[Orchomène et la région de Phénéon]

Tardieu, 1821

XIII. [1] En entrant sur les terres des Orchoméniens, à la gauche du chemin qui mène au mont Anchise, on voit sur le penchant d'une montagne le temple de Diane Hymnia. Ce temple est commun aux deux peuples. Ils y ont un prêtre et une prêtresse qui font voeu de chasteté perpétuelle et qui mènent une vie fort austère ; l'usage du bain et de plusieurs autres choses permises aux autres hommes leur est interdit, et jamais ils ne font de visites. Je sais qu'il en est de même des principaux ministres du temple de Diane à Ephèse, avec cette différence que ceux-ci ne gardent la règle que durant leur année d'exercice. La fête de Diane Hymnia se célèbre tous les ans.

[2] Orchomène était autrefois sur la cime de la montagne ; on voit encore les vestiges des murs et de la place publique. Aujourd'hui la ville est bâtie au-dessous des anciens murs. Ce que l'on y trouve de remarquable, c'est une fontaine qui fournit de l'eau abondamment aux habitants ; c'est en second lieu un temple de Neptune et un temple de Vénus où ces divinités sont en marbre. Près de la ville on voit une statue de bois de Diane, placée dans le creux d'un grand cèdre ; aussi l'appelle-t-on la déesse Cédréatis.

[3] Au bas de la ville il y a des monceaux de pierres à quelque distance des uns des autres ; je crois que ce sont de vieux tombeaux faits à la hâte pour des gens qui ont péri dans quelque combat ; mais on ne peut dire si ce combat s'est donné contre des Arcadiens, ou contre d'autres peuples du Péloponnèse, parce qu'aucune inscription n'en apprend rien, et que les Orchoméniens eux-mêmes n'en ont point de connaissance.

[4] Vis-à-vis d'Orchomène est une montagne fort escarpée que l'on nomme par cette raison le mont Trachys. Entre la montagne et la ville il y a une ravine, où l'eau du ciel forme une espèce de torrent qui se répand dans une grande plaine, dont un marais occupe une bonne partie. Quelque trois stades au-delà d'Orchomène vous trouvez un chemin qui vous mène tout droit à la ville de Caphyes ; ce chemin est à côté du torrent, puis tourne sur la gauche vers le marais.

[5] Quand vous aurez passé le torrent vous verrez au pied du mont Trachys un autre chemin, près duquel est le tombeau de cet Aristocrate qui viola autrefois la prêtresse de Diane Hymnia. Les sources Tenées sont tout auprès. Sept stades plus loin c'est le village Amilos, qui était anciennement une ville, à ce que l'on dit. En cet endroit le chemin fourche une seconde fois, allant d'un côté à Stymphale, de l'autre à Phénéon.

[6] Le chemin de Phénéon conduit aussi à une montagne qui fait la séparation des Orcheméniens, des Phénéates, et des Caphiates. Sur ces confins il y a un rocher fort haut, que l'on nomme la roche de Caphyes. Après la montagne est un grand vallon, et les villes que j'ai nommées sont sur la hauteur. Le chemin qui conduit à Phénéon passe par ce vallon, au milieu duquel est un ruisseau, et à l'extrémité la petite ville de Caphyes.

XIV. [1] La plaine de Phénéon s'étend jusques sous Caphyes ; cette plaine fat autrefois tellement inondée que l'eau gagnant la hauteur, l'ancienne ville de Phénéon fut submergée. Il y a encore sur les montagnes des marques auxquelles on peut juger jusqu'où l'eau monta. A cinq stades de Caphyes ce sont les monts Orexis et Sciathis. Au bas de l'un et de l'autre il y a de larges fossés qui sont comme l'égout des campagnes voisines.

[2] Les Phénéates croient que ces fossés ont été faits de main d'homme, et même par Hercule dans le temps qu'il demeurait à Phénéon chez Laonomé mère d'Amphitryon ; car ils disent qu'Alcée eut Amphitryon, non, comme on le prétend, de Lysidice fille de Pélops, mais de Laonomé fille de Gunéüs, et native de Phénéon. S'il est vrai qu'Hercule ait demeuré chez ces peuples, on peut croire que chassé de Tirynte par Eurystée, il ne vint pas d'abord à Thèbes, mais qu'il s'arrêta quelque temps à Phénéon.

[3] Il conduisit ce canal à travers les terres des Phénéates, afin que le fleuve Olbius ou Aroanius, comme les autres Arcadiens l'appellent, y pût tomber. Ces travaux sont continués l'espace de cinquante stades, et aux endroits où les bords sont revêtus et dans leur entier, le canal a trente pieds de profondeur. Mais comme il n'a pas été bien entretenu, le fleuve a repris son ancien cours.

