[Les premiers succès militaires]

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IX. On apprit dans le même temps à Rome que Perpenna s'était emparé de la Sicile, dont il voulait faire une retraite pour tous ceux qui restaient encore de la faction contraire à celle de Sylla ; que Carbon croisait avec une flotte dans les mers de cette île ; que Domitius était passé en Afrique, et que les plus illustres d'entre les bannis, qui avaient pu échapper à la proscription, s'y étaient retirés. Pompée, envoyé contre eux avec une puissante armée, n'eut pas plutôt paru, qu'il fit abandonner la Sicile à Perpenna ; il adoucit le sort des villes opprimées, et les traita avec beaucoup d'humanité, à l'exception des Mamertins, habitants de Messine, qui, se fondant sur une ancienne loi des Romains, refusaient de comparaître à son tribunal, et déclinaient sa juridiction. «Ne cesserez-vous pas, leur dit Pompée, de nous alléguer vos lois, à nous qui portons l'épée ?» On trouva qu'il insultait, avec une sorte d'inhumanité, au malheur de Carbon ; si sa mort était nécessaire, comme elle pouvait l'être, il fallait le faire mourir aussitôt qu'il eut été arrêté, et l'odieux en serait retombé sur celui qui l'avait ordonnée ; au contraire, Pompée fit traîner devant lui, chargé de chaînes, un Romain illustre, trois fois honoré du consulat ; du haut de son tribunal, il le jugea lui-même en présence d'une foule nombreuse qui faisait éclater sa douleur et son indignation, et donna ordre qu'on l'emmenât pour être exécuté : lorsqu'on l'eut conduit au lieu du supplice, et qu'il vit l'épée nue, il demanda à se retirer un moment à l'écart pour un besoin qui le pressait. Caïus Oppius (7), l'ami de César, rapporte que Pompée traita avec la même inhumanité Quintus Valérius : comme il le connaissait pour un homme de lettres et d'un savoir peu commun, quand on l'eut amené, il le tira à part, se promena quelque temps avec lui ; et après l'avoir interrogé et en avoir appris ce qu'il voulait savoir, il ordonna à ses satellites de le conduire au supplice ; mais il ne faut croire qu'avec beaucoup de réserve ce qu'Oppius écrit des ennemis et des amis de César. Pompée ne pouvait se dispenser de faire punir les ennemis de Sylla les plus connus, et ceux qui avaient été pris au su de tout le monde : pour ceux qui purent s'échapper, il fit semblant, autant que cela fut possible, de ne pas s'en apercevoir; il y en eut même dont il favorisa la fuite. Il avait résolu de châtier les Himéréens qui avaient embrassé le parti de ses ennemis ; mais un de leurs orateurs, nommé Sthénis, ayant demandé la permission de parler, lui représenta qu'il serait injuste de pardonner au coupable et de faire périr ceux qui n'avaient aucun tort. Pompée lui demanda de quel coupable il voulait parler : «De moi-même, lui répondit Sthénis ; c'est moi qui ai séduit mes amis, et forcé mes ennemis de se jeter dans le parti qu'ils ont suivi». Pompée, charmé de sa franchise et de sa magnanimité, lui pardonna d'abord, et ensuite à tous les autres Himéréens. Informé que ses soldats commettaient des désordres dans leur marche, il scella leurs épées de son cachet, et punit tous ceux qui rompirent le sceau.

X. Pendant qu'il réglait ainsi la Sicile, il reçut un décret du sénat et des lettres de Sylla qui lui ordonnaient de passer en Afrique, et d'y faire vigoureusement la guerre à Domitius, qui avait mis sur pied une armée beaucoup plus nombreuse que celle qu'avait Marius lorsqu'il était repassé depuis peu d'Afrique en Italie, et que, de fugitif devenu tyran, il avait porté dans Rome le trouble et le désordre. Pompée fit promptement tous les préparatifs nécessaires ; et laissant pour commander à sa place, en Sicile, Memnius, le mari de sa soeur, il se mit en mer avec cent vingt vaisseaux de guerre et quatre-vingts vaisseaux de charge qui portaient des vivres, des armes, de l'argent et des machines de guerre. Sa flotte eut à peine abordé, partie à Utique (8), partie à Carthage, que sept mille des ennemis vinrent se rendre à lui, et se joindre aux six légions complètes qu'il avait amenées. Il eut là, dit-on, une aventure assez plaisante : quelques-uns de ses soldats trouvèrent un trésor considérable qu'ils partagèrent entre eux ; le bruit s'en étant répandu, tous les autres furent persuadés que ce lieu était plein de richesses que les Carthaginois y avaient cachées dans le temps de leurs revers. Il ne lui fut pas possible, pendant plusieurs jours, de tirer aucun service de ses troupes, qui ne travaillaient qu'à chercher des trésors ; il se promenait lui-même au milieu d'eux, riant de voir tant de milliers d'hommes fouiller et remuer tout le sol de cette plaine : lassés enfin de ces recherches inutiles, ils lui dirent qu'il pouvait les mener où il voudrait, et qu'ils étaient assez punis de leur sottise.

