après
tout, le bon vieillard Chromatius n'avait peut-être pas
tort, le christianisme ne serait pas ce que j'avais pensé ; j'aurais dû m'informer de cela avec plus de soin. Je
suis sûre que Sébastien n'a jamais commis les
crimes abominables qu'on impute aux chrétiens : cependant
tout le monde les en accuse.
N'existait-il pas une forme de religion
plus élevée, sceptique, réfléchie,
et une autre plus grossière, matérielle et
plongée dans la fange des jouissances sensuelles, comme
dans l'épicurisme
(1), dont elle avait adopté la morale ? Sébastien appartenait sans doute à cette classe
plus distinguée, et repoussait avec dégoût
les superstitions et les vices des chrétiens vulgaires.
Une pareille hypothèse était peut-être
soutenable ; mais la haute intelligence de Fabiola avait peine
à croire qu'un officier de ce mérite pût
appartenir à cette race détestée. Et il
était prêt à mourir pour sa foi ! Quant
à Zoé et aux autres, elle n'en avait pas entendu
parler ; car elle était revenue la veille d'un voyage en
Campanie, entrepris pour mettre ordre aux affaires de son
père.
Quel dommage, pensait-elle, de n'avoir pas entretenu
Sébastien d'un pareil sujet ! Il est trop tard : demain,
au point du jour, il n'existera plus. Cette pensée lui
transperça le cœur comme un dard aigu. Il lui semblait
qu'elle allait être soumise à une rude
épreuve, et que le sort de Sébastien allait
être partagé par une personne qui lui était
intimement unie par des liens secrets et
mystérieux.
Ses pensées devenaient de plus en plus sombres : les
ténèbres avaient remplacé le jour pendant
qu'elle s'abandonnait à ces réflexions. Elle en
fut tirée par l'entrée soudaine d'une esclave
apportant de la lumière. C'était la
négresse Afra, venant préparer le repas du soir de
sa maîtresse, qui désirait le prendre seule. Tout
en s'occupant de ces préparatifs, elle dit :
«Connaissez-vous les nouvelles, madame ?
- Lesquelles ?
- Il paraît que Sébastien doit être
percé de flèches demain matin. Quel dommage,
c'était un si beau jeune homme !
- Taisez-vous, Afra, à moins que vous n'ayez quelque
chose à m'apprendre sur ce sujet.
- Oh ! certainement, noble maîtresse, j'ai quelque chose
d'étonnant à vous apprendre. Savez-vous que le
tribun reconnaît appartenir à la secte de ces
misérables chrétiens ?
- Taisez-vous, je vous en prie, et ne parlez pas
légèrement de choses que vous ne sauriez
comprendre.
- J'obéirai, puisque vous le désirez ; son sort,
du reste, vous est bien indifférent, et à moi
surtout. I1 n'est pas le premier officier que mes compatriotes
auront exécuté. Plus d'un a péri ; mais
quelques autres ont été sauvés. Sans doute
c'était un pur hasard.»
Il y avait dans les paroles et dans le ton d'Afra une
signification qui n'échappa point à l'oreille
exercée et à l'esprit délié de
Fabiola. Elle leva les yeux pour la première fois, et les
fixa d'un air scrutateur sur la face d'ébène de
l'esclave. Aucune trace d'émotion ne s'y fit voir ; elle
plaçait tranquillement un flacon de vin sur la table,
comme si elle n'avait rien dit. A la fin, Fabiola reprit :
«Afra, que voulez-vous dire ?
- Oh ! rien, rien. Que peut savoir une esclave, et même
que pourrait-elle faire ?
- Allons, allons, vos paroles avaient un sens que je dois
connaître.»
L'esclave, passant autour de la table, s'approcha du lit de
repos où Fabiola était étendue, regarda
avec défiance autour d'elle, et lui dit à voix
basse : «Voulez-vous sauver la vie de Sébastien ? »
Fabiola se redressa brusquement sur son siège et
répondit : «Certainement.»