[4] Depuis le pied des montagnes où commencent ces fossés jusqu'à Phénéon l'on compte environ cinquante stades. Si l'on en croit les Phénéates, ils ont eu pour fondateur un certain Phénéüs originaire du pays. Leur citadelle est sur un roc escarpé de tous côtés, l'avantage de la situation joint à quelques ouvrages que l'on y a faits rend cette place très forte. On y voyait autrefois un temple de Minerve Tritonia, mais il n'en reste plus que les ruines.

[5] Les Phénéates disent qu'Ulysse y consacra aussi une statue de bronze à Neptune Hippius. Selon eux ce fut à l'occasion de ses cavales qu'il avait perdues ; car après les avoir cherchées inutilement par toute la Grèce, les ayant retrouvées chez eux, il bâtit un temple à Diane sous le nom de Diane Heurippé, et en même temps il fit ériger une statue à Neptune Hippius.

[6] Quant à ses cavales il voulait qu'elles fussent nourries dans les pâturages des Phénéates, comme il faisait paître ses troupeaux de vaches dans le continent qui est vis-à-vis d'Ithaque. Et en effet ils me montrèrent sur le piédestal de la statue une inscription où il était parlé de la récompense qu'Ulysse promettait à ceux qui auraient soin de ses juments.

[7] Mais je ne tiens pas ce récit véritable en toutes ses parties ; on ne me persuadera point qu'Ulysse ait érigé une statue de bronze à Neptune. Les hommes n'avaient point encore alors l'art de fondre le métal et de le jeter en moule. On faisait une statue comme un habit, successivement et par pièces, non d'un seul jet et tout à la fois ; c'est ce que j'ai déjà dit dans le troisième livre de cet ouvrage, en parlant de la statue de Jupiter surnommé le Très Haut.

[8] En effet les premiers qui aient su fondre une statue ont été Rhoecus fils de Philéüs, et Théodore fils de Télédès, tous deux de Samos ; c'est ce même Théodore qui avait gravé cette belle émeraude qui servait de cachet à Polycrate tyran de Samos, et dont il faisait tant de cas.

[9] Sur le penchant de la montagne où la citadelle est bâtie on a pratiqué un stade ; et sur la cime on voit le tombeau d'Iphiclès frère d'Hercule et père d'Iolas. Les Grecs disent qu'Iolas fut le compagnon d'Hercule en plusieurs de ses travaux. Pour Iphiclès, dès la première expédition d'Hercule contre Argée roi des Eléens, il fut blessé par les fils d'Actor, que l'on appellait les Molionides du nom de Molione leur mère. Ses amis le voyant hors de combat, le firent porter à Phénéon, où Buphagus et Promné sa femme eurent grand soin de lui ; cependant il y mourut de sa blessure et y fut enterré.

[10] Les Phénéates l'honorent tous les ans sur son tombeau comme un héros. Mercure est de tous les dieux celui à qui ils ont le plus de dévotion ; ils célèbrent en son honneur des jeux qu'ils nomment Herméens, et ils lui ont bâti un temple où le Dieu est en marbre ; cette statue est un ouvrage d'Euchir fils d'Eubolides Athénien.

[11] Derrière ce temple on voit le tombeau de Myrtil, que les Grecs ont cru fils de Mercure ; il était l'écuyer d'Oenomaüs, et il conduisait ses chevaux avec tant d'adresse que sur la fin de la course son maître atteignait toujours ceux qui pour avoir Hippodamie osaient entrer en lice avec lui, et aussitôt il les perçait de son javelot. Myrtil devenu lui-même amoureux de la princesse et n'osant pas disputer contre son maître continua ses fonctions d'écuyer ; mais on dit qu'il trahit Oenomaüs en faveur de Pélops après avoir fait promettre à celui-ci qu'il le laisserait jouir d'Hippodamie durant une nuit. Pélops ensuite sommé par Myrtil de lui tenir sa promesse fut si indigné de son audace, qu'il le jeta du haut de son navire dans la mer. On ajoute que son corps poussé par les flots sur le rivage fut recueilli par les Phénéates qui lui donnèrent sépulture, et qui encore à présent font tous les ans son anniversaire durant une certaine nuit.

[12] Il est aisé de juger que Pélops ne faisait pas alors une longue navigation ; selon toute apparence il s'était embarqué vers l'embouchure de l'Alphée pour venir au port d'Elis. Ainsi je ne crois point que la mer dite Myrtoüm ait pris son nom de Myrtil fils de Mercure ; car cette mer s'étend depuis l'Eubée jusqu'à la mer Egée avec laquelle elle se joint auprès d'une île déserte, dite l'île d'Hélène. J'aime donc mieux croire avec les Eubéens les plus versés dans l'histoire de leur pays, que c'est une femme nommée Myrto qui a donné son nom à cette mer.