XI. Domitius avait mis son armée en bataille ; mais comme il avait devant lui une fondrière profonde et difficile à passer ; que d'ailleurs il tombait, depuis le matin, une pluie abondante, accompagnée d'un grand vent, il crut qu'on ne pourrait pas combattre ce jour-là, et il fit donner l'ordre de se retirer. Pompée, au contraire, tirant de ce temps-là même une occasion favorable, se met promptement en marche, et passe la fondrière. Les ennemis, quoique en désordre et troublés d'une attaque imprévue, où ils ne pouvaient agir tous ensemble ni prendre leurs rangs, soutinrent le choc, incommodés d'ailleurs par la pluie que le vent leur poussait dans le visage. L'orage nuisait aussi aux Romains, qui ne pouvaient ni se voir, ni se distinguer les uns les autres : Pompée lui-même fut en danger d'être tué, parce qu'il ne répondit pas assez tôt à un soldat qui, ne le reconnaissant pas, lui demanda le mot. Mais enfin ils enfoncèrent les ennemis, et en tirent un horrible carnage : sur vingt mille qu'ils étaient, il ne s'en sauva que trois mille. Les soldats de Pompée le saluèrent du nom d'imperator ; mais il leur déclara qu'il n'accepterait pas ce titre, tant que le camp des ennemis subsisterait ; et que s'ils le jugeaient digne de cet honneur, il fallait commencer par abattre ces retranchements. Ils vont à l'instant les assaillir ; et Pompée, pour ne plus courir le danger auquel il venait d'être exposé, combattit sans casque ; le camp fut emporté de force, et Domitius y périt. Cette victoire attira la plupart des villes dans le parti de Sylla, et l'on emporta d'assaut celles qui firent quelque résistance. Pompée fit prisonnier le roi Iarbas, qui avait combattu avec Domitius, et il donna son royaume à Hiempsal. Mais, pour profiter de sa fortune et de l'ardeur de ses troupes, il se jeta dans la Numidie, s'y avança de plusieurs journées de chemin, soumit tout ce qui était sur son passage, et rendit la puissance des Romains plus redoutable à ces Barbares, qui commençaient à ne plus tant la craindre. Il ne fallait pas même, disait-il, laisser les bêtes féroces répandues dans l'Afrique, sans leur faire éprouver la force et la fortune des Romains. Il passa donc plusieurs jours à la chasse des lions et des éléphants, et ne mit, à ce qu'on assure, que quarante jours à détruire les ennemis, à soumettre l'Afrique, à terminer les affaires des rois du pays; et il n'avait encore que vingt-quatre ans.

XII. De retour à Utique, il reçut des lettres de Sylla, qui lui ordonnait de licencier ses troupes, et d'attendre là, avec une seule légion, le capitaine qui devait le remplacer. Cet ordre lui causa un secret déplaisir, qu'il eut de la peine à contenir ; mais les soldats témoignèrent ouvertement leur indignation ; et lorsque Pompée les pria de partir pour l'Italie, ils éclatèrent en injures contre Sylla ; ils protestèrent qu'ils n'abandonneraient point Pompée, et qu'ils ne souffriraient pas qu'il se fiât à un tyran. Il essaya d'abord de les adoucir par ses représentations ; mais voyant qu'il ne pouvait rien gagner sur eux, il descendit de son tribunal, fondant en larmes, et rentra dans sa tente. Les soldats allèrent l'y chercher ; et l'ayant reporté sur son tribunal, ils passèrent la plus grande partie du jour, eux à le presser de rester et de garder le commandement, lui à les prier d'obéir et de ne pas se révolter. Comme ils continuaient leurs instances et leurs cris, il leur jura que, s'ils voulaient le forcer, il se tuerait lui-même ; et il eut, avec cela, bien de la peine à les calmer. La première nouvelle qui vint à Sylla fut que Pompée était en rébellion ouverte. «Il est donc de ma destinée, dit-il à ses amis, d'avoir, dans ma vieillesse, à combattre contre des enfants» ; ce qu'il disait à cause du jeune Marius, qui lui avait donné beaucoup d'inquiétude, et l'avait mis dans le plus grand danger. Mais quand il eut su la vérité, et qu'il apprit d'ailleurs que tout le peuple allait au-devant de Pompée, et l'accompagnait en lui prodiguant des témoignages de bienveillance, il voulut les surpasser tous ; il sortit à sa rencontre ; l'embrassa de la manière la plus affectueuse, et le proclama du nom de Grand, en ordonnant à tous ceux qui le suivaient de lui donner le même titre. Suivant d'autres historiens, ce surnom lui avait été déjà donné en Afrique par toute l'armée ; et Sylla, en le lui confirmant, le rendit irrévocable. Mais Pompée fut le dernier à le prendre, et ne se le donna que longtemps après, lorsqu'il fut envoyé en Espagne contre Sertorius, avec le titre de proconsul ; alors seulement il commença à mettre, dans ses lettres et dans ses ordonnances, Pompée le Grand ; ce titre, auquel on était accoutumé, ne pouvait plus exciter l'envie. Cet exemple doit nous faire admirer ces anciens Romains, qui récompensaient par des titres et des surnoms honorables, non seulement les exploits militaires, mais encore les vertus politiques. Il y avait déjà eu deux hommes à qui le peuple avait conféré le nom de Maximus, très grand ; l'un fut Valérius, pour avoir réconcilié le peuple avec le sénat ; et l'autre Fabius Rullus, pour avoir chassé du sénat quelques fils d'affranchis qui, à la faveur de leurs richesses, s'étaient fait élire sénateurs (9).

