Vitruve - L'Architecture (IX, 9)

DE LA CONSTRUCTION ET DE L'USAGE DES HORLOGES (1) ; COMMENT ET PAR QUI ELLES ONT ETE INVENTEES

L'HEMICYCLE, creusé dans un pavé et coupé en sorte qu'il soit incliné comme l'équinoxiale (2), est, à ce que l'on dit, de l'invention de Bérose le Chaldéen. Le navire ou hémisphère (3) est d'Aristarque de Samos, ainsi que le disque (4) posé sur un plan. L'astrologue Eudoxus a trouvé l'araignée (5).

Quelques-uns disent qu'Apollonius a inventé le plinthe ou carreau (6), qui a été posé dans le cirque de Flaminius. Scopas de Syracuse a fait celui que l'on appelle Prostahistoromena (7) ; Parménion, le Prospanclyma ; Théodose et Andréas Patroclès, le Pelecinon (8) ; Dionysiodorus, le Cône, et Apollonius, le Carquois.

Outre tous ces auteurs, d'autres ont encore inventé plusieurs espèces d'horloges, telles que le Gonarque, l'Engonate ; et l'Antiborée (9). Il y en a eu aussi quelques-uns qui ont fait, pour ceux qui voyagent, des cadrans portatifs (10), qu'ils ont décrits dans leurs livres, où chacun peut prendre des modèles pour en faire, pourvu que l'on sache la description de l'Analemme. Les mêmes auteurs ont encore donné la manière de faire des horloges avec l'eau : on en doit la première invention à Ctésibius, natif d'Alexandrie ; il est aussi le premier qui ait découvert la force que le vent a naturellement pour la pneumatique. Je crois que ceux qui cultivent les sciences seront bien aises de savoir comment ces choses ont été trouvées.

Ctésibius, natif d'Alexandrie, était fils d'un barbier : il fut doué d'un esprit inventif et industrieux ; il excellait surtout dans l'art de la mécanique (11), pour laquelle il avait une forte inclination. Un jour, ayant envie de pendre un miroir dans la boutique de son père, en telle sorte qu'on pût aisément le hausser ou le baisser par le moyen d'une corde cachée, voici comment il exécuta cette machine. Il plaça un tuyau de bois sous la poutre où il avait attaché des poulies sur lesquelles la corde passait, et faisait un angle pour descendre dans le bois qu'il avait creusé, afin qu'une boule de plomb y pût couler. Il arriva que cette boule, en allant et venant dans ce canal étroit, fit sortir par la violence de son mouvement l'air enfermé et épaissi par la compression, et le poussant contre l'air du dehors, il résulta de cette rencontre et de ce choc un son assez clair. S'étant donc aperçu que l'air resserré et poussé avec véhémence produisait du vent, et rendait un son semblable à celui de la voix, il fut le premier qui, sur ce principe, inventa les Machines hydrauliques, les Automates qui jouent par l'impulsion des eaux renfermées, les machines qui sont fondées sur la force du cercle ou sur celle du Levier (12), et plusieurs autres belles et agréables inventions, parmi lesquelles on distingue principalement les horloges qui se font par le moyen de l'eau (13).

Pour assurer la réussite de ces machines, il perça une lame d'or ou une pierre précieuse, et il choisit ces matières, parce qu'elles ne sont pas susceptibles d'être usées par le passage continuel de l'eau, ni sujettes à engendrer la rouille qui aurait pu boucher l'ouverture. Cela étant ainsi, l'eau qui coule également par ce petit trou fait élever un morceau de liège, ou un vaisseau renversé que les ouvriers appellent Tympanum (14), sur lequel est ajustée une règle dentelée et des roues qui, l'étant également (15), s'engrènent l'une dans l'autre, et se poussant mutuellement, tournent avec lenteur. On ajoute encore d'autres règles et d'autres roues dentelées de la même manière, qui sont mises en mouvement par le même moyen, et produisent différents effets : les unes font remuer diversement de petites figures à l'entour de quelques pyramides ; d'autres jettent des pierres en forme d'oeufs (16), font sonner des trompettes et font mouvoir divers objets étrangers à l'horloge.

On fait aussi des horloges en marquant sur des colonnes, ou sur des pilastres, les heures qu'une petite figure montre avec une baguette pendant tout le jour, à mesure qu'elle s'élève de bas en haut ; et afin que la grandeur des heures, qui est inégale et qui change tous les mois, et même tous les jours, soit exactement marquée, l'on ajoute ou l'on ôte des coins au moyen desquels on modère ou l'on active le cours de l'eau, que l'on règle ainsi à volonté ; voici comment :

Pour cela on fait deux cônes dont l'un est creux et l'autre solide ; tous deux doivent être arrondis si exactement que, mis l'un dans l'autre, ils se joignent parfaitement ; de sorte que par une même règle (17), qu'on resserre ou qu'on lâche, on peut donner plus ou moins de force au cours de l'eau. Tels sont les moyens que l'on emploie pour faire des horloges d'eau en usage pendant l'hiver (18).

