I - Octavien surnommé Auguste (an de Rome 722)

 SommaireChapitre 2

Environ l'an sept cent vingt-deux de la fondation de Rome (1), les Romains reprirent la coutume d'obéir à un seul homme. Octavien, fils d'Octavius, et fils adoptif de César, son grand oncle, d'abord surnommé Auguste par un décret du sénat, pour sa clémence après la victoire qu'il avait remportée sur les partis (2), soumit aisément tous les autres citoyens, après avoir gagné les soldats par ses largesses, et la multitude en lui promettant des distributions de vivres. Il exerça la suprême autorité pendant l'espace de quarante-quatre ans, et mourut de maladie dans la ville de Nôle (3). Il avait soumis les Rhétiens (4), les Illyriens, et forcé les nations étrangères les plus belliqueuses à se tenir en paix ; mais il ne put dompter les Germains. Il fut le troisième après Numa, qui ferma les portes du temple de Janus : ce qu'il fit après avoir vaincu Antoine, et selon la coutume qui s'observait, lorsque la république n'avait plus de guerres à soutenir. Auguste était affable et enjoué ; mais il aimait trop les plaisirs, le jeu et le sommeil (5). Passionné pour l'éloquence, il répandit ses bienfaits sur les savants dont le nombre était grand sous son règne, et à beaucoup de piété envers les dieux, il joignit une tendre affection pour sa famille. Il mérita par sa clémence d'être appelé père de la patrie, et revêtu pour toute sa vie de la puissance tribunitienne (6). Avant et après sa mort on lui éleva des temples comme à un dieu, à Rome et dans les plus célèbres villes des provinces ; et des collèges de prêtres furent établis pour présider à son culte. Il fut si heureux, que les Indiens, les Scythes, les Garamantes et les Bactriens lui envoyèrent des ambassadeurs pour lui demander son alliance : mais son bonheur fut empoisonné par ses enfants (7) et par sa femme.

Auguste de la Prima Porta
Musée du Vatican


 Haut de la pageChapitre 2

(1)  S. Aurelius Victor fixe le commencement de l'empire d'Auguste à la bataille d'Actium ; en cela il a suivi l'exemple de plusieurs historiens ; mais quelques autres font commencer cet empire au sixième consulat d'Octave, c'est-à-dire, à l'an de Rome 725 ; il en est aussi quelques-uns qui comptent les années de ce règne depuis le premier consulat de ce prince. Leur sentiment est suivi par ceux qui lui donnent une durée de cinquante-six ans, car ce premier consulat date de l'an 710.

(2)  Presque tous les critiques, tels que Scott, Gruter, madame Dacier, Arntzen, prétendent que le mot patriam du texte est une faute des copistes, et qu'il faut lire partium. Nous observerons encore qu'Aurelius Victor a emprunté dans ce commencement quelques expressions de Tacite.

(3)  Ville du Picenum, peu éloignée de Naples.

(4)  Ces peuples occupaient le pays, situé entre le Danube et le Rhin.

(5)  Victor contredit ici Suétone qui rapporte, ch. 78, qu'Auguste dormait peu ; mais peut-être veut-il dire que son intempérance l'excitait souvent au sommeil. Autre chose est de dormir souvent, et autre chose de dormir longtemps.

(6)  Cette puissance rendait Auguste inviolable pour toute sa vie. Ses successeurs en furent investis comme lui. Elle leur donnait la principale autorité dans l'ordre civil, comme le titre d'imperator les établissait chefs suprêmes des armées de la république. Un empereur romain était donc tout à la fois général en chef, et tribun du peuple. De plus, comme grand pontife, il exerçait une autorité souveraine dans ce qui concernait la religion.

(7)  Il me semble qu'Aurelius Victor se trompe, car on n'éleva à Rome aucun temple à Auguste pendant sa vie. Voyez Suétone.

(8)  Ces peuples habitaient la Libye. Suétone ne parle ni d'eux, ni des Bactriens.

(9)  Julie, fille d'Auguste, d'abord femme d'Agrippa, et ensuite de Tibère, se fit exiler, à cause de ses amours, dans une île où elle mourut. Ovide, un de ses amants, fut relégué pour le reste de ses jours à Tomes, dans les environs du Pont-Euxin.