XIII. Pompée, de retour à Rome, demanda le triomphe, qui lui fut refusé par Sylla, sous prétexte que la loi ne l'accordait qu'à des consuls ou des préteurs ; que le premier Scipion lui-même, après avoir remporté en Espagne les victoires les plus glorieuses et les plus importantes sur les Carthaginois, ne l'avait pas demandé, parce qu'il n'était ni consul ni préteur : si donc Pompée, qui était encore sans barbe, et à qui sa jeunesse ne permettait pas d'être sénateur, entrait triomphant dans Rome, cette distinction rendrait odieuse la puissance dictatoriale, et deviendrait pour Pompée lui-même une source d'envie. A ces motifs de refus le dictateur ajouta qu'il s'opposerait à son triomphe, et que si Pompée s'y obstinait, il emploierait tout son pouvoir à réprimer son ambition. Pompée, sans s'étonner de sa résistance, lui dit de considérer que plus de gens adoraient le soleil levant que le soleil couchant ; voulant lui insinuer par là que sa propre puissance croissait tous les jours, et que celle de Sylla ne faisait que diminuer et s'affaiblir. Sylla, qui ne l'avait pas bien entendu, et qui s'aperçut au visage et aux gestes des autres qu'ils étaient saisis d'étonnement, demanda ce qu'il avait dit. Lorsqu'on le lui eut répété, surpris de son audace, il s'écria par deux fois : «Qu'il triomphe, qu'il triomphe !» Et comme Pompée vit que la plupart de ceux qui étaient présents témoignaient du dépit et de l'indignation, il résolut, pour les irriter encore davantage, de triompher sur un char traîné par quatre éléphants ; car il en avait amené d'Afrique un grand nombre qu'il avait pris aux rois vaincus. Mais la porte de la ville s'étant trouvée trop étroite, il y renonça ; et son char fut traîné par des chevaux. Ses soldats, qui n'avaient pas eu de lui tout ce qu'ils en avaient espéré, voulaient exciter du tumulte et troubler son triomphe ; mais il déclara qu'il s'en souciait fort peu, et qu'il aimerait mieux ne pas triompher que de se soumettre à les flatter. Ce fut alors que Servilius, un des plus illustres personnages de Rome, et qui s'était le plus opposé à son triomphe, avoua qu'il voyait maintenant dans Pompée un homme véritablement grand, et digne du triomphe. Il paraît certain, d'après cela, qu'il n'eût tenu qu'à lui d'être reçu dès lors dans le sénat ; mais il ne montra aucun empressement pour y entrer, parce qu'il ne cherchait, dit-on, la gloire que dans les choses extraordinaires. Il n'eût pas été surprenant que Pompée fût sénateur avant l'âge; mais quelle gloire pour lui d'avoir obtenu les honneurs du triomphe avant d'être sénateur ! Cette distinction lui gagna même de plus en plus l'affection du peuple, qui vit avec plaisir qu'après avoir été décoré du triomphe il restât dans l'ordre des chevaliers, soumis comme eux à la revue des censeurs.

