[Description de la Messénie]

Tardieu, 1821

XXX. [1] Il subsiste encore de nos jours dans la Messénie une ville nommée Abia, sur le bord de la mer, à vingt stades du bois de Chérius. On dit qu'elle s'appelait autrefois Iré, et que c'était une des sept villes qu'Agamemnon promettait de donner à Achille comme Homère le rapporte. La tradition ajoute qu'après qu'Hyllus et les Doriens eurent été défaits par les Achéens, Abia la nourrice d'Hyllus vint en cette ville, qu'elle y établit sa demeure, et y bâtit un temple à Hercule ; qu'ensuite, Cresphonte entre autres honneurs qu'il rendit à la mémoire de cette femme, voulut que la ville d'Iré changeât son nom en celui d'Abia. Ce qu'il y a de certain, c'est que l'on y voit encore deux beaux temples, l'un d'Hercule, l'autre d'Esculape.

Tardieu, 1821

[2] D'Abia on peut aller à Phares, qui en est éloignée de soixante et dix stades, et sur le chemin on trouve une source d'eau qui est salée comme l'eau de mer. Les Messéniens qui habitent Phares sont aujourd'hui soumis à la domination de Sparte, et c'est Auguste qui a fait ce démembrement. On tient que le fondateur de cette ville a été Pharis fils de Mercure et de Philodamée, l'une des filles de Danaüs. Pharis n'eut point d'enfants mâles, il ne laissa qu'une fille qui fut nommée Télégone. Homère, qui a fait la généalogie de cette famille dans l'Iliade, dit que Dioclès eut deux fils jumeaux, Créthon et Orsiloque ; et que pour Dioclès il était fils aussi d'un Orsiloque qui eut pour père Alphée. Quant à Télégone, il n'en parle point ; mais si nous en croyons les Messéniens, cette Télégone fut femme d'Alphée et mère du premier Orsiloque.

[3] J'ai ouï dire étant à Phares que Dioclès, outre ces deux jumeaux, avait une fille nommée Anticlée, qui épousa Machaon fils d'Esculape, dont elle eut deux fils, savoir Nicomaque et Gorgasus, lesquels demeurerènt tous deux à Phares et y régnèrent après leur père. Ils sont regardés encore à présent comme deux divinités bienfaisantes qui guérissent les malades et les estropiés ; aussi est-on soigneux de leur faite des offrandes, et d'envoyer des victimes pour être immolées dans leur temple. Les habitants de Phares ont encore un temple consacré à la Fortune, où il y a une statue fort ancienne de cette divinité.

[4] Homère est le premier poète, que je sache, qui ait parlé de Tuché ; il en fait mention dans un hymne en l'honneur de Cérès, où il la met au nombre de plusieurs autres filles de l'Océan, qui jouaient avec Proserpine dans de belles prairies :

Tuché, Mélobosis, et la belle Ianthé.

Or Tuché, comme on sait, est le mot dont se servent les Grecs pour signifier la fortune.

[5] Homère n'en dit rien davantage, bien loin d'en faire une déesse toute puissante qui exerce son empire sur toutes les choses humaines, et qui les fait réussir à son gré. Cependant le même poète dans l'Iliade dit que Pallas et Enyo président aux combats, Vénus aux mariages et aux noces, Diane aux accouchements. Pour la Fortune, il ne lui donne aucune autorité, aucune fonction.

[6] Mais Bupalus, grand architecte et grand sculpteur ayant fait le premier une statue de la Fortune pour la ville de Smyrne, il s'avisa de la représenter avec l'étoile polaire sur la tête, et tenant de la main gauche ce que les Grecs appellent la corne d'Amalthée. Par-là il voulait donner à entendre le pouvoir de la déesse. Ensuite vint Pindare, qui célébra cette divinité dans ses vers, et lui donna le nom de Phérépolis, comme qui dirait, la protectrice des villes.

XXXI. [1] Près de Phares, il y a un bois sacré d'Apollon Carnéus, et dans ce bois une fontaine. Phares n'est qu'à six stades de la mer : si de là vous remontez vers la terre ferme, vous trouverez à quelque quatre-vingt stades la ville de Thuriates ; on croit que c'est celle qu'Homère nomme Anthée. Auguste l'a soumise au gouvernement de Lacédémone ; car dans la guerre qu'il eut contre Marc-Antoine, les Messéniens et les autres Grecs suivirent le parti de celui-ci, par haine pour les Lacédémoniens qui suivaient le parti d'Auguste.

[2] C'est pourquoi Auguste, après avoir remporté la victoire, châtia les Messéniens et ceux qui s'étaient déclarés contre lui ; et ce fut alors que les Thuriates furent assujettis à la domination de Sparte. Ces peuples habitaient autrefois la ville qui est sur la hauteur, présentement ils habitent la ville basse, sans pourtant avoir tout-à-fait abandonné l'autre, où l'on voit encore quelques restes de murs, et un temple dédié à la déesse de Syrie ; le fleuve Aris passe au milieu de la ville basse.

