1. Gravure aquarellée
milieu XVIIIe s.
coll. particulière

Section 1 : Du mélange des genres au particularisme roussillonnais

Les historiens du costume indiquent d'ordinaire que la différenciation régionale apparaît pleinement au milieu du siècle des Lumières (1). Ce phénomène se remarque beaucoup plus tôt pour le Roussillon car le costume populaire, prolongeant les formes des périodes précédentes (2), garde après l'annexion un fort caractère hispanique. De nombreux vêtements, qualifiés de «catalans» dans les actes, démontrent l'attachement de la population à sa culture, juxtaposée dès lors à l'influence française. De ce mélange naît le particularisme de ce territoire, réalisant un art de vivre typiquement roussillonnais (3).

Le père Lestrange en 1708 en séjour à Perpignan y remarque lors de la procession du Tiers-Ordre de Saint François «des dames de qualité vestues les unes à la françoise, les autres à la catalane, toutes portant le cordon (de leur confrérie) sur leurs habits et pendant jusqu'à terre».

En 1722, le mélange des modes est identique en Catalogne. Lors de l'arrêt au pont de Céret de deux trafiquants d'Olot, «l'un avait un habit de paysan à la catalane appelé gambétou, couleur de mûre, et l'autre un justaucorps à la française, aussi couleur de mûre» (4). Tous les deux portaient des espadrilles aux pieds.


2. François Guerra (1681-1729),
Saint-Elme (détail), 1701
Marins dont l'un porte la baratine rouge
Musée Rigaud, Perpignan

Le gambetò (fig. 3), pièce la plus caractéristique du costume traditionnel masculin, est popularisé par les représentations de saint Gaudérique. Il s'agit d'une veste à longues basques, parfois serrée au corps par un lourd ceinturon.

La baratina de laine blanche, rouge, brune ou de coton (fig. 2), la cape de berger avec ou sans capuche, les espadrilles l'été ou les sabots à la mauvaise saison, sont les pièces vestimentaires les plus citées.

3. Ex-voto de Font Romeu, 1743

A cet habillement ordinaire, s'ajoutent, les jours de fête, la veste et les culottes à la française, les souliers à boucles, le chapeau ainsi que les bas. Les habits de cérémonie sont réalisés avec des étoffes grossières, toutefois adaptées à la mode citadine (5).

4. Veste d'habit à la française ayant appartenu à M. de Balanda,
dernier viguier du Roussillon, vers 1780
Casa Pairal, Perpignan

La vêture des Roussillonnaises d'humble condition est simple : nous avons l'exemple en 1761, de Catherine Vilar qui reçoit en dot lors de ses noces à Fontcouverte dans les Aspres, un habit nuptial consistant en une jupe de serge, un corset et un capuchon d'étamine, un tablier de papeline, une entre-jupe de ratine et un corset dit camisole de drap de la terre (6).

Le corset : il est un élément obligatoire de l'habillement féminin, il est dans la majorité des cas baleiné. Après les années 1770, on lui préfère le corps souple qui est fixé sur le devant par des épingles.
Cette naïve simplicité n'est pourtant qu'apparente. En effet, le remploi de pièces d'habits revendues par les fripiers, les habitudes vestimentaires antérieures et surtout de l'imagination de chaque femme pour se mettre en valeur, même avec peu de moyens, obligent à parler de «costumes populaires» au pluriel.

5. Corps à baleines
vers 1750
Casa Pairal, Perpignan

La capuche : seule est omniprésente la capuche (la caputxa / el caputxo) blanche pour les jeunes filles et plus sombre après le mariage, toujours portée sur la coiffe. En 1788, Carrère en remarque l'usage général : «elles ont toutes un capuchon noir, de serge ou d'étoffe de soie sur la tête ou bien plié sur le bras».

Preuve de la complexité à décrire un costume particulier, Carrère préfère d'ailleurs la gravure pour représenter «la forme de leurs habits» qui est «assez difficile et longue à donner» (7). Les différences vestimentaires sont cependant marquées par la façon de vivre méditerranéenne avec son art du paraître. La gravure de Née, d'après les dessins de Beugnet, montre deux costumes féminins aux numéros 8 et 9. Il s'agit d'une paysanne et d'une ménestrale ou femme d'artisan. La différence n'est pas flagrante entre ces deux femmes, si ce n'est que la paysanne travaille à filer la laine et l'artisane semble se promener, un éventail à la main. Seul le clavier d'argent la distingue véritablement de la paysanne.