XIV. Sylla ne le voyait pas sans peine s'élever à un si haut degré de gloire et de puissance ; mais il eut honte d'y mettre obstacle, et se tint en repos jusqu'à ce que Pompée eût par force, et malgré le dictateur, fait nommer Lépidus (10) au consulat, en l'appuyant de son crédit, et lui rendant le peuple favorable. Sylla, qui le vit, après l'élection, traverser la place publique, suivi d'une foule nombreuse, lui adressa la parole : «Jeune homme, lui dit-il, je vous vois tout glorieux de votre victoire. N'est-ce pas en effet un exploit bien honorable et bien flatteur que d'être parvenu, par vos intrigues auprès du peuple, à faire que Catulus, le citoyen le plus vertueux, ne fût nommé au consulat qu'après Lépidus, le plus méchant des hommes ? Je vous préviens, au reste, de ne pas vous endormir, mais de veiller avec soin à vos propres affaires, car vous vous êtes donné un adversaire beaucoup plus fort que vous». Ce fut surtout dans son testament que Sylla fit paraître son peu d'affection pour Pompée. Il laissa des legs à tous ses amis, et nomma des tuteurs à son fils, sans faire seulement mention de lui. Pompée supporta cette mortification avec une douceur digne d'un homme d'Etat, au point que Lépidus et quelques autres voulant empêcher que Sylla fût enterré dans le champ de Mars, et qu'on fît publiquement ses funérailles, Pompée les arrêta, et procura à ses obsèques la décence et la sûreté.

XV. Sylla fut à peine mort, qu'on vit se vérifier ses prédictions sur Lépidus, qui, voulant succéder à l'autorité du dictateur, au lieu d'user de détour et de déguisement, prit sur-le-champ les armes ; et, rallumant les restes des anciennes factions qui avaient échappé aux recherches de Sylla, il se fortifia de leur puissance. Catulus, son collègue au consulat, à qui la meilleure et la plus saine partie du sénat et du peuple s'était attachée, avait la plus grande réputation de sagesse et de justice, et passait pour le plus grand des Romains. Mais on le jugeait plus propre à l'administration civile qu'au commandement des armées. Pompée, qui se voyait appelé au gouvernement par la nature même des circonstances, ne balança pas sur le parti qu'il devait suivre ; il se rangea du parti le plus honnête, et fut nommé général de l'armée qu'on faisait marcher contre Lépidus, qui, avec les troupes de Brutus, avait déjà soumis la plus grande partie de l'Italie, et occupait les contrées de la Gaule cisalpine. La présence seule de Pompée eut facilement réduit toutes les villes ; Mutine seule (11), défendue par Brutus, l'arrêta longtemps. Cependant Lépidus, profitant de ce délai, et s'étant porté vers Rome, campa sous ses murailles avec une troupe de gens sans aveu, dont il effrayait les Romains, et il demandait un second consulat. Mais une lettre de Pompée, qui mandait que la guerre avait été terminée sans combat, dissipa cette frayeur. Brutus, ou traître à son armée, ou trahi par elle, se rendit à Pompée, qui lui donna quelques cavaliers pour l'escorter jusqu'à une petite ville située sur le Pô, où il se retira ; le lendemain, Pompée envoya Géminius avec ordre de le tuer. Ce meurtre fut généralement blâmé ; car, aussitôt après le changement de Brutus, Pompée avait écrit au sénat que ce général s'était rendu volontairement; et ensuite il écrivit une autre lettre pour accuser Brutus, qu'il venait de faire mourir. Ce Brutus était père de celui qui, avec Cassius, donna la mort à César ; mais ce fils ne ressembla à son père ni dans la manière de faire la guerre, ni dans le genre de sa mort (12), comme nous l'avons rapporté dans sa vie. Lépidus, chassé de l'Italie, se réfugia dans la Sardaigne, où il mourut d'une maladie que lui causa, non la douleur de voir ses affaires ruinées, mais le chagrin d'avoir appris, par une lettre qui lui tomba entre les mains, l'adultère de sa femme.