[3] Pour peu que vous avanciez dans les terres, vous verrez un village qu'ils nomment Calamé : ensuite on trouve le bourg de Limné, où il y a un temple de Diane, surnommée Limnatis, et c'est-là, dit-on, que Téléclus roi de Sparte fut tué.

[4] En quittant Thurium, si vous allez du côté de l'Arcadie, vous trouverez sur votre chemin la source du fleuve Pamise, dont on croit l'eau souveraine pour les maladies des enfants. La ville d'Ithome est sur la gauche à quarante stades de cette source, ou environ. Cette ville renferme dans son enceinte non seulement le mont Ithome, mais encore un espace qui s'étend vers le fleuve Pamise jusques sous le mont Evan, ainsi nommé du mot Evoé, qui est comme le cri des Bacchantes, parce que, disent-ils, Bacchus et les femmes de sa suite s'écrièrent ainsi lorsqu'ils vinrent pour la première fois dans ce pays.

[5] Toute la ville est fermée par un bon mur de pierres de taille, et défendue par des tours et des redoutes que l'on a bâties d'espace en espace. Je n'ai jamais vu les murs de Babylone, ni ce que l'on appelle les murs de Memnon à Suses en Perse ; je n'ai pu même en rien savoir de gens qui les aient vus. Les villes les mieux fortifiées dont j'aie connaissance par moi-même sont Amphryse dans la Phocide, Bysance et Rhodes ; mais leurs fortifications ne valent pas celles d'Ithome.


[6] Dans la place publique de cette ville, on voit une statue de Jupiter surnommé le Sauveur, et la fontaine d'Arsinoé, ainsi appelée du nom d'une fille de Leucippe ; l'eau y vient d'une autre fontaine qu'ils nomment Clepsydra. On y voit aussi deux temples, l'un de Neptune et l'autre de Vénus. Enfin, la mère des dieux y a une fort belle statue de marbre de Paros ; c'est un ouvrage de Démophon, qui a laissé aussi des marques de son habileté à Olympie, en raccommodant parfaitement bien la statue de Jupiter qui est d'ivoire, et dont les parties ne joignaient plus ; c'est pourquoi les Eléens lui ont rendu de grands honneurs avec justice.

[7] Les Messéniens ont une Diane Laphria, qui est encore un ouvrage de Démophon : je vais dire en passant d'où leur est venu le culte de cette déesse. Les Calydoniens, peuples d'Etolie, honorent particulièrement Diane, et ils l'honorent sous le nom de Laphria. Les Messéniens s'étant établis à Naupacte par la concession des Athéniens, se trouvèrent voisins de l'Etolie, et le voisinage fit qu'ils reçurent le culte et les cérémonies de la déesse.

[8] Quant à la Diane d'Ephèse, toutes les villes grecques en ont embrassé le culte, et surtout les hommes ; ce que j'attribue premièrement à la réputation des amazones, qui ont bâti, à ce que l'on croit, le temple de la déesse et consacré sa statue ; secondement, à l'antiquité de ce monument. Pour ce qui est du temple même, trois choses concourent à le rendre célèbre ; sa grandeur, car c'est en ce genre le plus grand et le plus superbe édifice que les hommes aient jamais élevé ; la splendeur de la ville d'Ephèse, et enfin la divinité même que l'on sent plus présente en ce lieu qu'en aucun autre.

[9] La déesse Lucine a aussi son temple chez les Messéniens avec une statue de marbre ; auprès est le temple des Curètes où l'on sacrifie toute sorte d'animaux : car après le boeuf et la chèvre on vient aux oiseaux que l'on jette dans les flammes. Cérès est aussi honorée de ces peuples avec beaucoup de religion : vous voyez dans son temple les Dioscures qui enlèvent les filles de Leucippe. J'ai déjà dit que les Messéniens disputent ces fils de Tindare aux Lacédémoniens, prétendant que c'est dans la Messénie qu'ils ont pris naissance.

[10] Mais le temple le plus rempli de belles statues, c'est celui d'Esculape. Vous y voyez d'un côté le dieu et ses enfants, de l'autre les Muses Apollon et Hercule ; dans un autre endroit la ville de Thèbes, Epaminondas fils de Polymnis ; la Fortune et Diane porte-lumière. Parmi ces statues, celles qui sont de marbre ont été faites par Démophon Messénien, et le seul habile sculpteur que le pays ait produit. La statue d'Epaminondas est de fer, et l'on voit bien que cet ouvrage n'est pas de Démophon.