XV. [1] Les Phénéates ont aussi un temple de Cérès Eleusinienne, où les mystères de la Déesse se célèbrent de la même manière qu'à Eleusis ; c'est même chez eux, on les en croit, que ces mystères ont d'abord institués. Car ils prétendent que Naüs pour obéir à un certain oracle de Delphes vint en leur pays, et que ce Naüs était arrière-petit-fils d'Eumolpe. Près du temple de Cérès est un endroit appelé Petroma ; ce sont deux pierres l'une sur l'autre et parfaitement bien jointes.

[2] Quand ce vient le jour des grands mystères, comme ils les nomment, on sépare ces deux pierres, on en tire un écrit qu'elles renferment, et qui contient le rit et les cérémonies qui se doivent observer ; on le lit aux ministres de la Déesse, et après qu'ils l'ont entendu, la nuit même on le resserre au même endroit. Ces deux pierres sont en si grande vénération que dans les affaires importantes plusieurs jurent en mettant la main dessus.

[3] Elles sont sous une espèce de petit dôme, où l'on conserve une image de Cérès surnommée Cidaria. Le jour des grands mystères le prêtre prend cette image, il la met sur ses habits et prenant ensuite de petites baguettes, il en donne quelques coups aux naturels du pays en suivant un certain ordre. Les Phénéates disent qu'avant Naüs, Cérès cherchant sa fille était venue chez eux et que pour récompenser ceux qui lui firent un bon accueil elle leur donna toute sorte de grains hormis des fèves.

[4] Pourquoi ce légume en fut excepté et pourquoi ils le tiennent impur, c'est un mystère qui ne se révèle point. Disaulès et Damithalès qui au rapport des Phénéates eurent l'honneur de recevoir Cérès, lui bâtirent ensuite un temple au bas du mont Cyllène, et lui établirent un culte qui s'est perpétué jusqu'à nos jours. Ce temple dédié à Cérès Thesmia est à quinze stades de la ville.

[5] Sur le chemin qui mène de Phénéon à Pellène et à Egire vous n'aurez pas fait quinze stades que vous trouverez le temple d'Apollon Pythius. Mais vous n'en verrez que les ruines avec un autel de marbre blanc que le temps a épargné et où les Phénéates sacrifient encore à Apollon et à Diane. On croit que ce fut Hercule qui après la prise d'Elise fit bâtir ce temple. Aux environs on voit la sépulture de plusieurs héros qui partagèrent avec lui l'honneur de cette expédition, et qui périrent dans ce combat.

[6] Je remarquerai entre autres le tombeau de Télamon pas loin du temple sur le bord du fleuve Aroanius, et le tombeau de Chalcodon près de la fontaine Oenoé. Mais il ne faut pas croire que ce Chalcodon fût le père d'Eléphenor qui s'embarqua pour Troie avec les autres capitaines grecs, ni que ce Télamon ait été le père d'Ajax et de Teucer. En effet comment Chalcodon eût-il pu suivre Hercule à la guerre d'Elide, puisqu'il avait été tué par Amphitryon, comme nous le savons certainement par l'histoire et par les monuments des Thébains ?

[7] Comment Teucer a-t-il bâti Salamine dans l'île de Chypre, si personne ne l'a empêché de revenir chez lui après la prise de Troie, et quel autre pouvait l'empêcher de rentrer chez lui que son père Télamon ? Il faut donc conclure que c'est un Chalcodon différent de celui de l'île Eubée, et un Télamon autre que le Télamon roi d'Egine. Car dans tous les temps, comme de nos jours, les noms des grands hommes ont été portés par des gens obscurs.

[8] Au reste les Phénéates ont plusieurs bornes qui les séparent des Achéens ; du côté de Cyllène ils ont le fleuve Porinas, et du côté d'Egire, le temple de Diane. En deçà et sur leurs terres après le temple d'Apollon Pythius vous trouvez un chemin qui conduit au mont Crathis, où le fleuve de ce nom prend sa source.

[9] Ce fleuve va tomber dans la mer auprès d'Eges, lieu désert aujourd'hui, mais qui autrefois était une ville d'Achaïe. Le Crathis fleuve d'Italie dans le pays des Brutiens a pris son nom de celui-ci. Sur le mont Crathis il y a un temple de Diane Pyronia, où les Argiens anciennement venaient chercher du feu pour leurs fêtes de Lerna.

XVI. [1] En allant de Phénéon à l'orient on trouve le mont Géronte et un chemin qui tourne à l'entour ; cette montagne est une borne commune entre les Phénéates et ceux de Stymphale. A la gauche de la montagne les Phénéates sont encore bornés par un lieu que l'on nomme Tricrène, à cause de trois fontaines qui sont et où l'on dit que les nymphes lavèrent Mercure lorsqu'il vint au monde ; c'est pourquoi ce lieu est consacré à Mercure.