XVI. Cependant Sertorius, général si différent en tout de Lépidus, s'était rendu maître d'une partie de l'Espagne, et se faisait redouter des Romains, qui se voyaient menacés des plus grands revers. Tous les restes des guerres civiles, tels qu'une dernière maladie du corps politique, s'étaient rassemblés autour de lui. Il avait déjà défait plusieurs généraux sans expérience ; et alors il faisait la guerre contre Métellus Pius, capitaine distingué et d'une grande réputation, mais qui, appesanti par l'âge, laissait échapper les occasions favorables que la guerre lui présentait, et que Sertorius lui ravissait toujours par sa promptitude et son activité. Celui-ci paraissait tout à coup devant Métellus avec une extrême audace, et, faisant la guerre à la manière des brigands, il troublait sans cesse par ses embûches, par ses courses imprévues, un général accoutumé, comme un athlète, à des combats réguliers, et qui ne savait conduire que des troupes pesamment armées, faites pour combattre de pied ferme. Pompée, qui avait encore toutes ses troupes, intriguait à Rome pour être envoyé au secours de Métellus ; et, sans égard à l'ordre que lui avait donné Catulus de licencier ses troupes, il se tenait, sous divers prétextes, toujours en armes autour de la ville, jusqu'à ce qu'enfin, sur la proposition de Philippe, on lui donna le commandement qu'il désirait. Quelqu'un des sénateurs ayant demandé à Philippe, avec étonnement, s'il croyait qu'il fallût envoyer Pompée en Espagne pour le consul. «Non seulement pour le consul, repartit Philippe, mais pour les consuls» : voulant faire entendre par là que les deux consuls n'étaient propres à rien. Pompée ne fut pas plutôt arrivé en Espagne, que les nouvelles espérances qu'il fit concevoir, comme il est ordinaire à un nouveau général qui jouit d'une grande réputation, changèrent les dispositions des esprits ; les peuples qui n'étaient pas solidement attachés à Sertorius se révoltèrent contre lui ; et Sertorius, vivement piqué de cette désertion, se permit contre Pompée des propos pleins d'arrogance et des railleries insultantes : «Si je ne craignais cette vieille, disait-il en parlant de Métellus, je ne ferais usage contre cet enfant que de la férule ou du fouet». Mais au fond il redoutait Pompée ; et cette crainte l'obligea de se tenir sur ses gardes, et de faire la guerre avec plus de précautions. Car Métellus (ce qu'on aurait eu peine à croire ) menait une vie déréglée, et s'abandonnait à toutes sortes de voluptés ; il s'était fait subitement en lui un changement si extraordinaire, qu'il donnait dans le plus grand luxe et faisait une dépense excessive. Cette conduite attirait à Pompée une bienveillance singulière, et augmentait de plus en plus la bonne opinion qu'on avait de lui : on le voyait avec plaisir ajouter de jour en jour à une frugalité qui ne paraissait pas susceptible de retranchement, car il était naturellement porté à la tempérance et à la modération dans tous ses désirs.

XVII. Des divers événements qui eurent lieu dans cette guerre, aucun n'affligea autant Pompée que la prise de Lauron (13) par Sertorius ; il croyait le tenir renfermé devant cette ville, et il s'en était même vanté avec assez de complaisance ; quand tout à coup il se trouva lui-même tellement enveloppé, que, n'osant faire aucun mouvement, il vit Lauron livrée aux flammes en sa présence. Il est vrai que bientôt après il vainquit, près de Valence, Hérennius et Perpenna, deux officiers distingués, qui s'étaient réfugiés auprès de Sertorius, dont ils étaient les lieutenants, et leur tua plus de dix mille hommes. Enflé de cette victoire, il conçut de plus hautes espérances, et se hâta de marcher contre Sertorius, afin que Métellus ne partageât point avec lui l'honneur de la victoire. Les armées en vinrent aux mains vers la fin du jour, près de la rivière de Sucron (14) ; les deux généraux craignaient également l'arrivée de Métellus : Pompée, pour combattre seul ; Sertorius, pour n'avoir à combattre qu'un général. Le succès fut douteux, il y eut des deux côtés une aile victorieuse ; mais des deux généraux, Sertorius y acquit plus de gloire ; car il renversa et mit en déroute l'aile qui lui était opposée. Durant l'action, Pompée fut attaqué par un cavalier d'une taille avantageuse qui était démonté ; ils se chargèrent vigoureusement, et leurs épées ayant glissé sur leurs mains avec des effets bien différents, Pompée fut légèrement blessé, et il coupa la main de son ennemi. Une foule de Barbares, voyant les troupes de Pompée en fuite, coururent tous ensemble sur lui ; mais il se sauva, contre toute espérance, en abandonnant son cheval, dont le harnais d'or et les riches ornements arrêtèrent les ennemis, qui, en se battant pour le partage du butin, donnèrent à Pompée le temps de s'échapper. Le lendemain, à la pointe du jour, les deux généraux remirent leurs troupes en bataille, pour assurer la victoire que chacun d'eux disait avoir remportée ; mais l'arrivée de Métellus obligea Sertorius de se retirer, et de laisser son armée se débander ; car ses soldats étaient accoutumés ainsi à se disperser et à se rassembler en un instant, en sorte que souvent Sertorius errait seul dans la campagne, et que tout à coup il reparaissait à la tête de cent cinquante mille combattants, comme un torrent qui, souvent à sec, se trouve plein en un instant.

