[Relations entre Brutus et Cassius]

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XXXIII. Cassius désirait de rendre à Brutus autant d'honneur qu'il en recevait de lui ; mais Brutus, par égard pour son âge et pour la faiblesse de son tempérament, qui ne pouvait pas soutenir la fatigue, le prévenait presque toujours, et allait le plus souvent chez lui. Cassius avait la réputation d'être un grand homme de guerre : mais il était violent, et ne savait gouverner que par la crainte ; avec ses amis il aimait à railler, et se livrait trop à la plaisanterie. Brutus, aimé du peuple pour sa vertu, chéri de ses amis, admiré de tous les gens honnêtes, n'était pas même haï de ses ennemis. Il devait cette affection générale à son extrême douceur, à une élévation d'esprit peu commune, à une fermeté d'âme qui le rendait supérieur à la colère, à l'avarice et à la volupté. Toujours droit dans ses jugements, inflexible dans son attachement à tout ce qui était juste et honnête, il se concilia surtout la bienveillance et l'estime publique, par la confiance qu'on avait dans la pureté de ses vues. On n'espérait pas que le grand Pompée lui-même, s'il eût vaincu César, eût soumis sa puissance aux lois ; on croyait au contraire qu'il serait toujours resté maître de la république, sous le nom de consul, de dictateur, ou de quelque autre magistrature plus douce, pour consoler le peuple de la perte de sa liberté. Pour Cassius, dont on connaissait l'emportement et la colère, que l'intérêt entraînait souvent hors des voies de la justice, on était persuadé que s'il faisait la guerre, s'il courait de pays en pays, s'il s'exposait à tous les dangers, c'était bien moins pour rendre la liberté à ses concitoyens, que pour s'assurer à lui-même une grande autorité.

XXXIV. Dans des temps antérieurs à celui dont nous parlons, les Cinna, les Marius, les Carbon, qui regardaient leur patrie comme le prix ou plutôt comme la proie du vainqueur, avouaient franchement qu'ils n'avaient combattu que pour la réduire en servitude : mais Brutus n'entendit jamais ses ennemis même lui reprocher ses vues tyranniques ; et Antoine dit un jour devant plusieurs témoins, que Brutus était le seul qui en conspirant contre César n'eût été conduit que par la grandeur et la beauté de l'entreprise ; mais que tous les autres y avaient été poussés par la haine et l'envie qu'ils portaient à César. Aussi les lettres de Brutus prouvent-elles évidemment qu'il mettait bien moins sa confiance dans ses troupes que dans sa vertu. A la veille même du danger, il écrivait à Atticus que ses affaires étaient au point de fortune le plus brillant : «Car, ajouta-t-il, ou ma victoire rendra la liberté aux Romains, ou ma mort me délivrera de la servitude. Tout le reste est pour nous dans un état ferme et assuré ; une seule chose est encore incertaine, c'est si nous vivrons ou si nous mourrons libres. Antoine porte la juste peine de sa folie, lui qui, pouvant se mettre au nombre des Brutus, des Cassius et des Caton, aime mieux n'être que le second d'Octave : et s'il n'est pas vaincu avec lui dans le combat qui va se donner, il sera bientôt en guerre contre lui». Le temps prouva que c'était une prédiction de ce qui devait arriver un jour.