[11] C'est encore un temple à voir à Ithome, que celui de Messène fille de Triopas. Sa statue est moitié or, moitié marbre de Paros. Sur la façade du derrière, vous voyez les portraits d'Apharéüs et de ses enfants, qui ont régné en Messénie avant l'arrivée des Doriens dans le Péloponnèse ; ensuite celui de Cresphonte, qui régna après le retour des Héraclides, et qui était chef des Doriens. Parmi les rois de Pylos on voit Nestor et ses deux fils, Thrasymède et Antiloque, qui tiennent le premier rang comme les aînés, et parce qu'ils ont eu l'honneur de combattre devant Troie.

[12] Après ces héros suivent Leucippe frère d'Apharéüs, Hilaire, Phoebé, Arsinoé, enfin Esculape et ses deux fils, Machaon et Podalire, qui se sont rendus célèbres durant la guerre de Troie. Pour Esculape, ils le croient fils d'Arsinoé. Tous ces portraits sont de la main d'Omphalion élève de Nicias, le fils de Nicomède. On dit même qu'il avait été son esclave, et qu'il en était passionnément aimé.

XXXII. [1] Ils ont encore un temple où l'on garde les victimes destinées aux sacrifices. Ce lieu est orné de toutes les statues des dieux dont le culte est reçu en Grèce. Epaminondas y est aussi en bronze, et j'y ai vu des trépieds d'une grande antiquité, qui n'ont jamais été sur le feu. Dans le lieu d'exercice, il y a quelques statues faites par des ouvriers Egyptiens, entre autres un Mercure, un Hercule et un Thésée, divinités qui non seulement chez les Grecs, mais même chez plusieurs nations barbares, président aux exercices, et sont particulièrement honorées dans les palestres.

[2] Parmi ces statues, j'en ai remarqué une d'un certain Ethidas, qui vivait presque de notre temps, et que les Messéniens révèrent comme un héros, parce qu'il avait amassé des richesses immenses. Cependant j'ai ouï dire à quelques-uns que ce n'est pas cet Ethidas que l'on a voulu représenter sur un cippe, mais un autre plus ancien, qui lorsque Démétrius fils de Philippe surprit Messène et y entra de nuit avec ses troupes, se mit à la tête de ce qu'il put rassembler d'habitants, et chassa les ennemis.

[3] Dans le même lieu d'exercice on voit le tombeau d'Aristomène ; ils prétendent que c'est un vrai tombeau, non un cénotaphe : je leur demandai comment cela se pouvait faire, et ils me répondirent que par le commandement de l'oracle de Delphes, le corps de ce héros avait été rapporté de Rhodes à Messène. Ensuite ils me contèrent quelques particularités du sacrifice qu'ils font sur son tombeau. Il y a auprès une colonne à laquelle ils attachent le taureau qui doit servir de victime : cet animal aussitôt qu'il se sent lié, tache de s'échapper. Si à force de se tourmenter il déplace la colonne, c'est une marque que la victime est agréable, et ils en tirent un bon augure ; mais si, au contraire, l'animal moins fougueux, laisse la colonne en l'état où elle est, ils se croient menacés de quelque malheur.

[4] Au reste, ils sont persuadés qu'Aristomène, bien qu'il ne fût plus au monde, ne laissa pas de se trouver à la bataille de Leuctres, et que s'étant mis du parti des Thébains, il fut cause de la victoire qu'ils remportèrent sur les Lacédémoniens. Je sais que les Chaldéens et les Mages, dans les Indes, ont dit les premiers que l'âme de l'homme est immortelle ; plusieurs philosophes grecs ont depuis embrassé cette opinion, et entre autres Platon fils d'Ariston. Si tout le monde en veut convenir, je ne vois plus de difficulté à croire qu'Aristomène ait pu même après sa mort conserver la haine implacable qu'il avait contre les Lacédémoniens.

[5] Et ce que j'ai appris à Thèbes, quoiqu'un peu différent de ce que disent les Messéniens, ne laisse pas de le rendre assez probable ; car des Thébains m'ont dit qu'avant la bataille de Leuctres, leurs généraux envoyèrent consulter plusieurs oracles à Delphes, à Abes, au mont Ptoüs, à Ismène, et surtout celui de Trophonius à Lébadée ; que tous avaient répondu, et que la réponse de Trophonius, nommément était qu'avant que d'en venir aux mains, ils érigeassent un trophée, et y étalassent le bouclier d'Aristomène, s'ils voulaient que le dieu combattit pour eux.

[6] Qu'en conséquence de cet oracle, Epaminondas avait engagé Xénocrate à aller prendre le bouclier d'Aristomène dans l'antre de Trophonius, et qu'il en avait orné son trophée qui était placé sur une éminence, d'où les Lacédémoniens pouvaient aisément le voir. En effet, les Lacédémoniens n'ignoraient pas que le bouclier d'Aristomène était à Lébadée, plusieurs d'entre eux l'avaient vu, et tous le savaient du moins par ouï dire. Les Thébains, après leur victoire, ne manquèrent pas de reporter ce précieux monument dans le lieu où il avait été consacré. Voilà ce que j'ai appris à Thèbes. Aristomène est encore en bronze à Ithome, dans le stade. Le théâtre n'a rien de particulier ; il n'est pas loin d'un temple qui est consacré à Sérapis et à Isis.