6. Jeune femme
en capuche blanche
Ex-voto, milieu XVIIIe s.
Font Romeu

7. Caraco de soie blanche, v. 1750-1770
coll. particulière

A cette époque, les femmes de la plaine ont quasiment toutes abandonné le corps à baleine inconfortable et nocif pour la santé, provoquant malformations et problèmes respiratoires (8). A sa place, elles portent le corset souple ou le casaquin à manche trois quart, fermé devant par des rubans noués. Le casaquin ou caraco à manches trois quarts laisse entrevoir les manches retroussées de la chemise. Sur les épaules, toutes ont ajusté un fichu d'indienne et ont noué un tablier de cotonnade autour des reins. Les femmes de la famille Maurin (fig. 8) portent toutes des casaquins portés à l'intérieur de la jupe, fermés devant par des noeuds ou des lacets. La taille est resserrée par l'attache du tablier d'indienne. Les bas mettent en valeur la finesse des escarpins ou des mules recouvertes de tissus de soie et attachés par des boucles d'argent.

Pour ce qui concerne les corsets, la Cerdagne et le Capcir sont des régions montagneuses peut être plus lentes aux changements. Carrère y décrit encore l'usage du corps à baleine : «Leur habit est une espèce de corset, juste au corps vers la taille, mais qui s'élargit vers la partie supérieure de la poitrine et y laisse un vide considérable. Il est contenu dans cet écartement par une espèce de busquière triangulaire garnie de fer, couverte de belles étoffes mais très bigarrées et maintenues par des lacets, rubans et cordons de différentes couleurs». Il continue par ailleurs en décrivant les jupons «ronds à petits plis renversés, bordés de rubans de soie ou galons de dentelle d'or ou d'argent».

La production de bas et de rubans par les Cerdanyoles les longs mois d'hiver explique l'usage de bas colorés et coûteux pour les femmes de toutes conditions. Le costume des femmes de Cerdagne diffère donc de celui du Roussillon par son aspect bigarré et riche (bas et rubans issus de la production locale, l'usage des indiennes de contrebande pendant la prohibition) renforcé par la broderie et l'enjolivement des habits.

Carrère note aussi une différence de coiffure : la capuche (9) est pointue par derrière et tombe jusqu'à la ceinture, une résille tient lieu de coiffe ou bien c'est un fichu léger porté très en arrière sur la tête.

Dans les années 1780, les bouleversements politiques coïncident à Perpignan avec l'avènement de la mode néoclassique et l'abandon définitif des corsets rigides. Toutes semblent porter le casaquin et l'on peut remarquer la prédominance des indiennes pour les jupes, les caracos, les fichus et les tabliers. Le costume se simplifie et avec lui la forme des coiffes. Ainsi par exemple il n'y a au XVIIIe siècle pas qu'un seul type de coiffes mais une grande variété : à carreaux, damassées, noires, picardes à dentelles, coiffes garnies ou ordinaires, bonnets de mousseline. Toutes ces coiffes de fines toiles sont ornementées de dentelles. Un phénomène de simplification et d'identification de la coiffe se remarque seulement vers 1780.

8. Portrait de famille, par Pierre Maurin (vers 1791)
Lithographie v. 1870 du tableau original disparu - coll. particulière
On peut y remarquer l'usage d'une coiffe identique pour toutes les femmes, en dentelle avec ruban coloré.
Les caracos sont à large encolure et manche trois quart, fichus et tabliers sont en indiennes fleuries.

Les femmes de la famille du peintre Maurin (fig. 8) portent des coiffes de la même forme, bonnets larges à passe bordée d'une dentelle, ajustés d'un ruban coloré (10). La jeune Perpignanaise du peintre Gamelin (11) est, elle aussi, représentée avec une coiffe-bonnet de toile simple avec une passe où est ajustée une large dentelle ornant le front et débordant de chaque coté jusqu'aux épaules. Un ruban de couleur appelé lligassa est noué sur le haut du front. La coiffe «catalane» a alors atteint sa forme homogène, et il faudra encore quelques années pour que la dentelle remonte de chaque côté sur les oreilles pour former le «galet» (12).

