(Thiasos). Thiase. Cortège de Dionysos. - On a déjà traité dans les articles Bacchus, Maenades, Pan et Satyri, des personnages qui constituent la plus grande collectivité mythologique de l'antiquité. A cette occasion, on a passé en revue les représentations qui offrent l'image de Bacchus au milieu des figures très variées de son choeur ; on a aussi mentionné les noms qui leur sont donnés individuellement et qui ont été réunis par Heydemann dans une monographie. Nous ne reprendrons pas l'énumération de ces bacchanales et nous contenterons de signaler les peintures murales fort importantes exhumées récemment dans une villa suburbaine de Pompéi, et figurant des scènes d'initiation aux mystères dionysiaques, en présence de Dionysos et de son nombreux cortège.

Outre le thiase bachique, la mythologie connaît d'autres cortèges consacrés à des divinités. Artémis est escortée de ses Nymphes, Poséidon règne sur un peuple marin et Aphrodite sur l'essaim folâtre des Eros ; enfin, Apollon est le dieu Musagète. Nous renvoyons le lecteur aux articles spéciaux où il a été traité des Nymphae, des Musae, et nous nous bornerons à quelques réflexions sur les thiases de Poséidon et d'Aphrodite qui ont une importance particulière.

Le thiase de la mer, composé des Tritons [Triton], des Néréides [Nereides], dont Thétis est la plus célèbre [Thetis], forme autour de Poséidon un véritable choeur qui rappelle par sa pétulance l'essaim licencieux des Satyres et des Ménades. Ce peuple marin vit au milieu des dauphins bondissants : il est porté sur les flots par des montures fantastiques et se plaît aux longs accents de la conque sonore ; ne personnifie-t-il pas avec grâce la perpétuelle agitation des vagues et la voix des flots ? Les Tritons, les Néréides et les divers monstres marins gardent le mystérieux palais de Poséidon et d'Amphitrite. Les figures si animées de ce cortège facilitent la décovation de vastes surfaces et relèvent du répertoire des mosaïstes. Les sculpteurs les adoptaient aussi. On voyait à Rome, dans le temple de Neptune élevé par Cn. Domitius, en 35 av. J.-C., un groupe de démons marins, oeuvre de Scopas.

Une belle frise sculptée de la Glyptothèque de Munich représente le cortège nuptial de Poséidon et d'Amphitrite. Le couple divin est au centre, assis sur un char que traînent deux jeunes Tritons ; derrière, trois Néréides, balancées par les flots, et un Triton ; au-devant des époux s'avancent Doris qui tient des torches nuptiales et une Néréide chargée d'un coffret ; enfin, deux autres Néréides et un Triton complètent la brillante composition. De petits amours guident les montures des Néréides. Ils sont échappés au cortège de l'Aphrodite marine, car cette déesse, aimant la pompe et le brillant appareil, réunit autour d'elle la bande des Eros aux personnages du thiase de la mer.

Un groupe de terre cuite de l'ancienne collection Albert Barre montrait Aphrodite Anadyomène à la coquille, au milieu d'un essaim de petits Amours. «Ailés, drapés, nus, couronnés de fleurs, coiffés de chapeaux plats, la tête encapuchonnée, la figure grave ou souriante, ces enfants de Vénus se livrent à toutes sortes de jeux ou d'occupations sérieuses. Ils jouent à la balle, ils font de la musique, ils portent des objets de toilette, soit un miroir, soit une corbeille à ouvrage ou une paire de brodequins». La même fantaisie anime les nombreux Amours chasseurs, vendangeurs, orfèvres, foulons, etc., de la maison des Vettii à Pompéi ; des Psychés font aussi cortège à la Vénus terrestre [Psyché]. A Pompéi encore, on vient de découvrir une fresque représentant Vénus entourée d'Eros volant, debout sur un char traîné par un curieux attelage de quatre éléphants, motif paraissant emprunté à certains bas-reliefs qui figurent le cortège triomphal du Bacchus vainqueur des Indes.

Dans des représentations plus anciennes, des Nymphes aux noms charmants entourent Aphrodite et offrent autant d'images où s'incorporent la beauté et la grâce. On voit sur une hydrie à figures rouges le gracieux motif du char d'Aphrodite, traîné par Pothos et Himéros. Les Nymphes sont placées symétriquement à droite et à gauche ; l'une des Heures, êros ôra, les accompagne. Une deuxième hydrie, qui servait de pendant à la première, représente les amours d'Aphrodite et d'Adonis, au sein d'un nombreux thiase dont les personnages sont groupés autour d'eux dans les attitudes les plus gracieuses.

Nous ferons observer, pour terminer, qu'une confusion tend à s'établir, à partir de la fin du Ve siècle, entre le cortège de Dionysos et celui d'Aphrodite ; plusieurs monuments offrent des représentations où le mélange des deux cycles apparaît clairement, par exemple dans une jolie peinture de vase qui montre deux déesses, sans doute Aphrodite et Peitho, debout sur un char attelé de deux Eros, et entourées d'un thiase nombreux où les personnages bachiques se mêlent aux Nymphes et aux compagnes ordinaires de la déesse.

Une idée analogue a inspiré le groupe de marbre, trouvé à Délos, qui représente Aphrodite lutinée par Pan. D'autres images nous font comprendre qu'une confusion du même genre introduisit les personnages du thiase bachique dans le cycle de Poséidon, lequel accueillait aussi, nous l'avons vu, les suivants d'Aphrodite. Ce libre échange donnait plus de fantaisie aux artistes dans la représentation des grandes collectivités mythologiques.


Article de Georges Nicole