XXXIII. [1] La citadelle est sur le sommet de la montagne ; en y allant on trouve cette fontaine qu'ils nommaient Clepsydra. Il ne serait pas aisé, quand on le voudrait, de dire combien il y a de peuples qui prétendent que Jupiter est né et a été nourri chez eux ; mais les Messéniens s'attribuent aussi cet honneur. Ils nomment ses nourrices, dont l'une a donné son nom au fleuve Nédès, et l'autre le sien au mont Ithome. Si on les en croit, les Curètes ayant dérobé le petit Jupiter à la barbarie de Saturne, ils le confièrent à ces nymphes, qui prirent soin de son enfance, et le lavaient dans la fontaine, dont le nom fait encore souvenir de ce larcin. C'est en mémoire de cet événement que l'on porte tous les jours de l'eau de cette fontaine dans le temple de Jupiter Ithomate.

[2] La statue du dieu est un ouvrage d'Agéladès ; elle fut faite dans le temps que les Messéniens occupaient Naupacte : un prêtre, dont le sacerdoce ne dure qu'un an la garde chez lui. Ils célèbrent tous les ans une fête en l'honneur de Jupiter, c'est ce qu'ils appellent les Ithomées. Même autrefois on y proposait un prix de musique, et parmi les musiciens c'était à qui remporterait ce prix. J'en pourrais donner plusieurs preuves, mais je me contente de citer deux vers d'Eumélus, qui sont tirés d'un hymne qu'il envoyait à Délos :

De nos chansons la sage liberté,
Au dieu d'Ithome eut toujours l'heur de plaire.

Je crois que ces vers sont encore d'Eumélus et je suis persuadé aussi que ces combats de musique ont duré un temps chez les Messéniens.

[3] Sur la porte par où l'on sort pour aller à Mégalopolis, ville d'Arcadie, on avait une statue de Mercure, qui est dans le goût attique ; car les Athéniens ont fait les Hermès de figure carrée, et à leur imitation les autres peuples de la Grèce ont donné cette forme à toutes les statues de Mercure. A trente stades de cette porte ou environ vous trouvez une rivière appelée Balyra, parce que, dit-on, Thamyris étant devenu aveugle, y laissa tomber sa lyre. On tient que Thamyris était fils de Philammon et d'Argiope qui habitait le mont Parnasse. Cette nymphe se sentant grosse et voyant que Philammon ne voulait pas l'épouser, se retira à Odryses où elle accoucha ; c'est pourquoi Thamyris passe pour avoir été Odrysien ou Thrace. Deux autres rivières se jettent dans celle de Balyra, l'une est Leucasie, l'autre Amphise.

[4] Quand vous les avez passées, vous entrez dans la plaine de Stényclere, ainsi dite du nom d'un de leurs héros. Vis-à-vis était autrefois Oechalie : présentement c'est un bois de cyprès, qu'ils nomment le bois Carnasius, et qui est fort épais. L'on y voit trois statues, l'une d'Apollon Carnéus, l'autre de Mercure, qui porte un bélier ; la troisième, qu'ils appellent la chaste fille n'est autre que Cérès. Près de cette dernière est une source, dont l'eau est jaillissante.

[5] Dans ce bois ils font de temps en temps des sacrifices aux grandes déesses. Je ne rapporterai point les cérémonies qu'ils y observent, parce que cela ne m'est pas permis. Je dirai seulement qu'il n'y a que les mystères d'Eleusis qui soient plus augustes et plus vénérables que ceux-là. Mais rien ne m'empêche de dire que dans l'urne de bronze qui fut trouvée par le commandant des Argiens, on gardait aussi les os d'Euryte fils de Mélanée. Auprès du même bois passe un torrent.

[6] Et huit stades plus loin, sur la gauche, on voit les ruines d'Andanie, que l'on convient avoir été ainsi appelée du nom d'une femme ; mais je n'ai pu savoir ni de qui cette femme était fille, ni qui elle avait épousé. En allant d'Andanie vers Cyparissie, on trouve une petite ville nommée Electre, au travers de laquelle passent deux fleuves, l'un de même nom que la ville, l'autre qu'ils nomment le Coeus. Ces noms peuvent se rapporter à Electre, fille d'Atlas, et à Coeus, le père de Latone, si l'on n'aime mieux dire que c'étaient les noms de quelques héros du pays.

