Chapitre 36 |
Nous allons maintenant séjourner plusieurs mois
à Alger ; j'en profiterai pour rassembler quelques
détails de moeurs qui pourront intéresser comme
le tableau d'un état antérieur à celui
de l'occupation de la Régence par les Français.
Cette occupation, il faut le remarquer, a déjà
altéré profondément les manières,
les habitudes de la population algérienne.
Je vais rapporter un fait curieux et qui montrera que la
politique, qui s'infiltre dans l'intérieur des
familles les plus unies et y porte la discorde, était
parvenue, chose extraordinaire, à
pénétrer jusque dans le bagne d'Alger. Les
esclaves appartenaient à trois nations ; il y avait,
en 1809, dans ce bagne, des Portugais, des Napolitains et des
Siciliens ; dans ces deux dernières classes, on
comptait les partisans de Murat et les partisans de Ferdinand
de Naples. Un jour, au commencement de l'année, un
drogman vint, au nom du dey, inviter M. Dubois-Thainville
à se rendre sans retard au bagne, où les amis
des Français et leurs adversaires se livraient un
combat acharné ; déjà plusieurs avaient
succombé. L'arme avec laquelle ils se frappaient
était la grosse et longue chaîne attachée
à leurs jambes.