9. Portrait de catalane
miniature sur ivoire, v. 1790
coll. particulière
La coiffe de cette femme est identitaire,
il s'agit de la première forme de coiffe dite catalane,
qui évolue jusqu'au XXe siècle.

Section 2 : Les vecteurs de la mode française en Roussillon

Après l'annexion du Roussillon à la France, un changement notable se produit au niveau vestimentaire. Si, vers 1630, la Catalogne est influencée par la mode française et se différencie du reste de l'Espagne, le changement politique entériné en 1659 crée en Roussillon une nette évolution des mentalités et une accélération des usages.

Le pouvoir royal lui-même s'intéresse à la question et en 1661, Louis XIV déclare au président de Conseil souverain que «sa majesté veult et entend que tous les habitants de la ville de Perpignan, comme la capitale du pays, et qui par conséquent doit donner l'exemple aux autres, soient dorénavant vêtus à la françoise» (13). L'Intendant lui répondra toutefois que c'est déjà le cas. En effet, dès 1680 les hommes avaient tous remplacé les pantalons bouffants appelés «ballons» par la culotte, la fraise par la cravate.

L'attachement culturel à la mode hispanique demeure toutefois prononcé, comme le démontre par exemple le choix de couleurs foncées pour les habits d'extérieur (fig. 13).

De nombreux Roussillonnais se rendent en Languedoc à l'occasion des foires, ou bien à Paris et Rome pour des raisons politiques et religieuses. Ils en rapportent les nouveaux modèles et les nouvelles tendances de la mode.

10. Portrait de M. de Çagarriga, vers 1750
coll. particulière

Don Anton de Taqui est représenté en habit à la française sur un ex-voto le montrant en bateau de retour de Rome en 1700 (14).

Les hommes ont, plus tôt que leurs épouses, adopté le vêtement à la française. Les femmes restent en effet attachées à certaines pièces d'habit très locales comme la capuche et le corps à la catalane.

Peu à peu, les élites abandonnent aux couches populaires ces pièces d'habit pour adopter totalement la garde-robe française.

Le 12 avril 1771, le sieur Çagarriga d'Anglada achète à Paris pour son épouse diverses frivolités : des boucles d'oreilles à brillants, un éventail en ivoire avec son étui, des garnitures de robes en rubans peints différents et chinés, et une paire de manches en blondes (15). Le maître tailleur Samaran fait venir de Paris différents manteaux de robes en dentelles noires et blondes blanches, des coiffes en blonde, des manches avec leurs noeuds, des palatines, des garnitures avec coiffes en parterre, des garnitures à l'espagnole en dorure ou en dentelle d'agrément (16).

Au milieu du XVIIIe siècle la mode française a largement dépassé le cadre géographique du royaume et sert de référence à l'excellence. Les modèles envoyés par les maîtres tailleurs parisiens sont alors copiés et modifiés selon les exigences locales.

La mode des toiles peintes

Dès la fin du XVIIe siècle une autre mode apparaît, celle des toiles de coton peintes appelées aussi indiennes du Levant.

11. Jupon piqué, toile peinte, XVIIIe s.
coll. particulière

Leur succès, dû à la facilité d'entretien et à la persistance des couleurs, suscite un certain nombre de mesures protectionnistes dès 1686 (17). Commence alors une période de 73 ans de prohibition, ce qui empêche nullement les Perpignanaises de jouir des toiles non marquées (fabriquées et vendues par des réseaux autres que la Compagnie des Indes) par le biais de la contrebande. Proche de la frontière, le Roussillon est prédisposé à ce commerce illicite.