XXXV. Pendant qu'ils étaient à Smyrne, Brutus pria Cassius de lui donner une partie des grandes sommes qu'il avait amassées : il donnait pour motifs de cette demande que l'argent qu'il avait eu de son côté, avait été employé à l'équipement de cette flotte nombreuse, qui les rendait maîtres de toute la mer Méditerranée. Les amis de Cassius l'en détournaient. «Il n'est pas juste, lui disaient-ils, que ce que vous avez conservé de vos épargnes, ce que vous avez levé sur les peuples en vous attirant leur haine, Brutus l'emploie à s'attacher le peuple et à faire des largesses aux soldats». Cependant il lui donna le tiers de tout ce qu'il avait amassé ; après quoi ils se séparèrent pour aller, chacun de son côté, exécuter les entreprises dont ils s'étaient chargés. Cassius prit la ville de Rhodes, et n'usa pas avec douceur de sa victoire, quoique les habitants, lorsqu'il entra dans la ville, l'appelassent leur maître et leur roi. «Je ne suis, leur dit-il, ni maître ni roi ; je suis le meurtrier de celui qui voulait être notre maître et notre roi, et que j'ai puni de son ambition». Brutus demanda aux Lyciens de l'argent et des hommes ; mais Naucratès, un de leurs orateurs, ayant persuadé aux villes de se révolter et de s'emparer des hauteurs voisines pour fermer le passage aux Romains, Brutus envoya contre eux sa cavalerie, qui les surprit pendant leur dîner, et en passa six cents au fil de l'épée ; il se rendit ensuite maître de plusieurs forts et de plusieurs petites villes, et renvoya sans rançon tous les prisonniers, espérant gagner par là l'affection de ce peuple : mais c'étaient des gens opiniâtres, qui, aigris par le dégât qu'on faisait dans leurs terres, ne tenaient aucun compte de ces marques d'humanité. Brutus alla donc mettre le siège devant Xanthe, où les plus braves de la nation s'étaient renfermés.

XXXVI. Quelques-uns des assiégés, se jetant dans la rivière qui baignait leurs murailles (37), se sauvaient en nageant entre deux eaux. Les assiégeants s'en étant aperçus, tendirent, au travers du courant, des filets au haut desquels ils avaient attaché des sonnettes, qui les avertissaient quand il y en avait quelqu'un de pris. Les Xanthiens ayant fait une sortie pendant la nuit, et mis le feu à quelques batteries, les Romains les aperçurent, et les repoussèrent dans la ville ; mais un vent violent qui s'éleva tout à coup porta les flammes jusqu'aux créneaux des murailles, et menaça les maisons voisines. Brutus, qui craignait pour la ville, donna l'ordre d'aller à leur secours et d'éteindre le feu, lorsqu'un désespoir affreux, plus fort que tous les raisonnements, et qu'on peut comparer à un amour violent de la mort, saisit subitement les Lyciens. Les femmes, les enfants, les hommes de condition libre et les esclaves, sans distinction d'âge, accourant sur les murailles, attaquent les ennemis qui travaillaient à arrêter l'incendie, portent eux-mêmes du bois, des roseaux, et toutes sortes de matières combustibles ; et en alimentant sans cesse le feu, ils l'eurent bientôt étendu dans toute la ville. Quand la flamme ainsi répandue, et s'élevant en tourbillons dans les airs, eut embrassé l'enceinte des murailles, Brutus, touché de compassion, courut à cheval le long des murs, cherchant tous les moyens de les secourir ; il leur tendait les mains ; il les conjurait d'épargner, de sauver leur ville : mais il n'était écouté de personne ; ils ne voulaient tous que mourir, non seulement les hommes et les femmes, mais les petits enfants même, dont les uns se jetaient au milieu des flammes en poussant des cris affreux, les autres se précipitaient du haut des murailles ; quelques-uns présentaient leur gorge toute nue aux épées de leurs pères, et les excitaient à les frapper.

XXXVII. Quand la ville eut été consumée par les flammes, on vit une femme qui, portant au cou son enfant mort, et suspendue elle-même à un cordeau avec une torche allumée, mettait le feu à sa maison. Brutus, à qui l'on vint le dire, n'eut pas la force d'aller voir un spectacle si horrible : il ne put en entendre le récit sans verser des larmes, et fit proposer une récompense pour tout soldat qui aurait pu sauver un Lycien ; il n'y en eut, dit-on, que cent cinquante qui ne se refusèrent pas à leur conservation. Ce fut ainsi que les Lyciens, après avoir achevé, dans un long espace d'années, la révolution que le destin avait marquée pour leur ruine, renouvelèrent, par leur audace, la catastrophe de leurs ancêtres, qui, dans les guerres des Perses, brillèrent eux-mêmes leur ville et s'ensevelirent sous ses ruines. Brutus, voyant la ville de Patare (38) se préparer à une défense vigoureuse, et craignant un pareil désespoir, balançait à en entreprendre le siège. Il avait fait quelques femmes prisonnières, qu'il renvoya sans rançon ; et comme leurs maris et leurs pères étaient des premiers de la ville, elles leur vantèrent tellement la modération et la justice de Brutus, qu'elles les décidèrent à lui remettre leur ville. Dès lors toutes les autres villes se soumirent, et s'étant livrées à sa discrétion, elles en furent traitées avec plus de douceur et de clémence qu'elles ne l'avaient espéré. Tandis que Cassius, qui dans le même temps s'était emparé de Rhodes, avait obligé les habitants de lui porter tout leur or et tout leur argent (ce qui produisit une somme de huit mille talents, outre une amende de cinq cents talents qu'il exigea de la ville), Brutus ne leva sur les Lyciens qu'une contribution de cent cinquante talents ; et sans leur imposer aucune autre charge, il partit pour l'Ionie.