Si l'on trouve que l'indication de l'accroissement ou de l'augmentation des jours ne se peut pas faire commodément par le moyen des coins, parce qu'il y peut arriver plusieurs inconvénients, on pourra faire autrement. On marquera (19) par le moyen de l'analemme (20) sur une petite colonne les différences des heures par des lignes qui traverseront celles qui marquent les mois, et cette colonne, qui sera mobile, tournant incessamment (21), fera que le bout de la baguette de la petite figure, qui en se levant montre les heures, s'adressera sur des heures plus grandes ou plus petites, telles qu'elles sont en chaque mois.

Il se fait encore d'autres horloges d'hiver, que l'on appelle Anaphoriques (22) : on les construit de cette manière : On place les heures sur des filets de cuivre, en suivant l'analemme (23), tout autour d'un centre qui est aussi entouré de cercles disposés selon les mois ; derrière ces filets est une roue sur laquelle le ciel est peint, et le zodiaque avec les douze signes selon leurs espaces inégaux, qui sont définis par des lignes qui partent du centre. Cette roue est attachée par derrière à son essieu, auquel on entortille une petite chaîne de cuivre au bout de laquelle pend d'un côté le liège ou tympan, qui est soutenu sur l'eau, et de l'autre un sac plein de sable du même poids que le liège : cela fait qu'à mesure que l'eau lève le liège, le sac que son poids tire en bas fait tourner l'essieu, et par conséquent la roue ; ce qui est cause que tantôt une plus grande partie du zodiaque (24), tantôt une moindre, marque en passant les différences des heures selon les temps. Car dans le signe de chaque mois on fait justement autant de trous qu'il y a de jours, et dans l'un de ces trous on met comme un clou à tête, qui représenté le soleil et qui marque les heures ; ce clou étant changé d'un trou dans un autre, fait le cours d'un mois : et de même que le soleil, en parcourant les espaces des signes, fait les jours plus grands ou plus petits, ainsi le clou, dans ces horloges, allant de trou en trou par une progression contraire à celle de la roue lorsqu'il est changé tous les jours, passe en certain temps par des espaces plus larges, et en d'autres par de plus étroits, et représente fort bien la longueur différente que les heures et les jours ont en divers mois.

Mais si l'on veut que l'eau tombe dans une proportion convenable pour marquer cette inégalité (25) de jours et d'heures, voici comment il faut s'y prendre : Derrière la plaque qui est au-devant de l'horloge, il faut placer au-dedans un vase qui serve de réservoir, dans lequel l'eau tombe par un tuyau. Ce vase a par le bas un conduit au bout duquel est soudé un tambour de cuivre (26) qui est aussi percé, en sorte que l'eau du château peut couler par ce trou. Ce tambour en enferme un autre plus petit, et l'un et l'autre sont joints ensemble comme un essieu l'est au moyeu d'une roue. Ces deux parties sont appelées mâle et femelle, et sont ajustées d'une manière si précise, que le petit tambour puisse tourner dans le grand d'une manière très précise, de même que fait un robinet, mais fort lentement. Sur le bord du grand tambour et tout à l'entour, on marque 365 points également distants, et l'on attache sur le petit tambour, en un endroit quelconque de sa circonférence, une petite aiguille dont la pointe passe vis-à-vis de chacun des points du grand tambour. De plus, on fait au petit tambour une ouverture tellement ajustée (27), qu'elle ne laisse sortir l'eau que par une mesure proportionnée ; c'est ce qui sert à régler le tout.