[2] Non loin de là c'est le mont Sépia où l'on tient qu'Epytus fils d'Elatus mourut de la piquure d'un serpent ; il fut enterré là parce que l'on ne put transporter son corps plus loin. Les Arcadiens disent que cette montagne engendre encore des serpents fort venimeux, mais qu'ils y sont rares, parce que la montagne étant couverte de neige une bonne partie de l'année, s'ils sortent de leurs trous ils périssent dans la neige, et s'ils se cachent, 1a rigueur du froid les fait mourir sous terre.

[3] Comme je savais qu'Homère en parlant des Arcadiens a fait mention du tombeau d'Epytus, je le considérai avec soin ; c'est un petit tertre environné d'une balustrade de pierres qui tourne tout à l'entour. Je crois qu'Homère ne l'a vanté que parce qu'il n'en avait point vu de plus beau ; de même qu'il compare les danses gravées par Vulcain sur le bouclier d'Achille à celles que Dédale avait inventées pour Ariadne, parce qu'il ne connaissait rien de plus parfait en ce genre.

[4] Pour moi j'ai connaissance de plusieurs tombeaux beaucoup plus dignes d'admiration ; j'en puis citer deux entre autres, l'un à Halicarnasse, et l'autre chez les Hébreux. Le premier érigé à Mausole qui était roi d'Halicarnasse est d'une grandeur et d'une magnificence si surprenante que les Romains plein d'admiration pour ce monument, quand ils parlent d'un tombeau magnifique, croient avoir tout dit en disant, c'est un mausolée.

[5] Le second était à Jérusalem, ville qu'un empereur Romain a entièrement détruite ; c'était la sépulture d'une femme du pays, nommée Hélène. La porte du tombeau qui était de marbre comme tout le reste, s'ouvrait d'elle-même à certain jour de l'année et à certaine heure par le moyen d'une machine, et se refermait peu de temps après. En tout autre temps si vous aviez voulu l'ouvrir, vous l'auriez plutôt rompue.

XVII. [1] Du tombeau d'Epytus vous arrivez au mont Cyllène, le plus haut de toute l'Arcadie ; le temple de Mercure Cyllénien est sur la cime, mais tout en ruines. Il est certain que c'est Cyllen fils d'Elatus qui a donné son nom et à la montagne et au temple.

[2] En ces temps-là les statues des dieux, autant que j'en puis juger par celles que j'ai vues, se faisaient de bois d'ébène, ou de cyprès, ou de cèdre, ou de chêne, ou d'if, ou de lotos. Pour la statue de Mercure, elle est de citronnier, et suivant qu'il m'a paru, elle a au moins huit pieds de haut.

[3] Une des merveilles du mont Cyllène, c'est qu'on y voit communément des merles qui sont tout blancs ; car les oiseaux que les poètes comiques appellent de ce nom sont d'une autre espèce et ne chantent point. Pour des aigles blancs, j'en ai vu au mont Sipyle près d'un marais nommé le marais de Tantale. Des sangliers et des ours blancs, c'est chose si commune en Thrace que des particuliers même en ont chez eux.

[4] En Libye on nourrit des lapins blancs, comme on nourrit ailleurs de la volaille ; et j'ai vu à Rome des biches toutes blanches, ce qui, à dire le vrai, me surprit extrêmement ; il ne me vint pas dans l'esprit de demander si elles venaient de quelque île, ou d'un pays en terre ferme. J'ai voulu rapporter tous ces exemples, afin que l'on ne croie pas que j'en impose quand je dis qu'il y a des merles blancs au mont Cyllène.

[5] Cette montagne est suivie d'une autre que les Arcadiens nomment le mont Chélydorée, parce que, disent-ils, Mercure y ayant trouvé une tortue, l'ouvrit, tua l'animal, et de l'écaille fit une lyre. Cette montagne, dont les Achéens possèdent la plus grande partie, est ce qui sépare les Phénéates des Pellénéens.

[6] Si vous allez de Phénéon au couchant, vous trouverez sur la gauche un chemin qui va à la ville de Clitore, et sur la droite un autre qui conduit à Nonacris et à l'eau de Styx. Nonacris était autrefois une petite ville d'Arcadie qui avait pris son nom de la femme de Lycaon ; aujourd'hui on n'en voit que les ruines, encore sont-elles pour la plupart ensevelies sous terre. Près de ces ruines il y a une partie de la montagne qui s'élève si prodigieusement, que je n'ai rien vu de si haut, et du sommet dégoutte sans cesse une eau que les Grecs nomment l'eau de Styx.

XVIII. [1] Hésiode dans sa Théogonie, car quelques-uns lui attribuent cet ouvrage, fait Styx fille de l'Océan et femme de Pallas ; et l'on prétend que Linus dit quelque chose de semblable dans ses poésies ; pour moi j'ai lu avec soin ces ouvrages, et je les tiens tous deux supposés.