XXXVIII. Il y fit plusieurs actions mémorables, soit dans les récompenses, soit dans les châtiments qu'il décerna. Je n'en rapporterai qu'un seul exemple, celui dont il fut lui-même le plus satisfait, et qui fit le plus de plaisir aux honnêtes Romains. Pompée, après avoir, dans sa défaite à Pharsale, perdu ce grand empire qu'il disputait à César, se retira en Egypte ; et lorsqu'il eut abordé à Péluse, les tuteurs du jeune prince qui régnait alors tinrent, avec ses amis, un conseil dans lequel les avis furent partagés. Les uns croyaient qu'il fallait recevoir Pompée, d'autres voulaient qu'on le chassât d'Egypte : mais un certain Théodote de Chio, qui enseignait la rhétorique au prince, et qui, faute de meilleurs ministres, était admis aux conseils, fit voir aux uns et aux autres qu'ils se trompaient également ; que dans les conjonctures présentes il n'y avait qu'un seul parti utile, c'était de le recevoir et de le faire mourir : il termina son opinion, en disant qu'un mort ne mord point. Tout le conseil adopta son avis, et le grand Pompée devint un exemple mémorable des événements les plus extraordinaires et les moins attendus ; sa mort fut l'ouvrage de la vaine rhétorique d'un Théodote, comme ce sophiste s'en vantait lui-même. Peu de temps après, César étant arrivé en Egypte, punit ces perfides par une mort digne de leur scélératesse : Théodote seul obtint de la fortune un délai pour traîner encore quelque temps une vie errante dans la honte et la misère : mais il ne put se dérober à Brutus, qui parcourait l'Asie ; amené devant lui, il fut puni du dernier supplice, et devint plus fameux par sa mort qu'il ne l'avait été par sa vie.

XXXIX. Brutus fit prier Cassius de venir à Sardes ; et lorsqu'il le sut près d'arriver, il alla au-devant de lui avec ses amis : toutes les troupes, sous les armes, les saluèrent l'un et l'autre du titre d'imperator. Mais, comme il n'est que trop ordinaire dans des affaires d'une grande importance, et entre des hommes environnés d'une foule d'amis et de capitaines, ils eurent réciproquement beaucoup de plaintes et de reproches à se faire. Ils ne furent pas plutôt arrivés à Sardes, que, se retirant dans une chambre dont ils fermèrent les portes, et où personne ne fut admis, ils exposèrent d'abord leurs griefs respectifs, passèrent ensuite aux reproches, aux accusations et aux larmes même, et enfin à des outrages violents. Leurs amis qui les entendaient, étonnés de leur emportement et du ton de colère avec lequel ils parlaient, craignaient qu'ils ne se portassent à des extrémités fâcheuses ; mais il leur était défendu d'entrer. Cependant Marcus Favonius, ce partisan si zélé de Caton, qui pratiquait la philosophie, moins par un choix de sa raison, que par une sorte d'impétuosité et de fureur, se présente à la porte, qui lui est refusée par les domestiques : mais il n'était pas aisé de retenir Favonius, quelque chose qu'il désirât : violent et précipité dans toutes ses actions, il ne tenait aucun compte de sa dignité sénatoriale, et se faisait un plaisir de la rabaisser avec une liberté cynique. Il est vrai que le plus souvent on ne faisait que rire et plaisanter des injures toujours déplacées qu'il se permettait. Il força donc ceux qui gardaient la porte; et en entrant dans la chambre, il prononça d'un ton de voix affecté les vers de Nestor dans Homère :