Après cela, on marque autour du grand tambour, qui est immobile, les signes du Zodiaque, de sorte que celui de l'Ecrevisse soit au haut, ayant au bas le Capricorne opposé à plomb, à droite les Balances, et à gauche le Bélier, et ainsi des autres signes comme ils sont dans le ciel. Lorsque le soleil est au signe du Capricorne (28), on place la pointe du petit tambour au droit du Capricorne, qui est marqué sur le grand, et ainsi chaque jour on l'adresse à chacun des points de ce signe, De cette façon, il arrive que l'eau, pressant à plomb sur l'ouverture du petit tambour, passe plus vite dans le vaisseau qui la reçoit, lequel étant rempli en moins de temps, accourcit les jours et les heures. Et ensuite, lorsque, continuant à faire tourner le petit tambour (29), on adresse la pointe au droit du Verseau, sa plus grande ouverture, qui n'est plus au droit de la ligne à plomb, étant un peu descendue, ne laisse plus sortir une si grande quantité d'eau ; de sorte que le vaisseau, en recevant moins, rend les heures plus longues. De même, lorsque l'on continue à faire monter la pointe comme par degrés le long des points qui sont au Verseau et aux Poissons, et que l'on est au droit de la huitième partie de l'Ecrevisse, l'ouverture du petit tambour (30), qui par ce moyen poursuit son cours, est encore plus rétrécie, et l'eau, sortant en moindre quantité et plus lentement, rend les heures telles qu'elles sont dans l'Ecrevisse, au solstice d'été. Enfin, descendant de l'Ecrevisse et passant par le Lion et par la Vierge, jusqu'à la huitième partie des Balances, les espaces des heures diminuent par degrés, jusqu'à ce qu'étant au droit des Balances, elles deviennent telles qu'elles doivent être à l'Equinoxe. De même, lorsqu'on fait encore descendre davantage la pointe par le Scorpion et par le Sagittaire, pour parvenir à la huitième partie du Capricorne dont on était premièrement parti, alors, par la grande abondance de l'eau qui sort, les heures reviennent à la petitesse qu'elles ont au solstice d'hiver (31).

J'ai traité le mieux qu'il m'a été possible la manière d'après laquelle on peut construire des horloges, et j'ai tâché d'en faciliter l'usage : il me reste à raisonner sur les machines et sur leurs principes, pour achever le corps entier de l'architecture. C'est ce que je vais faire dans le livre qui suit.


NOTES

(1) Le mot d'horloges en français ne signifie ordinairement que celles qui sont à contre-poids et qui sonnent ; celles qui sont à ressort et portatives s'appellent montres ; celles qui sont pour le soleil s'appellent cadrans. Néanmoins le nom d'horloge peut passer pour général, et je l'ai employé en cette signification, parce qu'il est ici nécessaire pour comprendre les deux espèces de machines à marquer les heures dont il est parlé dans ce chapitre, qui sont les cadrans au soleil et les clepsydres.

(2) Il y a dans le texte ad enclyma succisum. Enclyma signifie inclinaison ou pente. Il y a apparence que le cadran de Bérose était une plinthe inclinée comme l'équinoxiale, et que cette plinthe était coupée en hémicycle ou demi-cercle concavé au bout d'en haut, qui regarde le septentrion, et qu'il y avait un style sortant du milieu de l'hémicycle, dont la pointe répondant au centre de l'hémicycle représentait le centre de la terre, et son ombre tombant sur la concavité de l'hémicycle, qui représentait l'espace qu'il y a d'un tropique à un autre, marquait non seulement les déclinaisons du soleil, c'est-à-dire les jours du mois, mais aussi les heures de chaque jour. Car cela se pouvait faire en divisant la ligne de chaque jour en douze parties égales, ce qui se doit entendre des jours qui sont depuis l'équinoxe d'automne jusqu'à celui du printemps, étant nécessaire d'augmenter l'hémicycle au droit des autres jours qui ont plus de douze heures équinoxiales.

(3) Les deux mots scaphe et hemisphaerium dont Vitruve se sert pour expliquer le cadran d'Aristarchus sont, à mon avis, joints ensemble pour faire entendre que l'hémisphère était sphérique concave, et non point, comme quelques interprètes veulent, pour signifier que ce cadran était en ovale. Martianus Capella dit que les cadrans appelés scaphia étaient creusés en rond, ayant un style élevé au milieu ; et il y a raison de croire que l'extrémité du style répondant au centre de l'hémisphère concave faisait dans ce cadran le même effet que dans l'hémicycle.

(4) Discos en grec signifie un corps rond et plat. Mon opinion est que le disque d'Aristarque était un cadran horizontal, dont les bords étaient un peu relevés pour remédier à l'inconvénient qui a été ci-devant remarqué dans les cadrans dont le style est droit et élevé perpendiculairement sur l'horizon, car ces bords ainsi relevés empêchent que les courbes ne s'étendent trop loin.

(5) Si cette araignée est celle qui est aux astrolabes, ainsi qu'il y a grande apparence, elle est décrite ci-après dans ce même chapitre sous le nom d'horloge anaphorique.

(6) Je corrige cet endroit suivant le conseil de Baldus, qui veut qu'on lise plinthum sin laterem, au lieu de plinthum sive lacunar ; car plinthus en grec et later en latin signifient la même chose, savoir une brique ou carreau, et lacunar signifie une chose dont la figure est tout à fait contraire à celle d'une brique ; lacunar était une chose creuse, et plinthus et later une chose pleine et relevée.

(7) Les interprètes ont des opinions différentes sur l'explication de ce cadran : Baldus croit qu'il est opposé à celui qui est appelé prospanclyma, c'est-à-dire qui peut servir à tous les climats de la terre, au lieu que celui-ci n'est que pour les lieux dont les historiens et les géographes ont parlé. Cisaranus croit que ce nom lui a été donné parce que les figures des signes y étaient peintes, suivant ce qui est rapporté dans les fables ; mais cela n'est point de l'essence du cadran.