[2] Mais Epiménide de Crète dit aussi que Styx fut fille de l'Océan, et il ajoute que mariée à Piras, (on ne sait pas trop qui était Piras) elle enfanta l'Hydre. Pour Homère, c'est de tous les anciens poètes celui qui a le plus souvent employé le nom de Styx dans ses vers ; témoin cet endroit où il exprime ainsi le serment que fait Junon :

J'en atteste le ciel, la terre et les enfers ;
J'en atteste de Styx l'eau qui tombe sans cesse.

Il semble qu'en homme qui avait vu les lieux, le poète ait voulu décrire l'eau qui dégoutte continuellement de ce rocher. Dans un autre endroit en faisant le dénombrement de ceux qui avaient suivi Gunéüs il parle du fleuve Titarésius, et en parle comme d'un fleuve qui était formé des eaux de Styx.

[3] Enfin quand il nous représente Minerve se plaignant à Jupiter, et lui reprochant qu'il a oublié que c'est par elle et par son secours qu'Hercule était si heureusement sorti des travaux qui lui avaient été imposés par Eurystée, il fait de Styx un fleuve qu'il place dans les enfers.

[4] Quoi qu'il en soit, l'eau qui dégoutte de ce rocher, près de Nonacris, après s'être fait une route à travers une grosse roche fort haute, tombe dans le fleuve Crathis ; cette eau est mortelle aux hommes et à tout animal. Souvent des chèvres sont mortes pour en avoir bu ; mais l'on a été du temps à s'en apercevoir.

[5] Une autre qualité fort surprenante de cette eau, c'est qu'aucun vase, soit de verre, soit de crystal, soit de terre cuite, soit même de marbre, ne la peut contenir sans se casser. Elle dissout ceux qui sont de corne ou d'os ; elle dissout même le fer, le cuivre, le plomb, l'étain, l'ambre, l'argent, et même l'or, quoiqu'au rapport de Saphe la rouille ne l'altère jamais, ce qui est aussi confirmé par l'expérience.

[6] Tant il est vrai que Dieu donne aux choses les plus viles une vertu secrète qui souvent à certains égards les met au-dessus des choses que les hommes estiment le plus. C'est ainsi que le vinaigre dissout les perles, et que le sang de bouc amollit le diamant qui est de toutes les pierres la plus dure. Mais cette même eau de Styx n'agit point sur la corne du pied des chevaux. Un vase de cette matière est le seul où l'on en puisse garder, et qui résiste à son impression ; j'ignore si Alexandre fils de Philippe a été empoisonné avec cette eau, je sais seulement qu'on l'a dit.

[7] Au-dessus de Nonacris ce sont les monts Aroaniens ; on y montre une grotte où l'on dit que les filles de Proetus dans leur démence allèrent se cacher, jusqu'à ce que Mélampus par une vertu secrète et par des expiations les en retira, pour les mener en un lieu que l'on nomme Luses. La plus grande partie des monts Aroaniens est habitée par les Phénéates.

[8] Car Luses est du territoire de Clitore, et l'on assure que c'était autrefois une ville. Du moins est-il certain qu'Agésilas ayant remporté le prix de la course de chevaux, lorsque les Amphictyons firent célébrer les jeux pythiques pour la onzième fois, en même temps qu'on le proclama vainqueur, il fut qualifié citoyen de Luses. Mais aujourd'hui il ne reste pas le moindre vestige de cette ville. Quant à Mélampus, après avoir mené les filles de Proetus à Luses il les guérit de leur frénésie dans le temple de Diane ; c'est pourquoi ceux de Clitore ont depuis honoré la déesse sous le nom de Diane Hémérésia.

XIX. [1] Les Cynéthéens sont encore un peuple d'Arcadie ; ils envoyèrent autrefois à Olympie une statue de Jupiter qui tient une foudre des deux mains. Ils sont à quarante stades du temple de Diane dont je viens de parler. Dans leur ville au milieu de la place publique ils ont plusieurs autels consacrés à différentes divinités et une statue de l'empereur Hadrien.

[2] Ce que j'ai vu de plus remarquable chez eux se réduit à ceci : un temple de Bacchus où ils font la fête du Dieu au coeur de l'hiver ; les hommes se frottent de graisse, puis ils vont prendre au milieu du troupeau le taureau qu'ils croient devoir être le plus agréable au Dieu, et l'apportent jusque dans le temple : telle est leur manière de sacrifier. En second lieu on me fit voir à deux stades de la ville une fontaine d'eau froide, ombragée d'un plane.

[3] Si quelqu'un est mordu d'un chien enragé, ou que pour s'en être approché, il ait lieu de craindre quelque accident, il n'a qu'à boire de l'eau de cette fontaine, il est guéri ; aussi la nomment-ils Alysson, comme qui dirait l'eau qui guérit de la rage. Si donc les Arcadiens sur les confins des Phénéates ont l'eau de Styx qui est mortelle, ils ont aussi du côté des Cynéthéens cette autre fontaine qui est très salutaire ; ainsi l'un compense l'autre.