[7] Au-delà d'Electre est la fontaine Achéa, et l'on aperçoit quelques restes de l'ancienne ville de Dorium, où Homère nous apprend que Thamyris perdit la vue pour s'être glorifié de chanter mieux que les Muses. Mais Prodicus le Phocéen, dans les vers qu'il a faits contre la Myniade, si ces vers sont de lui, dit que Thamyris est puni de son orgueil dans les enfers. Pour moi je crois que Thamyris devint aveugle par maladie, comme il arriva depuis à Homère, avec cette différence qu'Homère ne succomba point à son malheur, et qu'il acheva l'ouvrage qu'il avait commencé, au lieu que Thamyris après avoir perdu la vue ne fit plus de vers.

Tardieu, 1821

XXXIV. [1] Il y a environ quatre-vingt stades depuis Messène jusqu'à l'embouchure du Pamise, qui coule à travers les terres, conservant toujours ses eaux claires et pures ; et à dix stades de la mer il porte des vaisseaux. Les poissons de la mer se plaisent à remonter ce fleuve, particulièrement au printemps. Il en est de même du Rhin, du Méandre, et encore plus de l'Achéolus, qui est plein de poissons de mer à la hauteur des îles Echinades où est son embouchure.

[2] Mais comme les eaux du Pamise sont toujours claires et nettes, les poissons qu'il reçoit sont tout différents de ceux qui passent dans les autres fleuves dont j'ai parlé ; car le mulet, par exemple, qui aime la bourbe, cherche les eaux où il y a le plus de limon. Il est certain que les fleuves de la Grèce ne produisent point de bêtes dangereuses comme l'Inde, le Nil, le Rhin, le Danube, l'Euphrate et le Phase ; car dans tous ces fleuves il s'engendre des animaux qui dévorent les hommes, et qui sont encore plus terribles que ces Silures, qui infestent les bords de l'Hermus et du Méandre.

[3] L'Inde et le Nil nourrissent des crocodiles ; et dans le Nil il naît encore une espèce de cheval aquatique, qui est bien aussi méchant que le crocodile. Nous ne connaissons aucune de ces bêtes en Grèce. S'il y a des chiens marins dans le fleuve Aoüs, qui va se rendre à la mer par la Thesprotie, ils viennent de la mer même, et ne sont point engendrés dans ce fleuve.

[4] Vers l'embouchure du Pamise est Coroné, ville maritime située au bas du mont Témathia : en y allant on rencontre un village que l'on dit être consacré à Ino, parce que ce fut là que sortie de la mer elle commença à être regardée comme une divinité et à s'appeler Leucothéa. Un peu plus loin c'est l'embouchure du fleuve Bias, que l'on croit avoir pris son nom de Bias fils d'Amythaon. A vingt stades du chemin on voit la fontaine du Platane, ainsi nommée parce qu'en effet elle sort d'un platane assez touffu, d'une grosseur médiocre, et creux en dedans comme si c'était une caverne ; l'eau en est fort bonne à boire et coule jusqu'à la ville de Coroné.

[5] Cette ville s'appelait autrefois Epea ; mais lorsque les Thébains eurent fait rentrer les Messéniens dans le Péloponnèse, Epimélide ayant eu ordre de repeupler Epea, il lui donna le nom de Coronée, par amour pour Coronée, ville de Béotie, d'où il était. Les Messéniens disaient toujours Coroné, et le temps a enfin autorisé cette manière de prononcer. D'autres disent qu'en creusant la terre pour faire les fondations des murs, on trouva une corneille de bronze, d'où la ville a pris son nom.

[6] Quoiqu'il en soit, cette ville a plusieurs temples, l'un consacré à Diane surnommée la Nourrice, l'autre à Bacchus, et un autre à Esculape : ces divinités ont chacune une statue de marbre. Jupiter Sauveur est en bronze dans la place publique, et Minerve dans la citadelle, tenant une corneille à la main. J'y ai vu aussi le tombeau d'Epimélide. Le port est appelé le port des Achéens ; je n'en sais pas la raison.

[7] Quatre-vingt stades au-delà de Coroné, en tirant vers la mer, vous trouverez sur la côte un temple d'Apollon. Ce temple est fort célèbre et passe pour le plus ancien du pays : les malades y viennent en foule, et s'en retournent guéris : le dieu y est honoré sous 1es noms d'Apollon Corinthus et d'Apollon Argoüs. Sous le premier il a une statue de bois, et sous le second une statue de bronze, qui a été consacrée, dit-on, par ces héros que portait le navire Argo.

[8] Le territoire de Coroné s'étend jusqu'à celui de Colonis, autre ville située sur une hauteur fort près de la mer. Les habitants se disent originaires de l'Attique, et prétendent qu'ils furent amenés dans la Messénie par Colénus, qui obéissant à un oracle et guidé par le vol d'un oiseau, vint s'établir dans le lieu où ils sont ; qu'ensuite ils prirent insensiblement les moeurs et le langage des Doriens.