(8) Les cadrans faits en hache sont probablement les cadrans ou les lignes transversales, qui, marquant les signes et les mois, sont serrés vers le milieu et élargis vers les côtés ; ce qui leur donne la forme d'une hache à deux côtés, qui est notre hallebarde. Les cadrans en cône et en carquois sont apparemment les verticaux qui regardent l'orient et l'occident, qui, étant longs et situés obliquement, représentent un carquois.

(9) On ne trouve point ces mots dans les autres auteurs ni grecs, ni latins. Le gonarque et l'engonate semblent être dérivés du grec et signifier des cadrans faits sur des superficies différentes, dont les unes étant horizontales, les autres verticales, les autres obliques, font plusieurs angles, ce qui fait appeler ces cadrans angulaires et pliés à cause que gony signifie un angle et un genou. Pour ce qui est de l'antiborée, Baldus dit que c'est un cadran équinoxial tourné vers le septentrion ; mais la vérité est qu'un cadran équinoxial a deux parties, l'une tournée vers le septentrion pour le printemps et pour l'été, l'autre vers le midi pour l'automne et pour l'hiver.

(10) J'interprète ainsi pensilia, quoique horologium pensile ne contienne pas toutes les significations que peut avoir horloge portative, parce qu'il y a des cadrans portatifs dont on ne se sert point en les tenant pendus, mais parce que la plupart de nos cadrans portatifs sont faits avec des aiguilles aimantées, dont les anciens n'avaient point l'usage : il y a apparence qu'ils n'avaient point d'autres cadrans portatifs que ceux dont on se sert en les retenant pendus, tels que sont les cylindres et les anneaux astronomiques. Je n'ai point voulu m'étendre à expliquer plus au long la manière de faire les cadrans au soleil : il faudrait un traité exprès pour cela ; je me contenterai d'en décrire seulement un qui est de mon invention, parce qu'il est nouveau et fort commode, étant portatif, universel et sans aiguille aimantée. (Voir les figures 6 et 7)

C'est une espèce d'Anneau astronomique. Il est composé d'une boîte, d'un style qui la traverse et d'un cercle qui la suspend. La boîte a la forme d'un globe céleste, dont on a coupé de chaque côté tout ce qu'il y a depuis le plan des tropiques jusqu'aux pôles ; ce qui fait que cette boîte a deux faces planes et parallèles. Sur l'une de ces faces est le cadran pour les heures, sur l'autre, il y a un calendrier où sont marqués les jours des signes et des mois. Le style qui traverse la boîte, et qui représente l'axe du monde, est mobile, afin que sa pointe, dont l'ombre doit marquer les heures, se puisse lever ou abaisser sur le plan du cadran des heures, selon les différentes hauteurs que le soleil a tous les jours à midi. Cela se fait en adressant le degré du signe qui est marqué dans le calendrier, au droit d'un index qui est en travers sur le calendrier, et qui est immobile, étant attaché aux bords de la boite et le calendrier étant marqué sur une plaque ronde et mobile ; car cette plaque ayant un cercle par derrière et en dedans de la boîte qui est coupée, en sorte qu'il a une épaisseur différente selon les hauteurs que le soleil a chaque jour, il arrive qu'à mesure que Fou tourne la plaque du calendrier, ce cercle fait lever ou baisser le style, parce que le style a une branche en équerre qui appuie sur le cercle, y étant poussée par un ressort. Le cercle qui suspend la boîte représente le méridien, et son quart est divisé en quatre-vingt-dix degrés. La boite a deux mouvements dans ce cercle : l'un est pour l'y faire tourner lorsque l'on veut incliner le cadran selon l'élévation du pôle ; l'autre est pour faire que le cercle et la boîte soient en un mène point, lorsqu'on veut mettre la machine dans son étui.

Pour voir l'heure qu'il est, il faut mettre le cercle méridien en l'état qu'il est dans la figure et sur le degré de la latitude du lieu, ce qui se fait en adressant la ligne équinoxiale au degré de l'élévation du pôle,en commençant à compter depuis le zénith, qui est l'endroit par lequel le cadran est pendu ; ensuite, après avoir mis le degré du signe au droit de l'index, il faut tourner la machine jusqu'à ce que l'ombre du style frappe le limbe de la boîte. Car cela étant, le cercle sera dans le méridien du lieu, et l'ombre sera sur l'heure. Mais il faut à chaque semestre changer la face où est le cadran, la tenant tournée en haut et vers le septentrion depuis l'équinoxe du printemps jusqu'à celui de l'automne, et la tournant en bas et vers le midi pendant l'autre semestre.