XVIII. Après la bataille, Pompée alla au-devant de Métellus, et quand il fut près de lui, il donna ordre à ses lieutenants de baisser leurs faisceaux, pour faire honneur à ce général, qui le surpassait en dignité. Métellus s'y opposa, et en toute occasion il montra la plus grande modestie, ne s'attribuant, soit comme consulaire, soit comme son ancien, d'autres prérogatives que de donner, quand ils campaient ensemble, le mot d'ordre à toute l'armée : mais le plus souvent leurs camps étaient séparés, car ils avaient affaire à un ennemi qui, toujours en activité, et sachant en un clin d'oeil les attirer d'un combat à un autre, les obligeait de diviser souvent leurs forces ; enfin, en leur coupant les vivres, en ravageant tout le pays, en se rendant maître de la mer, il les chassa tous deux de l'Espagne, et les força, faute de subsistances, de se retirer dans d'autres provinces. Cependant Pompée, qui avait sacrifié à cette guerre la plus grande partie de sa fortune, écrivit au sénat de lui envoyer de l'argent, s'il ne voulait pas qu'il ramenât son armée en Italie. Lucullus, alors consul, et ennemi de Pompée, aspirant à être chargé de la guerre contre Mithridate, réussit à lui en faire envoyer ; il craignait que le refus de cet argent ne fournît à Pompée le prétexte qu'il cherchait de laisser là Sertorius, et de tourner ses armes contre Mithridate, qui lui offrait une expédition plus glorieuse et un adversaire plus facile à vaincre.

XIX. Cependant Sertorius mourut victime de la trahison de ses propres officiers : à la tête de cette conjuration était Perpenna, qui crut pouvoir le remplacer, parce qu'il avait la même armée et les mêmes appareils de guerre ; mais il n'avait pas le même talent pour en faire usage. Pompée, qui s'était aussitôt mis en campagne, informé que Perpenna ne savait par où s'y prendre, lui détacha dix cohortes, comme une amorce pour le combat, avec ordre de s'étendre dans la plaine. Perpenna, ayant donné dans le piége, se mit à la poursuite de ces troupes ; mais Pompée, paraissant tout à coup avec le reste de son armée, le charge, le défait, et le met en déroute. La plupart des officiers périrent dans le combat ; Perpenna fut pris et amené à Pompée, qui le fit tuer sur-le-champ : en cela il ne manqua pas à la reconnaissance, et n'oublia pas les services qu'il en avait reçus en Sicile, comme quelques-uns l'en ont accusé ; au contraire, il fit un trait de grandeur d'âme qui sauva la république : car Perpenna, s'étant saisi des papiers de Sertorius, montrait des lettres des plus puissants d'entre les Romains qui, dans l'intention de troubler l'Etat et de changer la forme du gouvernement, appelaient ce général en Italie. Pompée, qui craignit que la publicité de ces lettres n'allumât des guerres plus vives que celles qu'on venait d'éteindre, les brûla sans les lire, et fit mourir Perpenna. Après avoir séjourné en Espagne autant de temps qu'il en fallut pour assoupir les plus grands troubles, pour apaiser et dissiper les émotions qui auraient pu ranimer la guerre, il ramena son armée en Italie, où il arriva fort à propos, lorsque la guerre des esclaves était dans sa plus grande vigueur. Crassus, qui commandait les Romains contre ces rebelles, sachant que Pompée approchait, se hâta de livrer témérairement la bataille ; il eut le bonheur de la gagner, et tua douze mille trois cents de ces esclaves ; mais la fortune, qui voulait absolument faire partager à Pompée la gloire de ce succès, fit que cinq mille de ces fugitifs, qui s'étaient sauvés du combat, tombèrent entre ses mains ; il les tailla tous en pièces, et, se hâtant de prévenir Crassus, il écrivit promptement au sénat qu'à la vérité Crassus avait défait les gladiateurs en bataille rangée, mais que lui il avait extirpé les racines de cette guerre (15) ; ce que les Romains, remplis d'affection pour Pompée, aimaient à entendre et à répéter. Pour la défaite de Sertorius en Espagne, personne n'eût osé dire, même en plaisantant, qu'un autre que Pompée y eût eu part.