Ecoutez-moi, je suis bien plus âgé que vous (39) ;

et le reste. Cassius ne fit que rire de cette apostrophe ; mais Brutus le mit dehors par les épaules, en le traitant de véritable chien et de faux cynique. Cependant cette circonstance mit fin à leur contestation, et ils se séparèrent. Cassius donna, le soir même, un souper où Brutus se rendit et amena ses amis. On venait de se mettre à table, lorsque Favonius entra dans la salle au sortir du bain. Brutus, en le voyant, protesta qu'il ne l'avait pas invité, et ordonna qu'on le plaçât sur le lit d'en haut (40) ; mais Favonius se mit de force sur le lit du milieu. Le repas fut assaisonné de plaisanteries agréables, et la philosophie y trouva sa place.

XL. Le lendemain, Brutus jugea publiquement un ancien préteur, nommé Lucius Pella, auquel il avait donné lui-même des emplois de confiance, et qui était accusé de concussion par les Sardiens. Brutus l'ayant noté d'infamie, Cassius en fut très affligé, lui qui, peu de jours auparavant, ayant à juger deux de ses amis convaincus du même crime, après leur avoir fait en particulier quelques réprimandes, les avait renvoyés, en les laissant dans leurs emplois : aussi se plaignit-il de ce jugement à Brutus, qu'il accusa de montrer une exactitude trop scrupuleuse aux lois et à la justice, dans un temps où il fallait beaucoup donner à la politique et à l'humanité. Brutus lui répondit qu'il devait se souvenir de ces ides de mars où ils avaient tué César ; non qu'il dépouillât et tourmentât lui-même personne, mais parce qu'il fermait les yeux sur ceux qui le faisaient sous son nom. «S'il est, ajouta-t-il des prétextes honnêtes de violer la justice, il valait encore mieux souffrir les injustices des amis de César, que de conniver à celles des nôtres. L'indifférence sur les premières n'eût passé que pour défaut de courage ; mais, en tolérant celles de nos amis, nous encourons le soupçon de complicité, et nous partageons les périls auxquels ils s'exposent». Tels étaient les principes d'après lesquels Brutus se conduisait.

XLI. Ils se disposaient à quitter l'Asie, lorsque Brutus eut un signe extraordinaire. Il aimait à veiller ; et, autant par une suite de sa sobriété que par goût pour le travail, il ne donnait que très peu de temps au sommeil. Il ne dormait jamais le jour, et la nuit même il ne prenait quelque repos que lorsque tout le monde était couché, et qu'il n'avait plus rien à faire, ni personne avec qui il pût s'entretenir. Depuis surtout que, la guerre étant commencée, toutes les affaires roulaient sur lui, et qu'il avait toujours l'esprit tendu sur ce qui pouvait arriver, il se contentait de dormir un peu après son souper, et passait le reste de la nuit à expédier les affaires les plus pressées. Lorsqu'il les avait finies de bonne heure, et qu'il lui restait du temps, il l'employait à lire jusqu'à la troisième garde (41), heure à laquelle les centurions et les autres officiers avaient coutume d'entrer dans sa tente (42). Lors donc qu'il se disposait à partir d'Asie avec toute son armée, dans une nuit très obscure, où sa tente n'était éclairée que par une faible lumière, pendant qu'un silence profond régnait dans tout le camp, Brutus, plongé dans ses réflexions, crut entendre quelqu'un entrer dans sa tente. Il tourne ses regards vers la porte, et voit un spectre horrible, d'une figure étrange et effrayante, qui s'approche et se tient près de lui en silence. Il eut le courage de lui adresser le premier la parole : «Qui es-tu ? lui dit-il, un homme ou un dieu ? que viens-tu faire dans ma tente ? que me veux-tu ? - Brutus, lui répondit le fantôme, je suis ton mauvais génie; tu me verras dans les plaines de Philippes. - Eh bien ! repartit Brutus sans se troubler, je t'y verrai». Dès que le fantôme eut disparu, Brutus appela ses domestiques, qui lui dirent qu'ils n'avaient rien vu ni entendu ; et il continua à s'occuper de ses affaires.