Par exemple, le 12 juillet 1725 un âne brun sans propriétaire est intercepté à la porte Saint-Martin. Il était chargé d'un ballot contenant six pièces d'indiennes entières tirant en tout 99 cannes 5 pams. Une autre fois, ce sont deux frères qui sont arrêtés à la porte de Canet. L'un d'eux portait sous sa chemise une pièce d'indienne fond bleu à fleurs rouges et vertes tirant quatre cannes et un pan ainsi que d'autres coupons. Les frères Casadavall étaient marchands de Saint Laurent de Cerdans, natifs de Sant-Miquel en Catalogne (18). Au prolongement du Vallespir, la ville d'Olot est l'un des principaux centres de production de la Catalogne au XVIIIe siècle (19).

Pour qui se fait prendre, la répression est sévère : lourdes amendes, peines de prison au Castillet pour un marchand, et enfin brûlement public des étoffes, tels deux tabliers en place de la Loge en 1723 (20).

L'année 1759 (21) voit la fin de la prohibition et l'avènement des productions provençales et montpelliéraines (22). Les cotonnades chatoyantes envahissent la garde robe des Roussillonnaises, comme le montre le portrait de famille du peintre Maurin à la fin du XVIIIeme siècle. A l'extérieur de Perpignan, dans la région de Prades, l'établissement d'une manufacture d'indiennes est même envisagé dans les années 1775 comme utilisation des vastes bâtiments de l'abbaye Saint Michel de Cuixa, «n'y en ayant aucune (fabrique) de cette espèce dans la Province» (23).

Les élites portent haut les nouvelles modes

A la fin du XVIIe siècle, les femmes de qualité revêtent bien souvent des robes de couleur sombre, où souvent le noir prédomine, le décor est constitué par l'usage des broderies.

12. La charité de saint Thomas
anonyme
Eglise St Jacques, ville de Perpignan

Le corps de la robe est souvent qualifié de corps à la catalane peut-être à cause de la forme arrondie montante sur la gorge (portrait de Maria Serre par Rigaud) (24). Cette découpe permet d'ajuster, de manière caractéristique, un fichu de mousseline blanche, sous les bretelles du corps et sur les manches retenues par des rubans. Ainsi, la figure 12 présente à l'arrière-plan une nourrice portant le costume traditionnel des Roussillonnaises de la fin du XVIIe siècle : corps à la catalane caractéristique, avec ajustement du fichu blanc.

13. Ex-voto
Ermitage de Domanova
2eme moitié XVIIe s.

14. Femme de qualité et servantes
fin XVIIe s.
Eglise de Rivesaltes

La fraise est souvent portée par les deux sexes. Elle perdure plus longtemps chez les femmes, alors que pour les hommes elle apparaît démodée et trop hispanique (fig. 14 et 15).

Elle laisse la place dans les dernières années du XVIIe siècle à la cravate en coton et dentelles (25). Les femmes modestes portent la coiffe et la capuche, ainsi que ce qui semble être un manteau court appelé mantelet (fig. 13).

15. Portrait d'un donateur
milieu XVIIe s
Eglise de Pia

16. Portrait de madame de Gazanyola
Antoine Guerra, v. 1700
coll. particulière
Cliché ADPO, service des A.O.A.

Les femmes distinguées sont vite au faîte de la mode, comme le montre le portrait de Madame de Gazanyola (fig. 16), parée d'une coiffe en palissade et vêtue d'une chemise garnie de dentelles sur ajusté d'un corps rigide avec devant d'estomac recouvert d'une broderie de fils d'or, sur lequel est enfilé le manteau de robe de couleur sombre (26).

Au début du XVIIIeme siècle, les habits sont peu à peu allégés des ornements et broderies de fils d'or et d'argent, alors qu'apparaissent les soies brochées et les toiles peintes. Le costume féminin le plus courant est alors composé d'un corps rigide appelé busquière, de jupons superposés, d'un manteau (robe de dessus) à manches trois quarts.

17. La Ménestrale et la Paysanne, gravures de Carrère
in Voyage pittoresque de la France, province de Roussillon, 1787

Les robes à la française, apanage des classes aisées, sont encore qualifiées en 1708 de robes «à la gavache» (27), quand l'une d'elles est prêtée pour habiller la Vierge de la Piétat de l'église La Réal (28) : «On l'a revestue cette année d'un habit à la françoise assez magnifique ; aussi est ce une dame de qualité qui le preste ; il est de damas blanc avec des fleurs d'or au bas de la jupe ; un grand galon d'or et une frange de même, une frange d'or aux manches du manteau, de belles engageantes, la gorge couverte d'une collerette de belles dentelles».