A, A est la face de la boîte sur laquelle les heures sont marquées. Les heures sont dans deux cercles : les unes sont pour l'hiver, et les autres pour l'été ; B, C est l'autre face de la boîte, qui a en dehors le calendrier gravé et en dedans le cercle D, D dans la partie la plus haute, H fait allonger le style aux solstices, et la plus basse, N, le fait baisser aux équinoxes ; E, H est la branche qui fait une équerre avec le style C,C, sur laquelle un ressort presse et la fait baisser lorsqu'en tournant la plaque du calendrier, on fait approcher la partie C vers la branche. Les deux faces de la boîte sont ici représentées séparées de la boîte, qui est entière dans la figure qui représente la machine montée.

(11) Le mot de mécanique, qui est fort usité en français, contient, ce me semble, la véritable signification de ces mots rebus artificiosis qui sont dans le texte, et j'ai cru que aux choses artificielles aurait été trop vague.

(12) Il est parlé amplement de ces deux principes de mécanique au neuvième chapitre du dixième livre.

(13) Il y a sujet de s'étonner que Vitruve, qui affecte tant d'apporter des noms grecs pour signifier des choses qui en ont de latins, emploie ici une circonlocution latine, au lieu de se servir du mot grec clepsydre, dont l'usage était fort commun parmi les Romains. Ces horloges, dont il y avait plusieurs espèces, ainsi qu'il se voit en ce chapitre, avaient toutes cela de commun, que l'eau tombait insensiblement par un petit trou d'un vaisseau dans un autre, dans lequel, en s'élevant peu à peu, elle élevait un morceau de liège qui faisait connaître les heures en différentes manières. Elles étaient aussi toutes sujettes à deux inconvénients : le premier, qui est remarqué par Plutarque, est que l'eau s'écoulait avec plus ou moins de difficulté, selon que l'air était plus ou moins épais, ou plus froid ou plus chaud, car cela empêchait que les heures fussent justes ; l'autre est que l'eau s'écoulait plus promptement au commencement, lorsque le vaisseau d'où l'eau tombait était plein, que vers la fin, à cause que la pesanteur de l'eau était plus grande au commencement qu'à la fin ; et c'est pour remédier à cet inconvénient qu'Oronce a inventé sa clepsydre, qui est un petit navire qui nage sur l'eau, et qui se vide par un siphon qui est au milieu du navire ; car le navire se baisse à mesure que l'eau est vidée par le siphon, qui la fait toujours sortir d'une même force, parce qu'il prend toujours l'eau proche de la superficie. Nous avons substitué aux clepsydres des anciens nos horloges de sable.

(14) J'ai interprété scaphium un vaisseau, et il y a apparence que celui dont on se servait aux clepsydres était fait pour renfermer de l'air, étant renversé sur l'eau, afin que cet air le soutînt ; ce qui faisait le même effet que le liège, qui par sa légèreté nage aisément sur l'eau ; mais je crois qu'il y a faute au texte, et qu'au lieu de aqua sublevat scaphium inversum quod ab artificibus phellos sive tympanum dicitur, il faut lire aqua sublevat phellon aut scaphium inversum quod ab artificibus tympanum dicitur ; n'y ayant point d'apparence qu'un vaisseau renversé puisse être appelé un liège, mais bien un tambour ; parce que le vaisseau renversé et le tambour nagent sur l'eau par une même raison, qui est celle de leur figure, capable d'enfermer beaucoup d'air qui les soulève ; mais ce qui fait nager le liège est seulement la légèreté de sa matière.

(15) Cette machine n'est point représentée dans nos figures des clepsydres, parce qu'elle n'a pas besoin de figure pour être entendue. Ceux qui ont vu la machine appelée cric, qui est assez commune, n'auront point de peine à comprendre qu'y ayant une règle dentelée posée sur le liège ou phellos, il faut que l'eau qui fait monter le phellos fasse aussi monter la règle, et que cette règle poussant les dents d'une roue dans lesquelles les siennes sont engagées, fasse tourner la roue, n'y ayant point d'autre différence entre cette clepsydre et le cric, sinon qu'au cric le pignon, qui est une espèce de roue, fait aller la règle, et dans le clepsydre, la règle fait aller la roue ; ce qui ne change point la nature de la machine.

(16) Presque tous les exemplaires ont tona au lieu d'ova, que Cisaranus a corrigé et Barbaro après lui. On peut douter si ces pierres que ces horloges jettent ne sont point pour marquer les heures en tombant dans un bassin d'airain, et si elles ne tiennent pas lieu de la sonnerie de nos horloges. Ce que Vitruve dit au chapitre XIV du Xe livre, des machines que les anciens faisaient pour mesurer le chemin que l'on faisait en carrosse, donne lieu à cette pensée.