Afra mit un doigt sur ses lèvres pour recommander le
silence, et ajouta : «Cela coûtera cher.
- Combien ?
- Cent sestertia (2) et ma liberté.
- J'accepte vos conditions ; mais quelle garantie pouvez-vous
me donner ?
- Vous ne serez liée que si le tribun existe encore
vingt-quatre heures après l'exécution.
- C'est convenu : quelle garantie exigez-vous à votre
tour ?
- Votre parole, noble maîtresse.
- Allez, Afra, et ne perdez pas un instant.
- I1 est inutile de se presser,» répondit
l'esclave avec calme, en terminant son service d'un air
imperturbable.
Elle se rendit ensuite au palais, gagna le quartier des archers
de Mauritanie, et s'en alla droit à leur capitaine
:
«Que veux-tu à cette heure, Jubala ? lui dit-il,
il n'y a pas de fête cette nuit.
- Je le sais, Hyphax ; mais j'ai une importante affaire
à traiter avec toi.
- De quoi s'agit-il ?
- De nous deux et de ton prisonnier.
- Regarde-le, dit le barbare en le lui indiquant du doigt
à travers la cour, que l'on apercevait de la porte de son
logement. On ne dirait pas qu'il doit être
exécuté demain. Vois comme il dort
profondément ; son sommeil ne serait pas plus
léger s'il était à la veille de ses
noces.
- Ce qui nous arrivera au premier jour, n'est-ce pas, Hyphax ?
- Doucement, doucement, il y a certaines conditions à
remplir.
- Comment donc ? lesquelles ?
- D'abord ton affranchissement : je ne puis épouser une
esclave. C'est arrangé.
- Ensuite une dot, une bonne dot, tu entends. Je n'ai jamais
été si pressé d'argent.
- C'est encore une affaire réglée. Combien
espères-tu avoir ?
- Pas moins de quarante sesterces (6,000 francs).
- Je t'en apporte le double.
- Parfait ! Où as-tu trouvé tout cet argent ? Qui
as-tu dépouillé ou empoisonné, ma charmante
prêtresse ? pourquoi attendre aussi tard
qu'après-demain ? Marions-nous demain, ce soir même
si tu veux.
- Calme-toi donc, Hyphax. Cet argent sera honnêtement
gagné ; mais il y a aussi des conditions. J'ai dit que je
venais t'entretenir au sujet de ton prisonnier.
- Quel rapport existe-t-il entre lui et notre prochain mariage ?
- Il y en a beaucoup.
- Explique-toi.
- Il ne doit pas mourir.»
Le capitaine la regarda avec une mélange de fureur et de
stupidité. Il paraissait fort disposé à la
traiter rudement ; mais elle resta ferme et intrépide
devant lui, et sembla le fasciner du regard comme les serpents
de son pays en face d'un vautour.
«Tu es folle, s'écria-t-il enfin ; demande
plutôt ma tête. Si tu avais vu la figure de
l'empereur, lorsqu'il a donné ses ordres, tu comprendrais
qu'il n'est pas prudent de plaisanter avec lui.
- Bah ! bah ! Hyphax, ton prisonnier aura l'air d'être
mort, et tout le monde le croira.
- Et s'il revient à la santé ?
- Ses amis chrétiens auront soin de le tenir à
l'écart.
- N'as-tu pas dit qu'il devait vivre vingt-quatre heures ? Je
préférerais que ce ne fût que douze.
- Je sais bien que tu ne peux calculer juste. Qu'il
périsse à la vingt-cinquième heure, peu
m'importe.
- C'est impossible, Jubala, tout à fait impossible : sa
personne est trop importante.
- Très bien, alors notre marché est rompu,
l'argent n'étant donné qu'à cette
condition. C'est quatre-vingts sesterces (12,000 fr) de
jetés à l'eau ! » Elle fit mine de
s'éloigner.