La deuxième moitié du XVIIIe voit l'apparition des robes à l'anglaise et à la polonaise. Les nouveautés importées ou ramenées de la capitale sont autant de modèles ensuite déclinés à Perpignan par les maîtres tailleurs.

En 1787, la diversité des costumes apparaît dans les gravures de l'ouvrage de Carrère (fig. 17). Les costumes populaires se différencient des costumes d'apparat, visibles en particulier devant la façade de l'université. L'abbé Torreilles souligne également la «différence frappante entre les habitudes traditionnelles (de se vêtir) et les nobles (qui) adoptent les modes de France. Les dames ont pris les coiffures à la Pompadour, à la Marie-Antoinette» (29).

18. Madame d'Ortaffa, pastel
par le Comte de Saint Michel
vers 1770 - coll. particulière

19. Anonyme - Portrait de femme
fin du règne de Louis XVI
Mairie d'Arles s/ Tech

Enfin, durant les dernières années du XVIIIe siècle, vont se côtoyer dans les grandes familles trois modes distinctes et différentes : celle des robes à la française ou à la polonaise, le Directoire qui se complait en un raffinement du détail poussé à l'extrême et la mode néoclassique plus stricte et élancée qui connaîtra son apogée sous l'Empire. La taille haute est alors de mise, elle signe son arrêt de mort aux robes à la Française, jugées bien trop fastueuses à la Révolution.

Conclusion

A Perpignan, comme dans tout le Roussillon, la mode française prend le pas sur la mode hispanique dès la fin du XVIIe siècle, l'expansion de l'habillement à la française dépassant le cadre local pour devenir un véritable phénomène européen. Ceci ne s'est pas réalisé en Roussillon à la fois sans arrière-pensées politiques de la part de la monarchie française et d'une grande partie de l'élite locale, ni d'autre part sans quelques réticences culturelles des milieux populaires, de la petite bourgeoisie et du monde paysan qui restent profondément attachés à l'habit catalan, non sans l'adapter aux nouvelles formes en usage chez les personnes aisées. Ce chevauchement des deux influences donne naissance à la fin du XVIIIe siècle à une mode populaire typique telle que la représentent les premières estampes sur le sujet (30).

Ce costume populaire local et particulier s'étend à la fois à la bourgeoisie urbaine et aux paysans aisés, par le phénomène de la simplification des formes après 1770. Mais l'identité du costume roussillonnais ne se réduit pas aux deux symboles majeurs que sont la baratina et la coiffe. Le costume populaire déjà très abouti au XVIIIe siècle trouvera ses manifestations les plus recherchées sous la Restauration, comme le démontrent les nombreuses gravures éditées à cette époque (31). Le costume roussillonnais reste encore à découvrir dans toute sa richesse et toute sa complexité, à commencer par l'étude et la restauration du fonds textile de la Casa Pairal, musée des Arts et Traditions Populaires de Perpignan.

20. Costume roussillonnais
fin XVIIIe s.
Bijoux en serti clos
et or creux estampé
© Fonquernie

En définitive, l'étude des documents d'archives du département des Pyrénées-Orientales, d'une richesse d'information insoupçonnable, permet de percevoir les échanges commerciaux et culturels qui ont contribué à la création des vêtements, mais aussi de comprendre les rouages de la société perpignanaise dans ses modes de vie.

La vêture, loin de toute innocence, est un véritable reflet de la personnalité des Roussillonnais. Au XVIIIe siècle, l'adaptation des costumes s'articule entre tradition hispanique et nouveauté française. Ballottés entre assimilation et accommodation, les Roussillonnais et plus particulièrement les Roussillonnaises, se sont forgé leur propre identité et leur propre costume en prenant le meilleur des deux influences et en les adaptant d'une manière cohérente et heureuse à leurs besoins, leurs codes et leur imaginaire. Véritable réussite, le costume populaire roussillonnais perdurera encore une centaine d'années avant de connaître une disparition rapide sans être totale à l'inverse de celui de nombreuses autres provinces (32). Les vigatanas et les bijoux en grenat sont aujourd'hui les derniers vestiges de la différenciation régionale des habitants du Roussillon et prouvent à eux seuls toute la force encore présente du vêtement traditionnel roussillonnais.