(17) Cette règle est appelée coin ; un peu plus haut elle est représentée dans la première figure de la planche LXXX par la lettre C, étant plus étroite à un bout qu'à l'autre, afin que, poussée ou tirée, elle fasse hausser ou baisser le cône solide qui est au bout d'une autre règle à travers laquelle elle passe. Elle a aussi des degrés marqués à un de ses bouts, qui font voir combien il faut pousser ou tirer la règle chaque jour.

(18) Les clepsydres étaient les horloges d'hiver, à cause que les cadrans au soleil ne sont point d'usage en cette saison. Outre les horloges d'hiver, qui sont les clepsydres, et celles de l'été, qui sont les cadrans au soleil, les anciens en avaient une troisième espèce, que l'on appelait des horloges de nuit. Il en est parlé dans le XIVe chapitre du Xe livre. Mais il faut remarquer que les horloges des anciens étaient bien plus difficiles que les nôtres, où les heures sont toujours égales ; car les heures changeaient tous les jours parmi eux, parce qu'ils partageaient toujours le jour, c'est-à-dire le temps qu'il y a depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, et la nuit de même en douze heures égales. Il faut encore remarquer qu'ils se servaient de deux moyens pour faire marquer à leurs clepsydres ces heures différentes. Le premier était de changer de cadran tous les jours et faire par ce moyen que, bien que le mouvement de l'index fût toujours égal, les heures ne laissassent pas d'être inégales, leurs espaces étant tantôt plus grands, tantôt plus petits. Vitruve apporte deux exemples de cette sorte de clepsydre, savoir : la clepsydre de Ctésibius, qui est représentée dans la planche LXXIX, et la clepsydre anaphorique, qui est représentée par la seconde figure de la planche LXXX.

La seconde espèce de clepsydre était celle où, sans changer de cadran, les heures étaient tantôt grandes, tantôt petites, par l'inégalité du mouvement de l'index, qui dépendait du tempérament que l'on donnait à l'eau, pour parler comme Vitruve. Ce tempérament se faisait en agrandissant ou rapetissant le trou par lequel l'eau sortait, car cela faisait qu'aux longs jours, où les heures étaient plus grandes, le trou était rapetissé ; il tombait peu d'eau en beaucoup de temps, ce qui faisait que l'eau montait lentement et faisait descendre lentement le contre-poids qui faisait tourner le point auquel l'index était attaché. Vitruve donne aussi deux exemples de cette espèce de clepsydre, savoir : la clepsydre des deux cônes, qui est représentée par la première figure de la planche LXXX, et la clepsydre à deux tympans, qui est la troisième figure de la même planche.

(19)

La figure 8 explique assez clairement cette machine, qui est fort ingénieuse, et qui fait une chose assez difficile, qui est de marquer des heures différentes chaque jour, par la progression d'un mouvement qui est égal tous les jours, tel qu'est celui de l'eau qui tombe toujours également. Or, cela se fait par le tournoiement d'une colonne sur laquelle les heures sont marquées ; en sorte qu'elles font rencontrer tous les jours des heures diversement disposées, et les présentent à un index qui est la baguette que la figure d'un enfant tient ; et cette figure étant soulevée par l'eau, monte insensiblement depuis le bas de la colonne jusqu'au haut dans l'espace d'un jour et d'une nuit. Pour cet effet, la circonférence de la colonne est partagée de haut en bas en douze parties égales, qui sont pour les douze mois; la ligne A, B, et la ligne C, D, qui sont pour les jours des équinoxes, sont partagées en vingt-quatre parties égales pour les heures équinoxiales, dont on prend le nombre des heures que le plus grand jour a au lieu où le cadran doit être posé. Par exemple, pour Paris, on prend environ seize heures équinoxiales depuis A jusqu'à R, et suivant cette mesure, on partage les jours des solstices G, H et E, F en deux parties inégales, et on donne l'espace de seize heures équinoxiales I, H au jour du solstice d'été, et celui des huit autres heures I, G à la nuit ; et tout de même on donne l'espace des huit heures équinoxiales S, F au jour du solstice d'hiver E, F, et l'espace des seize heures E, S à la nuit. Cela étant fait, on partage tous ces jours et toutes ces nuits chacun en douze parties égales, et par ces divisions on tire des lignes qui règlent toutes les heures et dans tous les jours.

(20) Il faut chercher par l'analemme combien le plus long jour a d'heures équinoxiales au pays où cette clepsydre doit servir, ainsi qu'il a été dit.

(21) On a suppléé dans la figure ce qui manque au texte de Vitruve, qui est la manière de faire tourner incessamment la colonne. Mais il faut remarquer que l'incessamment ne doit pas être entendu à la lettre, parce que la colonne ne tourne pas incessamment comme la baguette monte incessamment ; mais incessamment signifie tous les jours, ainsi qu'il est expliqué dans la figure.