«Attends, attends, cria avidement Hyphax, chez qui le
démon de la cupidité reprenait l'avantage ; voyons
un peu. D'abord il faut abandonner la moitié de la somme
à mes compagnons, pour les gagner et servir à
leurs orgies.
- Je tiens une douzaine de sesterces en réserve pour
cela.
- Est-ce vrai, ma princesse, ma sorcière, mon charmant
démon ? Ce sera trop pour ces coquins. Nous leur en
abandonnerons la moitié, et l'autre figurera sur notre
contrat de mariage, n'est-ce pas ?
- Comme tu voudras, pourvu que mes conditions soient
fidèlement observées.
- C'est un marché conclu. Le prisonnier vivra pendant
vingt-quatre heures, et après nous aurons de fameuses
noces.»
Pendant ce temps-là, Sébastien, ignorant toutes
ces intéressantes négociations pour lui sauver la
vie, dormait profondément au pied du mur de la cour,
comme saint Pierre entre ses deux gardiens. Fatigué de sa
journée de travail, il jouissait du rare avantage d'avoir
pu prendre son repos de bonne heure : le pavé de marbre
était un lit assez doux pour un soldat.
Après quelques heures d'un sommeil réparateur, il
se réveilla, et, se levant au milieu du silence de la
nuit, il étendit ses bras et se mit à prier.
La prière du martyr n'est pas une
préparation à la mort, car une telle mort ne
demande pas de préparation. Le soldat qui tout à
coup s'avoue chrétien, courbe la tête et mêle
son sang à celui du confesseur qu'il allait
exécuter ; l'ami inconnu
(3) qui salue le martyr marchant au supplice, qu'on
arrête et qu'on force à partager son sort, est
aussi bien préparé à mourir que celui qui a
passé de longs mois en prière dans sa prison. Ce
n'est point un cri poussé vers le ciel pour obtenir le
pardon du passé, le parfait amour ne connaissant pas la
crainte, et le péché étant incompatible
avec la plus grande des grâces.
Sébastien ne priait donc point pour obtenir le courage
et la force, puisqu'il n'éprouvait pas le sentiment
contraire, qui aurait pu les lui faire demander. Après
avoir affronté la mort avec intrépidité sur
le champ de bataille au service d'un prince de la terre,
pouvait-il craindre de l'affronter encore en quelque endroit que
ce fût, pour l'amour du Seigneur du ciel ?
Sa prière, jusqu'aux premières lueurs du jour,
fut un hymne joyeux à l'honneur et à la gloire du
Roi des rois, en union avec les concerts éternels des
séraphins.
Lorsqu'il aperçut les étoiles, ces sentinelles
aussi vigilantes que lui, briller au haut du firmament, il
voulut échanger avec elles le mot d'ordre des louanges de
Dieu ; lorsqu'il entendit le vent de la nuit agiter les branches
dépouillées des arbres du bosquet d'Adonis, et
produire ce frémissement, unique et sauvage harmonie de
la terre pendant les nuits d'hiver, il s'unit encore à
cet hommage de la nature envers son Créateur.
Le coq chanta ; il tressaillit en songeant que l'heure matinale
était proche, et que le sifflement aigu des
flèches qui ne manquaient jamais leur but s'unirait
bientôt au murmure du vent au-dessus de sa tête. Il
s'offrit avec joie aux morsures de leurs pointes
acérées comme la langue du serpent, et
prêtes à s'abreuver de son sang. Il s'offrit encore
à Dieu comme une oblation en son honneur, destinée
à apaiser sa colère ; il pria tout
particulièrement pour l'église affligée, et
afin que le sacrifice de sa vie pût en adoucir les
souffrances.