XLII. Le jour ayant paru, il se rendit chez Cassius, et lui raconta sa vision. Cassius, qui faisait profession de la doctrine d'Epicure, et disputait souvent avec Brutus sur ces sortes de matières, lui dit alors : «Brutus, c'est un des principes de notre philosophie, que nos sens, faciles à recevoir toutes sortes d'impressions, nous trompent souvent en offrant à notre esprit des images et des sensations d'objets que nous ne voyons et n'éprouvons pas réellement. Notre pensée, plus mobile encore, excite sans cesse nos sens, et leur imprime une foule d'idées dont les objets n'ont jamais existé. Ils sont comme une cire molle qui se prête à toutes les impressions qu'on lui donne ; et notre âme ayant en elle et ce qui produit et ce qui éprouve l'impression, a aussi par elle-même la faculté de varier et de diversifier ses formes. C'est ce que prouvent les différentes images que nos songes nous offrent dans le sommeil ; l'imagination les excite par le plus faible mouvement, et leur fait prendre ensuite toutes sortes d'affections ou de figures fantastiques : car la nature de cette faculté est d'être toujours en mouvement, et ce mouvement n'est autre chose que l'imagination même et la pensée (43). Mais ce qu'il y a de plus en vous, c'est que votre corps, affaibli par l'excès du travail, rend votre esprit plus mobile et plus prompt à changer. Il n'est pas vraisemblable qu'il existe des génies, ni, s'il en existe, qu'ils prennent la figure et la voix des hommes, ou que leur pouvoir s'étende jusqu'à nous. Je voudrais qu'il y en eût, afin que nous puissons mettre notre confiance, non seulement dans cette multitude d'armes, de chevaux et de navires, mais encore dans le secours des dieux, qui se déclareraient sans doute pour les chefs de l'entreprise la plus sainte et la plus belle». Telles furent les raisons dont Cassius se servit pour calmer Brutus. Quand les soldats commencèrent à se mettre en marche, deux aigles, fondant ensemble du haut des airs, allèrent se poser sur les premières enseignes, et accompagnèrent l'armée, nourris par les soldats jusqu'à Philippes, d'où ils s'envolèrent la veille de la bataille.


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(37)  Le Xanthe, comme on l'a vu plus haut.

(38)  Patare, ville considérable de Lycie, avec un port et un grand nombre de temples. Ptolémée Philadelphe, qui l'avait augmentée, la nomma Arsinoé de Lycie, du nom de sa femme ; mais l'ancien nom prévalut. Strabon, liv. XIV.

(39)  Iliad. liv. V, 259.

(40)  Il y avait trois lits autour de la table ; et c'était de là que la salle à manger, chez les Romains, était appelée triclinium. Le lit du milieu était le plus honorable, ensuite celui d'en haut ; le lit du bas était le moindre. De là vient qu'Horace, Satires. lib. II, sat. VIII, désigne les parasites, espèce de gens très méprisés, par ces mots, imi convivae lecti, les convives du lit d'en bas. Brutus voulait mettre Favonius au lit d'en haut, comme à une place honorable, à cause de sa dignité de sénateur : mais Favonius, sans doute par plaisanterie, va se placer au lit du milieu.

(41)  La nuit se partageait chez les Romains en quatre veilles, de trois heures chacune : elles commençaient à la fin du jour, c'est-à-dire à six heures du soir ; ainsi la troisième veille, ou garde, était à minuit. Voyez Lydii Syntagmata de re militari, lib. V, cap. III.

(42)  Ces réflexions sont faites pour disposer le lecteur à croire que le défaut de sommeil, en échauffant la tête de Brutus, avait produit le fantôme qu'il crut voir.

(43)  Suivant les principes d'Epicure, dont Cassius suivait la secte, tous les êtres physiques, soit matériels, soit moraux, et toutes les opérations de l'esprit, étaient le produit du mouvement des atomes et des différentes combinaisons de ces atomes, lesquelles étaient l'effet de ce mouvement : ainsi l'imagination et la pensée, de même que toutes les autres facultés de l'âme, étaient, suivant ces philosophes, produites par le mouvement, ou n'étaient que le mouvement lui-même. Cette manière de parler pourrait être vraie, dans l'opinion même des philosophes qui soutiennent la spiritualité de l'âme, en ne prenant le mot mouvement que dans l'acception d'action, d'activité, sens dont on se sert souvent pour désigner les opérations de l'âme.