© Laurent Fonquernie


(1) Mille ans de costumes français, Gérard Klopp éditeur, 1991, p.146.

(2) Boucher, (F.), Histoire du costume, p.286.

(3) Pour le XVIIIeme siècle, l'étude des arts décoratifs en Roussillon reste à écrire. Les intérieurs cossus sont alors meublés dans un style local que l'on ne peut plus qualifier de catalan mais de roussillonnais, adaptation locale des styles français, Régence, Louis XV et Louis XVI.

(4) ADPO, 1C1040.

(5) ADPO, 3E4/73, n° 467, inventaire d'un brassier de la paroisse saint Mathieu J.Barrou.

(6) ADPO, 3E16/591, n° 530.

(7) Carrère, Voyage pittoresque, 1787, p.332 et suiv.

(8) Mathé, (E), Droulet, La société arlésienne et le costume au XVIIIeme siècle, p.10. Le docteur Bernard est l'auteur vers 1780 d'un traité intitulé Dégradation de l'espèce humaine par l'usage du corps à baleine.

(9) Voir capuches exposées à la Casa Pairal, Perpignan.

(10) Gravure d'Urabieta d'après un tableau peint à Perpignan vers 1793 et exposé à Paris en 1871, coll. part.

(11) Musée de Carcassonne.

(12) Vers 1800/1810.

(13) ADPO, 2B90, lettre du président De Fontanella à Louis XIV, 1662. Le président de répondre que pour lui c'est déjà le cas.

(14) Ermitage de Domanova, le voyage est fait pour l'année sainte. Ill. dans le catalogue Dévotion populaire, Hospici d'Illa.

(15) 1J467/2, f° 116, registre de César Sonnerat.

(16) Idem, f° 31.

(17) Arrêt prolongé par Louvois, in Façon Arlésienne, étoffes et costumes au XVIIIeme siècle, catalogue d'exposition, 1998, p.112.

(18) ADPO, 1C1040.

(19) Historia politica, societat i cultura dels paisos catalans, 1995, t.5, p.275/279

(20) Expertisés, les tabliers provenaient d'une fabrique genevoise.

(21) Arrêt du 5 sept. 1759, voir Le coton et la mode, 1000 ans d'aventures, Musée Galliéra, Paris, 10 nov.2000/11 mars 2001.

(22) Chante, (A), Les manufactures d'indiennes à Montpellier au XVIIIeme siècle, colloque de Montpellier, 1997, p.143.

(23) Colomer, (C.), Le clergé régulier en Roussillon sous l'Ancien Régime, B.S.A.S.L., CIVe vol., p. 278

(24) Musée du Louvre et gravure de Drevet. Nous voyons aussi deux autres exemples à Domanova.

(25) ADPO, 9Bp243, 1725, cravate conservée dans les minutes d'une enquête.

(26) Coll. part. tableau attribué à l'atelier Guerra.

(27) A la française, expression souvent péjorative.

(28) Colomer, op.cit., p.142.

(29) Torreilles, (abbé J.), La Révolution Française dans les Pyrénées Orientales, tome 1. Encore vers 1900 s'entendait dans les rues d'Ille-sur-Têt d'une femme qui se démarquait par sa coiffure «es cofada a la Maria-Antonia».

(30) Argent, (J.D.), Els habitants de Catalunya Nord a traves de les estampes dels segles XV a XX, assaig d'un cataleg dels gravats, 1980, dact., Médiathèque de Perpignan.

(31) Gravures de Née dans le Carrere, 1787, celle du Voyage dans les départements français, 1790, sans omettre celles plus tardives de Bayot, Recueil des costumes du Roussillon offert à la ville de Perpignan, 1833, chez Vidal lithographe. Se reporter aussi à la note précédente.

(32) Sans oublier les costumes traditionnels qui sont encore portés lors de fêtes ou par des groupes de danses folkloriques, nous parlons ici du vêtement de tous les jours, celui qui se donne à voir dans les rues de la ville aujourd'hui.