Sa pensée prit ensuite un nouvel essor, et, semblable au
vol hardi de l'aigle qui s'élance des pics les plus
élevés et monte vers le soleil, elle abandonna
l'église militante sur la terre pour se tourner vers
l'église triomphante dans les cieux. Les nuages avaient
disparu ; les voiles qui lui cachaient l'aurore s'étaient
déchirés comme ceux du sanctuaire. Aussi
favorisé que saint étienne, il lui était
permis de plonger son regard au sein de ses glorieuses et
mystérieuses profondeurs, par delà le sénat
des saints et les légions angéliques. Il
interrompit son cantique de louanges ; car le son discordant
d'une voix terrestre eût rompu l'harmonie des concerts si
doux et si délicieux qui charmaient son oreille.
C'était comme un fleuve dont les eaux transparentes et
lumineuses, prenant leur source aux pieds de l'Agneau, venaient
rafraîchir son cœur pénétré d'une
silencieuse reconnaissance. Il crut apercevoir les figures
aimées de ceux qui l'avaient précédé
dans ce bienheureux séjour, réunis auprès
de ces flots étincelants et rapides, y tremper leurs
lèvres avec avidité, et y plonger leurs corps, qui
semblaient y recouvrer une vie nouvelle.
La splendeur de cette vision se reflétait sur le visage
de Sébastien. Debout et tourné vers l'Orient, les
bras en croix, il était environné de la douce
lumière de l'aurore naissante, de cette aurore d'une
journée si glorieuse. Si le farouche Hyphax eût
alors ouvert sa porte, il fût allé se prosterner la
face contre terre, au milieu de la cour, pour l'adorer.
Sébastien sortit comme d'une extase, tandis que le bruit
argentin des sesterces résonnait dans les oreilles
d'Hyphax, qui se mit en devoir de les gagner selon les
règles. Il choisit, parmi ses cent compagnons, cinq
archers émérites, qui pouvaient lancer une
flèche dans les airs et l'y transpercer rapidement avec
une autre flèche plus légère. Après
les avoir réunis dans sa chambre, il leur fit
connaître la récompense promise, sans parler de la
sienne, et combina avec eux la manière dont
l'exécution devait avoir lieu. On avait
déjà secrètement offert une autre somme
d'argent très considérable pour la remise du corps
du tribun : deux esclaves devaient attendre au dehors pour le
recevoir. Hyphax pouvait compter sur la discrétion de ses
compagnons.
Sébastien fut conduit dans une cour voisine du palais,
située entre son propre logement et le quartier de ces
archers africains ; elle était ornée de
rangées d'arbres et consacrée à Adonis. Il
s'avança gaiement au milieu de ses bourreaux, suivi de la
troupe des archers qui devaient seuls assister à ce
spectacle, comme s'il ne s'agissait que d'une simple lutte
d'adresse. Le tribun, dépouillé de ses
vêtements, fut attaché à un arbre ; ses cinq
exécuteurs, froids et calmes, se placèrent en face
de lui. Quelle triste mort était la sienne ! Pas un ami
n'était à ses côtés, pas une
âme sympathique, pas même un frère dans la
foi pour porter aux fidèles ses derniers adieux, ses
dernières paroles, et le récit de sa constance
jusqu'au dernier moment. Lorsqu'un martyr placé au centre
du gigantesque amphithéâtre regorgeant de cent
mille témoins de sa chrétienne fermeté
rencontre les regards de quelques amis dévoués,
entend le murmure de leurs bénédictions, son cœur
en est tout pénétré de joie et en
reçoit un divin élan. Ces émotions humaines
sont un faible secours, qui s'unit à l'aide plus
puissante de la grâce, et les insultes de la multitude
augmentent le courage naturel, de même que les cris des
chasseurs raniment les forces du cerf aux abois. Mais cette
scène morne et silencieuse, au point du jour, dans la
cour obscure d'un palais ; cette façon cruelle et
indifférente de vous attacher comme une botte de paille
ou un mannequin, pour être froidement percé de
flèches, comme une cible, par l'ordre d'un tyran, cet
abandon au milieu d'une horde de féroces sauvages au
langage étrange et inintelligible, qui plaisantaient sans
doute et riaient grossièrement entre eux, ainsi que le
font les hommes avant de se livrer à des paris ou
à des jeux : tout cela ressemblait beaucoup plus à
un crime commis au fond des bois par des bandits qu'à une
hardie et glorieuse confession du Christ, à un assassinat
plutôt qu'à un martyre.