[9] Pour les Asinéens, ils étaient anciennement voisins des Lycorites, et habitaient aux environs du Parnasse ; alors on les appelait Dryopes, nom qu'ils ont gardé quelque temps depuis leur retour dans le Péloponnèse et qui était celui de leur chef, lorsqu'ils furent transplantés hors de leur pays. Après trois générations, sous le règne de Phylas, vaincus dans un combat par Hercule, ils furent menés captifs à Delphes, et présentés à Apollon ; mais ensuite Hercule, par ordre du dieu même, les conduisit dans le Péloponnèse, où ils occupèrent Asine près d'Hermioné. Quelque temps après, chassés par les Argiens, ils habitèrent dans la Messénie un canton qui leur fut donné par les Lacédémoniens. Enfin, les Messéniens revenus au Péloponnèse, les y laissèrent sans les inquiéter en nulle façon.

[10] Les Asinéens conviennent qu'ils furent défaits par Hercule, et que leur ancienne ville du mont Parnasse fut prise ; mais ils nient qu'ils aient été traînés captifs aux pieds d'Apollon. Ils soutiennent, au contraire, que voyant Hercule maître de leurs remparts, ils se retirèrent au haut du Parnasse, et qu'ensuite ayant passé par mer au Péloponnèse, ils s'étaient jetés entre les bras d'Eurysthée, qui par haine pour Hercule, les reçut avec bonté, et leur donna Asine, dans les états d'Argos.

[11] Ce sont les seuls des Dryopes qui aujourd'hui se fassent honneur de leur origine, en cela bien différents des habitants de Styre dans l'Eubée ; car ceux-ci, quoique Dryopes, et du nombre de ceux qui, parce qu'ils avaient leurs habitations hors des murs, ne combattirent point, ne veulent pas qu'on les appelle de ce nom. C'est ainsi que ceux de Delphes rougissent de passer pour Phocéens. Les Asinéens au contraire se souviennent avec plaisir qu'ils sont Dryopes ; et ce qui en est une preuve bien convaincante, c'est que leurs temples les plus saints sont faits comme ceux qu'ils avaient autrefois au Parnasse, entre autres deux, dont l'un est dédié à Apollon, l'autre à Dryops, avec une statue fort ancienne. Tous les ans ils font la fête de Dryops, et croient qu'il était fils d'Apollon.

[12] La ville qu'ils habitent aujourd'hui est sur le bord de la mer, comme était autrefois Asine en Argos, et n'est qu'à quarante stades de Colonis. D'Asine en Messénie jusqu'à Acrite il y a une pareille distance. Acrite est une espèce de promontoire qui avance dans la mer, vis-à-vis duquel est une île déserte que l'on nomme Théganusse : auprès de ce promontoire, les Asinéens ont le port Phoenique et les îles Oenusses qui n'en sont pas loin.

XXXV. [1] Mothone, avant la guerre de Troie et même durant cette guerre, se nommait Pédase. Les Mothonéens disent qu'ensuite elle prit le nom d'une fille d'Oenéus ; car Oenéus fils de Porthaon ayant passé au Péloponnèse avec Diomède, après la prise de Troie, il eut d'une concubine une fille nommée Mothone. Pour moi, je crois que cette ville a tiré son nom d'une grosse roche que les gens du pays appellent Mothon, et qui forme là une espèce de rade fort étroite : car cette roche avançant dans la mer rompt la furie des vagues, et sert comme d'abri aux vaisseaux.

[2] J'ai déjà dit que les Naupliens sous Démocratidas roi d'Argos ayant été chassés de leur ville, à cause de leur attachement pour Sparte, les Lacédémoniens leur avaient donné Mothone. J'ai dit aussi que les Messéniens étant rentrés dans le Péloponnèse, et les y ayant trouvés, ne leur avaient fait aucun mauvais traitement : or autant que j'en puis juger, les Naupliens sont originairement Egyptiens, de ceux qui vinrent avec Danaüs à Argos. Trois générations ensuite, Nauplius fils d'Amymone se mit à la tête d'une colonie de ces Egyptiens, il s'établit sur le bord de la mer et lui bâtit une ville qu'il nomma de son nom, Nauplie.

[3] L'empereur Trajan affranchit ces Naupliens de la domination de Messène, et leur permit de se gouverner par leurs propres lois. Mais longtemps auparavant il leur était arrivé un malheur qui mérite d'être raconté, et qui leur fut particulier ; car les autres Messéniens de la côte n'ont jamais rien éprouvé de semblable. L'anarchie avait ruiné les affaires de la Thesprotie d'Epire : Deidamie, fille de Pyrrhus était morte sans enfants, et en mourant avait laissé le gouvernement entre les mains du peuple. Pyrrhus, père de cette princesse était fils de Ptolémée petit-fils d'Alexandre et arrière-petit-fils du grand Pyrrhus.