(22) Ce mot grec signifie une chose qui s'élève et qui monte en haut. II semble que ce nom devrait mieux convenir à l'horloge dont il vient d'être fait mention, dans laquelle une figure s'élève insensiblement pour marquer les heures. Baldus croit qu'elle est ainsi appelée à cause des signes qui y sont représentés, qui s'élèvent incessamment sur un horizon les uns après les autres. Et en effet cette horloge, ainsi qu'elle est décrite, est semblable à l'aragne d'un astrolabe, sur laquelle le zodiaque est représenté avec les signes par un cercle excentrique à la circonférence de la roue qui représente l'aragne. Cette roue est marquée B, C, E, dans la deuxième figure de la planche LXXX, où le zodiaque est un cercle ponctué, marqué E, C où il y a une tête de clou marquée C qui représente le soleil. Cette roue est mobile, de même que l'aragne de l'astrolabe ; mais elle est sous les filets en cuivre qui sont immobiles et qui représentent la table ou tympan qui dans l'astrolabe est sous l'aragne.

(23)

L'Analemme (figure 9). C'est-à-dire suivant la latitude ou l'élévation du pôle du lieu où cette clepsydre doit servir et qui se prend par le moyen de l'Analemme ; car cette disposition de filets de cuivre, qui est dite devoir être faite selon la description de l'Analemme, est différente selon l'élévation du pôle qui détermine l'horizon, qui est la ligne C, S, I, par le moyen de laquelle toutes les autres qui marquent les heures sont réglées. Car cette ligne coupant le tropique du Cancer, qui est R, S, T, Q, et l'équinoxial D, O, B, H, et le tropique du Capricorne G, F, E, A, laisse douze heures au-dessus pour le jour et autant au-dessous pour la nuit.

(24) Le zodiaque, ainsi qu'il a été dit, est divisé en parties inégales dans l'astrolabe et dans les cadrans anaphoriques ; mais ce que Vitruve veut dire ici est, à mon avis, que selon que le soleil est en différents endroits du zodiaque, il fait les heures différentes ; car lorsqu'il est au tropique du Cancer et qu'il décrit le cercle Q, R, S, T, les douze heures du jour, qui sont dans la portion du cercle R, Q, T, sont fort grandes et celles de la nuit fort petites, savoir, celles qui sont dans la portion R, S, T. De même, lorsqu'il est au Capricorne et qu'il décrit le cercle A, C, G, F, E, I, les douze heures du jour qui sont dans la portion C, A, I sont fort petites, et celles de la nuit sont fort grandes, savoir, celles qui sont dans la portion C, F, I, et lorsqu'il est dans l'équinoxe, et qu'il décrit le cercle D, O, B, H, les heures du jour et celles de la nuit sont égales.

La structure de cette horloge anaphorique est représentée dans la planche LXXX, figure 2, et elle est telle que selon que le soleil marqué G est différemment placé dans la ligne écliptique du zodiaque qui est ponctué, il décrit ou le cercle équinoxial ou ceux des tropiques, ou tous ceux qui peuvent être faits entre ces trois cercles pour tous les mois et pour tous les jours de l'année, et en décrivant ces cercles, il passe au droit des filets de cuivre, disposés selon l'Analemme, ainsi qu'il a été dit, et y marque les heures. Car il faut entendre que la roue B, E, G, est tournée par le moyen du sac D, qui fait tourner l'essieu G auquel la roue est attachée, et que le volet A, qui est percé en rond, et rempli en cet endroit des filets de cuivre, et qui est représenté ouvert dans la figure, doit être fermé sur la roue B, E, G. Il faut encore entendre que les heures soient écrites au droit des filets de cuivre, et autour du rond qui est percé au volet A, et qu'elles sont écrites de l'autre côté, qui est le seul qui soit visible quand il est fermé.

(25) Ces mots ne sont point dans le texte expressément, mais j'ai cru qu'ils étaient en puissance dans ces mots ad rationem, car le sens est que l'on peut faire que les heures inégales soient marquées par l'inégalité du cours de l'eau, de même que la différente disposition du clou produit cet effet dans l'horloge anaphorique, ou par la différente situation de la colonne dans l'horloge où les heures sont indiquées par le bout d'une baguette.

(26) Le mot de tympanum signifie beaucoup de choses différentes, car c'est quelquefois le devant d'un fronton, quelquefois une roue d'horloge, quelquefois une roue creuse qui sert à élever l'eau ; ci-devant, dans les clepsydres de Ctésibius, c'est un vase renversé qui nage sur l'eau. Ici c'est un cercle de cuivre semblable à un tambour de Biscaye, et ce tambour est de deux espèces, l'un plus grand, que l'on nomme femelle, marqué M dans la troisième figure de la planche LXXX ; l'autre plus petit, qui s'emboîte dans le grand et qui est appelé mâle, il est marqué L, D, 0.