[4] Des deux chemins qui sont, sur la gauche et qui vont de Phénéon au couchant, l'autre mène à Clitore et s'étend jusqu'à ces travaux qu'Hercule avait faits pour la communication du canal avec le fleuve Aroanius. Sur cette dernière route vous avez le village de Lycuria qui est frontière entre les Phénéates et ceux de Clitore.

XX. [1] Cinquante stades plus loin c'est la source du Ladon ; j'ai ouï dire que les mêmes eaux qui font une espèce de marais dans la plaine de Phénéon, après s'être engouffrées sous les montagnes dont le pays est environné, remontent et forment cette source ; ce qui en est, je ne le sais pas : mais je sais que dans toute la Grèce il n'y a pas un autre fleuve qui soit comparable au Ladon pour la beauté de ses eaux.

[2] Les aventures de Daphné ont aussi contribué à rendre ce fleuve célèlre. Je ne m'arrête point à raconter ce que les Syriens qui habitent les bords de l'Oronte débitent au sujet de Daphné ; les Arcadiens et les Eléens ont une autre tradition qui est bien différente. Selon eux Leucippe était fils d'Oenomaüs roi de Pise; le jeune prince passionnément amoureux de Daphné comprit que s'il la recherchait ouvertement en mariage il s'exposerait à un refus, parce qu'elle avait de l'aversion généralement pour tous les hommes : voici donc le stratagème dont il s'avisa.

[3] Il laissa croître ses cheveux pour en faire, disait-il, un sacrifice au fleuve Alphée ; après les avoir noués à la manière des jeunes filles il prit un habit de femme et alla voir Daphné ; il se présenta à elle sous le nom de la fille d'Oenomaüs, et lui témoigna avoir grande envie de faire une partie de chasse avec elle. Daphné fut trompée à l'habit, et Leucippe passa pour une fille. Comme d'ailleurs sa naissance et son adresse lui donnaient un grand avantage sur toutes les compagnes de Daphné, et qu'il n'oubliait rien pour lui plaire, il eut bientôt gagné ses bonnes grâces.

[4] Ceux qui mêlent les amours d'Apollon avec cette aventure ajoutent que le Dieu piqué de voir Leucippe plus heureux que lui, inspira à Daphné et à ses compagnes l'envie de se baigner dans le Ladon ; que Leucippe fut contraint de quitter ses habits comme les autres, et qu'ayant été reconnu pour ce qu'il était, il fut tué à coups de flèches ou de poignard. Voilà ce que disent les Arcadiens.

XXI. [1] De la source du Ladon à Clitore il peut y avoir quelque soixante stades. Vous y allez par un chemin fort étroit le long du fleuve Aroanius. Auprès de Clitore vous passez une rivière de même nom qui se décharge dans l'Aroanius à sept stades de la ville.

[2] Ce dernier fleuve nourrit plusieurs sortes de poissons et entre autres ce qu'ils appellent des poeciles, qui, si l'on veut les en croire, ont un cri semblable à celui des grives. Pour moi j'ai vu de ces poissons hors de l'eau, et je n'ai entendu aucun cri, quoique je sois resté sur le bord du fleuve jusqu'après le coucher du soleil, parce que l'on m'assurait que c'était particulièrement en ce temps-là qu'ils se faisaient entendre.

[3] La ville de Clitore a pris son nom d'un fils d'Azan ; elle est située dans une plaine, et environnée de collines. Ses principaux temples sont ceux de Cérès, d'Esculape et d'Ilithye. Homère parle de plusieurs déesses Ilithyes sans en déterminer le nombre. Mais Olen poète de Lycie plus ancien que lui, et qui a fait particulièrement pour ceux de Delphes divers hymnes en l'honneur des dieux, qualifie la déesse Ilithye de belle fileuse, la dit plus ancienne que Saturne, et la prend pour une Parque ou le Destin.

[4] Ceux de Clitore ont encore un temple dédié aux Dioscures, qu'ils appellent les grands Dieux ; ce temple est à quatre stades de la ville, Castor et Pollux y sont en bronze. Trente stades au-delà ils ont sur le haut d'une montagne un temple de Minerve Coria, où la déesse a une statue,

XXII. [1] Mais revenons à Stymphale et au mont Géronte qui est comme une barrière entre les Phénéates et ceux de Stymphale. Ces derniers ne sont plus censés du corps Arcadique, depuis qu'ils s'en sont volontairement séparés pour ne plus dépendre que des états d'Argos. Cependant Homère témoigne qu'ils sont originairement Arcadiens, nous savons d'ailleurs que Stymphalus leur fondateur était petit-fils d'Arcas. Quand je dis leur fondateur, ce n'est pas qu'il ait bâti la ville de Stymphale que l'on connaît aujourd'hui, mais il en bâtit une autre qui ne subsiste plus.