[4] Celui-ci était, comme on sait fils d'Eacidas ; j'en ai fait une ample mention dans mon premier livre, en parlant de l'Attique. Proclès de Carthage dit que ce prince n'eut ni la fortune d'Alexandre fils de Philippe, ni le brillant et l'éclat qui mit Alexandre au-dessus de tous les conquérants ; mais que pour ranger une armée en bataille, cavalerie ou infanterie, et pour les ruses de guerre et les stratagèmes, il lui était fort supérieur.

[5] Les Epirotes n'étant plus gouvernés par des rois, le peuple devenait tous les jours plus insolent et méprisait l'autorité des magistrats. Les Illyriens qui habitent les bords de la mer Ionienne au-dessus de l'Epire, profitant de la conjoncture, firent une irruption dans le pays, et le subjuguèrent ; car jusqu'ici nous ne connaissons que les Athéniens à qui la démocratie ait réussi. Pour eux, ils se sont rendus fort puissants par l'excellence de leur gouvernement et par une grande soumission aux lois de Solon.

[6] Les Illyriens ayant une fois goûté la douceur de commander aux autres, ne songèrent plus qu'à étendre leur domination. Ils firent provision de bâtiments propres à courir les mers ; et après avoir écumé tout ce qui se trouvait à leur portée, ils allèrent mouiller au port de Mothone. D'abord, sous ombre d'amitié, ils envoyèrent dire aux habitants qu'ils venaient pour acheter leurs vins. Quelques gens de la ville se pressèrent de leur en porter, en reçurent le prix qu'ils demandaient, et achetèrent à leur tour quelques marchandises des Illyriens.

[7] Le lendemain les habitants vinrent en plus grand nombre pour faire le même trafic, et ils trouvèrent toute la facilité possible de la part de leurs hôtes. Les Mothonéens prirent tellement goût à ce commerce, qu'ils accoururent en foule, hommes et femmes, les uns pour vendre, les autres pour acheter. Alors les Illyriens voyant la proie dans leurs filets, enlevèrent toute cette multitude, particulièrement les femmes ; et faisant voile en Illyrie changèrent la ville en un désert.

[8] A Mothone il y a un temple de Minerve Anémotis, avec une statue de la déesse. On dit que la statue a été posée sous ce nom par Diomède, et que c'était un voeu qu'il accomplissait ; car le pays était exposé à de fort grands vents, et presque continuels, qui faisaient beaucoup de ravage ; et depuis le voeu de Diomède, ces vents ne se sont pas fait sentir. On y voit aussi un temple de Diane, et dans ce temple un puits dont l'eau naturellement mêlée d'une espèce de résine ressemble assez pour la couleur et pour l'odeur au baume de Cysique.

[9] L'eau la plus bleue que j'ai vue est celle des Thermopyles ; mais elle ne paraît bien bleue que dans des baignoires, qui sont des vases à l'usage des femmes. S'il y a des eaux bleues, il y en a aussi qui sont rouges comme du sang ; on en voit de cette couleur dans le pays des Hébreux, auprès de Joppé vers la mer. Les gens du lieu disent que Persée s'étant ensanglanté en tuant le monstre marin auquel on avait exposé la fille de Céphée, il se lava dans cette fontaine, et que c'est ce qui a rougi ses eaux.

[10] J'en ai vu aussi de noires à Astyra ; ce sont des bains d'eaux chaudes vis-à-vis de Lesbos, près d'un bourg que l'on nomme Atarné, et qui fut donné par le roi de Perse aux habitants de Chio, pour récompense de ce qu'ils lui avaient livré un Lydien nommé Pactyas, qui s'était réfugié chez eux. Enfin les Romains ont des eaux blanches assez près de Rome et un peu au-delà du fleuve Anion. Quand on s'y baigne, on est d'abord saisi de froid jusqu'à trembler, et au bout de quelque temps on sent autant de chaleur que si l'on était dans de l'eau qui eût été sur le feu.

[11] J'ai vu toutes ces merveilles de la nature, toutes ces différentes eaux, qui pourtant sont également salutaires ; car je ne parle point de beaucoup d'autres moins surprenantes : en effet, qu'il y ait des fontaines dont l'eau est salée, et d'autres dont l'eau est âcre, on ne s'en étonne point parce que cela n'est pas rare. Mais je ne dois pas en omettre deux qui sont d'espèces toutes contraires, et dans des lieux très différents ; l'une est celle que l'on trouve dans une plaine de la Carie, nommée la plaine blanche, près de Dascylium, et dont l'eau est chaude et plus douce que du lait.

[12] L'autre est une fontaine qui se jette dans le fleuve Hypanis, et dont parle Hérodote ; ses eaux sont amères, ce qui n'est pas plus difficile à croire que ce que nous voyons à Pouzolle, auprès de la mer Thyrrénienne ; car il y a là des bains dont l'eau est si chaude qu'en peu d'années les tuyaux de plomb par où elle passait se sont fondus.