XX. Malgré l'estime singulière qu'on avait pour lui, et les hautes espérances qu'il avait fait concevoir, les Romains ne laissaient pas de craindre qu'il ne voulût pas licencier son armée, et que, s'élevant par la force à la suprême puissance, il ne succédât à la tyrannie de Sylla. Aussi, dans cette foule si nombreuse qui allait au-devant de lui sur les chemins pour le recevoir, la crainte en conduisait autant que l'affection (16) ; mais l'assurance qu'il donna qu'après son triomphe il congédierait ses troupes ayant dissipé ce soupçon, ses envieux n'eurent plus à lui reprocher que la préférence qu'il donnait au peuple sur le sénat, et le projet qu'il avait formé, pour plaire à la multitude, de relever la dignité du tribunat, abattue par Sylla : ce reproche était fondé, car il n'y avait rien que le peuple romain désirât plus ardemment et avec plus de fureur que le rétablissement de cette magistrature. Pompée regardait donc comme un grand bonheur pour lui l'occasion qui se présentait de la lui rendre ; il sentait que s'il était prévenu par un autre, il ne s'offrirait jamais une grâce à faire au peuple, par laquelle il pût reconnaître l'affection qu'on lui portait. Il obtint à la fois un second triomphe et le consulat (17), et la réunion de ces deux honneurs n'ajouta point à l'estime et à l'admiration qu'il inspirait; mais ce qui parut le témoignage le plus illustre de sa grandeur, c'est que Crassus, le plus riche, le plus éloquent, le plus grand de tous ceux qui avaient part au gouvernement, qui méprisait même Pompée et tous les autres magistrats, n'osa cependant briguer le consulat qu'après en avoir demandé la permission à Pompée, à qui cette démarche fit plaisir, car depuis longtemps il cherchait l'occasion d'obliger Crassus et de se lier avec lui ; aussi appuya-t-il sa demande avec le plus grand zèle, et en sollicitant le peuple en faveur de Crassus, il protesta qu'il ne saurait pas plus de gré du consulat même, que du choix qu'on ferait de Crassus pour son collègue. Cependant, lorsqu'ils eurent été nommés consuls, ils ne cessèrent d'être toujours en opposition l'un contre l'autre (18).

XXI. Crassus avait plus d'autorité dans le sénat, et Pompée plus de crédit auprès du peuple ; il lui avait rendu le tribunat, et avait permis que, par une loi expresse, les jugements fussent de nouveau transférés aux chevaliers (19). Le peuple le vit, avec un plaisir singulier, paraître devant les censeurs pour demander l'exemption du service militaire. C'était la coutume à Rome que les chevaliers, après avoir servi le temps prescrit par la loi, amenassent leur cheval sur la place publique, devant les deux magistrats qu'on appelle censeurs ; et là, après avoir nommé les généraux et les capitaines sous lesquels ils avaient servi ; après avoir rendu compte des campagnes qu'ils avaient faites, ils obtenaient leur congé, et recevaient publiquement l'honneur ou la honte que chacun méritait par sa conduite. Les censeurs Gellius et Lentulus étaient assis alors sur leur tribunal, avec les ornements de leur dignité, et ils faisaient la revue des chevaliers, lorsqu'on vit de loin Pompée descendre vers la place, précédé de tout l'appareil de la dignité consulaire, et menant lui-même son cheval par la bride. Quand il fut assez près pour être reconnu des censeurs, il ordonna à ses licteurs de s'ouvrir, et approcha son cheval du tribunal de ces magistrats. Le peuple, saisi d'admiration, gardait un profond silence; et les censeurs, à cette vue, montraient une joie mêlée de respect. Le plus ancien de ces magistrats lui adressant la parole : «Pompée le Grand, lui dit-il, je vous demande si vous avez fait toutes les campagnes ordonnées par la loi. - Oui, je les ai toutes faites, répondit Pompée à haute voix, et je n'ai jamais eu que moi pour général» (20). A ces mots, le peuple poussa de grands cris, et, dans les transports de sa joie, il ne pouvait mettre fin à ses acclamations ; les censeurs se levèrent, et le reconduisirent chez lui, pour faire plaisir à la foule de citoyens qui le suivaient avec de grands applaudissements.

XXII. Le consulat de Pompée touchait à sa fin, et ses dissensions avec Crassus n'avaient fait qu'augmenter ; un certain Caïus Aurélius, de l'ordre des chevaliers, qui ne prenait aucune part aux affaires publiques, montant à la tribune un jour d'assemblée, dit publiquement que Jupiter lui avait apparu dans son sommeil, et lui avait ordonné de dire aux consuls de ne point sortir de charge avant que de s'être réconciliés. Pompée, après cette déclaration, resta toujours debout, sans proférer une seule parole ; mais Crassus lui prenant la main, et le saluant le premier, dit à haute voix : «Romains, je ne crois pas descendre au-dessous de ma dignité en faisant les avances à Pompée, à cet homme que vous avez vous-mêmes honoré du titre de Grand dans sa première jeunesse, et à qui vous avez décerné le triomphe avant qu'il eût entrée au sénat». Après cette réconciliation publique, ils se démirent du consulat. Crassus continua le genre de vie qu'il avait menée jusqu'alors, et Pompée évita de plaider, autant qu'il lui fut possible ; il se retira peu à peu de la place, parut rarement en public, et toujours accompagné d'une suite nombreuse ; il n'était plus facile de le voir et de lui parler qu'au milieu de la foule ; il aimait à se montrer entouré d'un grand nombre de personnes qui lui faisaient la cour, persuadé que ce cortège lui donnait un air de grandeur et de majesté qui attirait le respect, et qu'il fallait, pour conserver sa dignité, ne jamais se familiariser avec des gens d'une condition obscure. Ceux, en effet, qui doivent leur grandeur à leurs succès dans les armes, et qui ne savent pas se plier à l'égalité populaire, courent risque d'être méprisés, quand reprenant la toge ils veulent être les premiers dans la ville, comme ils l'ont été dans les camps : d'un autre côté, ceux qui n'ont joué à l'armée qu'un rôle inférieur, ne peuvent supporter de ne pas avoir au moins dans la ville le premier rang ; aussi, quand ils tiennent dans les assemblées un homme qui s'est illustré par ses victoires, ils le rabaissent autant qu'ils peuvent, et le mettent presque sous leurs pieds ; mais s'il leur cède dans la ville l'honneur et l'autorité, alors ils ne lui envient pas sa gloire militaire ; c'est ce que donnèrent clairement à connaître les événements qui eurent lieu peu de temps après (21).