(27)

L'ajustement de cette ouverture est que le petit tympan, qui entre dans le grand comme la clef d'un robinet, a tout à l'entour une rainure qui est inégale, étant large vers E, F, ou vers M, et étroite vers G,H ou vers N. Au-dedans de cette rainure, il y a des trous, A ,B,D,C, par lesquels l'eau qui est dans la rainure entre dans le tuyau I. La manière dont cela se fait est que le grand tympan, en fermant le petit de même qu'un robinet enferme sa clef, il fait que cette rainure du petit devient un canal fermé tout à l'entour, dans lequel l'eau entre par le trou L, qui est au grand tympan, et que l'eau qui vient du tuyau K, et qui passe parle trou L, se répand dans tout le canal de la rainure, et entre par les trous A, B, D, C dans le tuyau I, et tombe dans le réceptacle qui contient l'eau sur laquelle le liège nage ; car il arrive qu'à mesure que l'on tourne le petit tympan, la rainure, qui est au droit où elle est le plus large, laissant l'ouverture du trou toute libre et donnant passage à beaucoup d'eau, n'en laisse plus passer que fort peu, lorsqu'en tournant le petit tympan, la rainure devient plus étroite, et bouchant une grande partie du trou, comme en N, ne laisse sortir qu'une petite quantité d'eau. Cela étant, il tombe en vingt-quatre heures, soit que le jour soit plus grand, soit qu'il soit plus petit, une même quantité d'eau qui fait élever le liège toujours à la même hauteur quand le jour finit, et par conséquent fait faire à l'aiguille deux tours entiers de cadran, qui sont de douze heures chacun ; mais cette quantité d'eau est longtemps à tomber aux grands jours, et elle tombe plus promptement aux courts, à cause que par le moyen de l'index C, de la figure 3 de la planche LXXX, que l'on met chaque jour sur le degré du signe, on fait que la partie la plus large de la rainure se rencontre au droit du trou du tuyau K, aux courts jours, comme on voit en M, et que la partie étroite s'y rencontre aux longs jours, ainsi que l'on voit en N ; et ainsi de même, à proportion que les jours croissent ou diminuent, la rainure, qui va en croissant ou en diminuant, laisse passer plus ou moins d'eau, et rend les jours différents, selon la grandeur ou la petitesse qu'elle a.

(28) Tous les exemplaires ont constamment cette période : Cum sol fuerit in Capricorni orbiculo, lingulo in majoris tympani parte et Capricorni, quotidie singula puncta tangens, ad perpendiculum habet aquae currentis vehemens pondus, celeriter per orbiculi foramen id extradit ad vas, etc. ; mais parce qu'elle n'a point de sens, et que l'on peut lui en donner eu changeant peu de chose, j'ai interprété comme s'il y avait : Cum sol fuerit in Capricorne, orbiculi (hoc est minoris tympani) lingula in majoris tympani parte, qua est capricorni, quotidie singula puncta tangens, ad perpendiculum habet aquae currentis vehemens pondus et celeriter per orbiculi foramen id, (hoc est aquae vehemens pondus, au nominatif) extrudit ad vas, etc.

(29) Il a fallu se servir de cette périphrase pour expliquer orbiculi foramen aquae temperatae salienti praestat aequinoxiales horas : car cela signifie que la grande ouverture de la rainure du petit tambour, telle qu'elle est au droit de M, n'étant plus au droit du trou L, qui apporte l'eau ; mais y en ayant une plus petite, comme au droit de N, il est vrai de dire que l'impétuosité de l'eau qui vient par le grand tambour est tempérée et arrêtée par le resserrement de la rainure du petit tambour.

(30) J'ai suivi la correction de Barbaro, qui met minoris tympani, au lieu de majoris, et descendit tum foramen a perpendiculo, au lieu de cuncta descendunt foramnia perpendiculo.

(31) Il manque à cette horloge de montrer les heures de la nuit ; ce qui est aisé à suppléer en mettant au petit tambour, à l'opposite de la pointe qui se doit adresser aux droits des points des signes, et qui est marquée C à la 3me figure de la planche LXXX, une autre pointe, qui sera pour la nuit et qui est marquée O. Car, par ce moyen, quand les heures du jour seront grandes, celles de la nuit seront courtes, et ainsi toujours de même au contraire.


Références bibliographiques

Les dix livres d'Architecture de Vitruve
avec les notes de Perrault (nouvelle édition revue et corrigée, et augmentée d'un grand nombre de planches et de notes importantes)
par E. Tardieu et A. Coussin fils, architectes
Paris, A. Morel et Cie éditeurs (1859)