XXXVI. [1] De Mothone au promontoire Coryphasium, on compte environ cent stades. Sur ce promontoire même est la ville de Pylos, que Pylas fils de Cléson bâtit autrefois, et qu'il peupla de Lélèges qu'il avait amenés de Mégare. Mais il ne jouit pas longtemps de cette souveraineté ; car il en fut chassé par Nélée et par des Pélasges venus d'Iolchos. Contraint de céder sa ville à ces étrangers, il ne s'éloigna que le moins qu'il put, et alla occuper une autre Pylos en Elide. La première devint si florissante sous le règne de Nélée qu'Homère l'appelle par excellence la ville de Nélée.

[2] On voit à Pylos un temple de Minerve surnommée Coryphasia. Une autre curiosité, c'est la maison de Nestor, où l'on voit encore son portrait. Le tombeau de ce prince est dans la ville ; car celui qui est hors des murs, on prétend que c'est le tombeau de Trasymède. On vous montrera aussi dans la ville un lieu souterrain que l'on dit avoir été l'étable à boeufs de Nestor, et avant lui de Nélée.

[3] Ces boeufs, à ce que l'on prétend, étaient de Thessalie, et du troupeau d'Iphiclus père de Protésilas. Nélée exigea ce présent de ceux qui recherchaient sa fille en mariage : or Mélampus, qui voulait faire plaisir à son frère Bias, étant venu en Thessalie à dessein d'enlever ces boeufs, fut pris lui-même par les pâtres d'Iphiclus et jeté dans une prison ; mais comme c'était un devin, par les réponses qu'il rendit à Iphiclus sur les choses à venir, il mérita d'avoir ces excellents boeufs pour récompense ; ensuite il les donna à Bias, et Bias à Nélée. La grande richesse alors consistait à avoir une grande quantité de boeufs et de chevaux. Aussi voyons-nous non seulement que Nélée voulut avoir les boeufs d'Iphiclus, mais qu'Eurysthée ayant su que Géryon avait en Espagne un troupeau de boeufs d'une beauté singulière, il commanda à Hercule de les lui amener.

[4] Ce même troupeau venant d'Erythée fit tant d'envie à Eryx qui régnait en Sicile, qu'il voulut disputer le prix de la lutte avec Hercule, et que le prix fut d'un côté le royaume d'Eryx, et de l'autre ce troupeau de boeufs. Homère nous apprend aussi dans l'Iliade qu'Iphidamas fils d'Antenor, donna entre autres choses cent boeufs à son beau-père en épousant sa fille, tant il est vrai que dans ces premiers temps, des troupeaux nombreux étaient ce que l'on estimait le plus.

[5] Mais ceux de Nélée, selon toutes les apparences, ne paissaient pas dans ses états, car cette contrée, sablonneuse comme elle est, ne pouvait pas produire beaucoup de pâturages ; c'est ce qu'Homère témoigne en parlant de Nestor, il le qualifie toujours roi de Pylos, qui est, dit-il, un pays fort sablonneux.

[6] Vis-à-vis du port de Pylos, est l'île Sphactérie, comme vis-à-vis du port de Délos est l'île Rhenée. Il est assez ordinaire que des lieux obscurs et inconnus par eux-mêmes deviennent tout à coup célèbres, pour avoir servi de théâtre aux jeux de la fortune, ou à quelque événement considérable. C'est ainsi que le naufrage d'Agamemnon et des Grecs, qui venaient avec lui après la prise de Troie, a rendu fameux le promontoire de Capharée en Eubée ; c'est encore ainsi que Psyttalie, petite île à l'opposite de Salamine, est aujourd'hui connue par le massacre de ces quatre cents Perses qui y avaient fait une descente. Il en est de même de Sphactérie ; la défaite des Lacédémoniens a tiré cette île de l'obscurité où elle était, et l'on y voit encore dans la citadelle une statue de la Victoire, que les Athéniens y ont laissée pour monument de l'avantage qu'ils remportèrent alors sur Lacédémone.

[7] En allant de Pylos à Cyparissie, on trouve au sortir de la ville et près de la mer une fontaine que Bacchus, dit-on, fit sortir en frappant de son thyrse contre terre ; c'est pourquoi cette fontaine est appelée la fontaine de Bacchus. A Cyparissie, il y a deux temples, l'un dédié à Apollon, l'autre à Minerve Cyparissia. De là on va à Aulon, où l'on voit un temple et une statue d'Esculape surnommé Aulonius. Ensuite on trouve le fleuve Nedès, qui borne la Messénie de ce côté-là et la sépare de l'Elide.


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Traduction par l'abbé Gédoyn (1731, édition de 1794)
NB : Orthographe modernisée et chapitrage complété.