Telles n'étaient pas les préoccupations de
Sébastien. Les anges le contemplaient du haut des cieux,
et le soleil, qui l'aveuglait de ses rayons en le
désignant plus nettement aux flèches des
bourreaux, ne jetait pas plus d'éclat que le visage de
cet unique témoin qu'il désirait avoir de ses
souffrances, et pour lequel il sacrifiait sa vie.
Le premier Maure tendit la corde de son
arc jusqu'à son oreille, et une flèche
pénétra en frémissant dans le corps de
Sébastien. Un à un ces archers
expérimentés vinrent lancer leurs traits ; des
applaudissements saluaient chacun des coups habiles, qui, selon
les ordres de l'empereur, s'approchaient des parties vitales, en
se gardant bien de les atteindre. On continua longtemps ce jeu
cruel au milieu des rires, des cris et des injures des
spectateurs enchantés, qui n'éprouvaient pas le
moindre sentiment de pitié à la vue de ce corps
sanglant (4) et
affaissé par les souffrances. La morsure aiguë des
flèches, les tortures inexprimables, l'affaiblissement,
la fatigue, les liens cruellement serrés, la position
incommode et pénible, tout cela n'était qu'un jeu
pour eux, et pour le martyr une réalité
douloureuse. Oui, mais le courage de Sébastien, son
indomptable énergie, sa foi et sa patience
inébranlables, son insatiable désir de souffrir
pour l'amour de Dieu, n'étaient pas moins réels.
Combien sa prière était ardente ! quels regards de
vive espérance il levait vers le ciel ! avec quelle
attention il prêtait l'oreille pour entendre les concerts
des anges chargés de lui ouvrir les portes de la
cité bienheureuse!
Quelle affreuse agonie ! Et ce n'était pas tout encore.
La mort ne paraissait point ; les portes d'or restaient
fermées. A ce martyre dans son cœur était
réservée une gloire plus grande sur la terre ; au
lieu de passer tout d'un coup de la mort à la vie, il
s'évanouit, soutenu par les mains invisibles des anges.
Les bourreaux, voyant qu'ils avaient atteint la limite
fixée, coupèrent les liens qui l'attachaient.
Sébastien s'affaissa, en apparence privé de vie,
sur la pourpre sanglante dont il avait rougi les dalles. Ce
courageux guerrier demeura-t-il étendu sur le sol dans
cette noble position que rappelle sa statue de marbre
placée sous l'autel dans l'église qui lui est
dédiée ? Nous ne saurions nous le
représenter plus beau. Ce n'est pas seulement cette
dernière église qui a toutes nos affections, mais
encore l'ancienne chapelle qui se dresse au milieu des ruines du
Palatin et marque l'endroit où il a succombé (5).
(1) Epicure,
philosophe grec (341 à 270 av. JC.), enseignait que
le plaisir, souverain bien de l'homme, consistait autant
dans les jouissances de l'esprit et du cœur que dans
celles des sens. |
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(2) Environ 20 000
francs de notre monnaie. Sous l'empereur Auguste, le
sestertius valait 20 centimes. - Le sestertium,
ou grand sesterce, représentait mille
sestertii, ou petits sesterces (200 fr). |
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(3) Appelé
depuis saint Adauctus. |
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(4) Membraque
picta cruore novo. (Prud.,Peri Stef., III,
29) |
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(5) Ceux de nos
lecteurs qui pourront visiter le palais de cristal de
Sydenham y trouveront une excellente réduction du
forum romain. Sur le mont Palatin, entre l'arc de Titus et
celui de Cons-tantin, se trouve une chapelle
isolée, de belles dimensions. C'est celle dont nous
parlons ; elle vient d'être réparée
aux frais de la famille Barberini. |