[2] Ces peuples prétendent que Téménus fils de Pélasges habitait l'ancienne Stymphale, qu'il y éleva Junon, et qu'il lui bâtit ensuite trois temples sous divers noms, suivant les trois états où il l'avait vue, l'un à Junon enfant, l'autre à Junon femme de Jupiter, et le troisième à Junon veuve, après qu'elle eut fait divorce avec Jupiter, et qu'elle se fut retirée à Stymphale. Voilà ce qu'ils disent.

[3] Mais cela n'a rien de commun avec la nouvelle Stymphale dont il s'agit ici. Aux environs de cette ville il y a une fontaine, dont l'empereur Hadrien a fait venir l'eau jusques dans Corinthe. Cette fontaine forme à Stymphale durant l'hiver une espèce de petit lac, d'où le fleuve Stymphale se grossit. L'été ce lac est ordinairement à sec, et pour lors c'est la fontaine qui fournit de l'eau à ce fleuve, lequel à quelque distance de là se précipite sous terre, et va reparaître dans les terres des Argiens, non plus sous le nom de Stymphale, mais sous le nom d'Erasinus.

[4] On dit que sur les bords du Stymphale il y avait autrefois des oiseaux carnassiers qui vivaient de chair humaine, et qu'Hercule les tua tous à coups de flèches ; Pisandre de Camire dit qu'il ne fit que les chasser par le bruit des cymbales. Quoi qu'il en soit, les déserts de l'Arabie qui engendrent tant de sorte de bêtes ont aussi des oiseaux nommés stymphalides, qui ne sont guère moins à craindre pour les hommes que les lions et les léopards.

[5] Car lorsqu'ils sont poursuivis par ies chasseurs, ils fondent tout-à-coup sur eux, les percent de leur bec et les tuent. Le fer et l'airain sont de faible résistance ; mais il y a dans le pays une certaine écorce d'arbre fort épaisse dont on se fait des habits ; le bec de ces animaux rebouche contre et s'y embarrasse de la même manière que les petits oiseaux se prennent à la glu. Les stymphalides sont de la grandeur des grues et ressemblent aux cigognes, avec cette différence qu'ils ont le bec beaucoup plus fort et qu'ils ne l'ont pas recourbé.

[6] Je ne puis pas dire s'il y a eu autrefois en Arcadie des oiseaux de même nom que ceux qui se voient aujourd'hui dans l'Arabie, quoique d'une forme différente ; mais supposé que l'espèce des stymphalides soit unique, et qu'elle ait toujours existé comme celle des éperviers, des aigles et des autres oiseaux, je me persuade que les stymphalides sont des oiseaux d'Arabie, dont quelques-uns auront volé vers les rives du Stymphale, et que dans la suite la gloire d'Hercule et le nom des Grecs beaucoup plus célèbre que celui des Barbares aura fait appeller ces oiseaux stymphalides dans l'Arabie même, au lieu qu'auparavant ils avaient un autre nom.

[7] A Stymphale il y a un vieux temple de Diane surnommée aussi Stymphalie ; la statue de la Déesse est de bois, et dorée pour la plus grande partie. La voûte du temple est ornée de figures d'oiseaux stymphalides ; on ne voit pas bien d'en bas si ces oiseaux sont de bois ou de plâtre ; mais je les crois plutôt de bois. Sur le derrière du temple on voit des statues de marbre blanc qui représentent des jeunes filles avec des cuisses et des jambes d'oiseau.

[8] On dit que de nos jours les habitants de Stymphale ont éprouvé la colère du ciel d'une manière terrible. La fête de Diane était négligée, on n'y observait plus les cérémonies prescrites par la coutume. Un jour cette arcade que l'on a faite pour l'écoulement des eaux du Stymphale se trouva tout à coup engorgée, au point que l'eau venant à refluer inonda toute la campagne l'espace de plus de quatre cent stades ; de sorte que vous auriez dit d'un grand lac.

[9] Un chasseur qui courait après une biche se laissant emporter à l'envie d'avoir sa proie, se jeta à la nage dans ce lac, et ne cessa de poursuivre l'animal, jusqu'à ce que tombés tous deux dans le même gouffre ils disparurent et se noyèrent. Les eaux se retirèrent à l'instant et en moins d'un jour la terre parut sèche. Depuis cet événement la fête de Diane se célèbre avec plus de pompe et de dévotion.

XXIII. [1] De Stymphale vous allez à Aléa, qui s'est aussi soumise à la domination d'Argos ; mais elle n'en reconnaît pas moins Aléus fils d'Aphidas pour son fondateur. Cette ville a trois temples considérables, celui de Diane Ephésienne, celui de Minerve Aléa, et celui de Bacchus où l'on voit une statue du Dieu. La fête de Bacchus est appellée Sxieria ; elle se célèbre tous les ans, et depuis un certain oracle de Delphes une de leurs coutumes est de fustiger des femmes à l'autel du Dieu, comme on fustige de jeunes enfants à l'autel de Diane Orthia chez les Spartiates.

[2] En parlant d'Orchomène j'ai dit qu'à quelque distance de cette ville on trouve un chemin qui mène droit à Caphyes le long d'une ravine et au-delà d'un marais qui est sur la gauche. Pour empêcher que ce marais n'inonde les terres des Caphyates on a fait une levée qui retient l'eau. En deçà de la levée il y a un gros ruisseau qui après avoir fait un certain chemin se dérobe sous terre, puis reparaît à Nases, près d'un village qu'ils nomment le Rheunus. Là ce ruisseau donne naissance à un fleuve qui a nom Tragus.

[3] Pour la ville de Caphyes, il est certain qu'elle a pris son nom de Céphée fille d'Aleus ; mais on dit Caphyes pour s'accommoder au langage des Arcadiens ; les Caphyates se disent néanmoins originaires de l'Attique ; ils prétendent que chassés d'Athènes par Egée ils vinrent en Arcadie implorer la protection de Céphée qui les reçut dans sa ville, située à l'extrémité d'une plaine au pied d'une montagne de médiocre hauteur. Ils ont un temple de Neptune et un temple de Diane Cnacalésia, ainsi nommée du mont Cnacalus où ils font tous les ans la fête de la Déesse.

[4] Un peu au-dessus de la vile vous trouvez une fontaine, et sur le bord de cette fontaine un grand plane d'une beauté merveilleuse ; ils l'appellent l'arbre de Ménélas, et disent que Ménélas le planta de sa main, lorsqu'ayant résolu d'aller faire le siège de Toie, il vint lever des troupes en Arcadie ; ce qui est de certain, c'est que la fontaine et l'arbre portent encore aujourd'hui son nom.

[5] Si à l'occasion de cet arbre il me fallait compter ceux qui sur la foi des Grecs ont eu une durée extraordinaire, et qui subsistent encore à présent, je mettrais au premier rang cet ozier que l'on voit dans le temple de Junon à Samos ; je mettrais au second le chêne de Dodone, l'olivier de la citadelle d'Athènes, et le palmier qui est à Délos ; je mettrais au troisième ce laurier que les Syriens vantent tant ; après ceux-là je crois que le plane de Ménélas est le plus vieux.

[6] Le village de Condylée n'est qu'à un stade de Caphyes ; ce lieu est connu par un temple et un bois sacré de Diane, autrefois surnommée Condyléatis ; mais ce surnom a été changé par la raison que je vais dire. Des enfants jouant ensemble autour du temple trouvèrent une corde sous leur main ; ils la mirent au col de la statue de Diane, et traînant la statue après eux, ils étranglaient, disaient-ils, la Déesse.

[7] Quelques habitants de Caphyes les ayant pris sur le fait traitèrent ce badinage si sérieusement, que sur le champ ils assommèrent ces enfants à coups de pierres. Mais leur cruauté ne demeura pas sans châtiment ; les femmes du pays furent attaquées d'une maladie qui les faisait accoucher avant terme, de sorte qu'elles ne mettaient au monde que des avortons informes et inanimés ; jusqu'à ce qu'enfin ayant consulté la Pythie, il leur fut ordonné de faire des funérailles publiques à ces enfants qu'ils avaient injustement massacrés, et de les honorer tous les ans sur leur tombeau. Ils observent encore aujourd'hui cette coutume, et pour obéir à l'oracle de point en point, c'est à Diane Apanchomène qu'ils adressent leurs voeux, et non plus à Diane de Condylée.

[8] De Caphyes l'on va à Nases qui en est à sept stades, et l'on descend toujours. Cinquante statues plus loin vous trouvez le Ladon ; quand vous avez passé cette rivière vous prenez par les villages des Argéathes, des Lycoates, de Scotine, et vous arrivez au bois de Soron, où il y a un chemin qui vous mène à Psophis.

[9] Ce bois, comme toutes les autres forêts d'Arcadie, nourrit des sangliers, des ours, et des tortues monstrueuses, dont on peut faire des lyres aussi belles que celles qui se font des tortues des Indes. Vers la fin du bois de Soron vous verrez les ruines d'un ancien village que l'on nommait Paüs ; un peu plus loin vous en rencontrez un autre qu'ils appellent Sirée, et qui borne les Clitoriens d'un côté, et les Psophidiens de l'autre.


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Traduction par l'abbé Gédoyn (1731, édition de 1794)
NB : Orthographe modernisée et chapitrage complété.