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(7)  Oppius est regardé, par quelques critiques, comme l'auteur des Guerres d'Alexandrie, d'Afrique, d'Espagne, et des derniers livres de la Guerre des Gaules, qui sont attribués par d'autres à Hirtius ; mais on convient assez généralement que la Guerre d'Espagne est d'Oppius. Il fut lieutenant de César, et écrivit aussi des Vies des Grands Hommes, entre autres celles de Marius, de Pompée et du premier Scipion l'Africain ; Aulu-Gelle rapporte plusieurs choses de cette dernière, liv. VII, chap. 1, de ses Nuits Attiques. Suétone, dans la Vie de César, chap. LII, le compte parmi les principaux amis du dictateur ; et, pour montrer combien il était porté pour lui, il dit qu'Oppius avait composé un Traité exprès pour prouver que Césarion n'était pas fils de César, comme Cléopâtre l'assurait. Voyez Vossius, de Histor. Lat. lib. 1, cap. XVII.

(8)  Utique, ville de Libye, ou Afrique mineure, aujourd'hui Bizerte, ville maritime de l'Afrique méridionale, est fameuse par la mort volontaire que s'y donna Caton qui de là reçut le nom d'Utique.

(9)  Il y a eu à Rome d'autres personnages qui ont porté le surnom de Maximes. Plutarque parle de ceux qui l'ont obtenu par d'autres moyens que les vertus militaires, quoique ceux dont il s'agit ici fussent aussi très illustres sous ce rapport.

(10)  Marius Emilius Lépidus, que Pompée fit nommer consul avec Q. Lutatius Catulus l'an de Rome six cent soixante-seize, était un esprit très séditieux, et le plus méchant des hommes, comme Sylla va le dire à Pompée, et comme la suite le prouvera.

(11)  Mutine, ville située entre les fleuves Scultenna à droite, et Gabelles à gauche, dans la partie de l'Italie appelée Gaule cispadane, c'est-à-dire en deçà du Pô, par rapport à Rome.

(12)  Plutarque met Brutus le fils bien au-dessus de son père, parce que celui-ci se défendit lâchement et se rendit à l'ennemi pour sauver sa vie ; au lieu que le fils, après avoir combattu avec beaucoup de courage, se donna lui-même la mort, pour ne pas tomber entre les mains de son ennemi. J'ai déjà remarqué plus d'une fais que Plutarque n'avait pas sur le suicide des principes exacts, et qu'en cela il abandonnait l'école de Socrate, à laquelle il était attaché.

(13)  Lauron, ville de l'Espagne tarraconnaise.

(14)  Le fleuve Sucron, aujourd'hui le Xucar, arrose la Castille et l'Aragon, autrefois occupés par les Celtibériens.

(15)  On est étonné que Pompée, après les grands exploits qu'il avait faits, attache tant d'importance à la défaite de cinq mille esclaves déjà battus, et échappés de la bataille où leur armée avait été taillée en pièces par Crassus, à l'égard duquel il montrait peu de justice et de générosité ; mais la vanité se nourrit de tout, et Pompée, en se vantant ainsi lui-même, persuada aux Romains tout ce qu'il voulut.

(16)  Il paraît qu'on craignait assez généralement à Rome que l'ambition ne portât Pompée à usurper l'autorité souveraine. C'est l'opinion que Cicéron en donne dans plusieurs de ses Lettres à Atticus, et, en particulier, dans la septième lettre du livre neuvième. Ce n'était pas l'idée qu'en avait Patercule, comme on le peut voir dans le portrait que cet historien a fait de Pompée, et auquel nous venons de renvoyer, note 2.

(17)  C'était une faveur bien extraordinaire d'être nommé consul avant que d'avoir exercé aucune autre magistrature ; mais peut-être qu'on jugea que deux triomphes pouvaient servir d'excuse à cette exception aux lois, et remplacer les charges qu'il n'avait pas eues. Il fut consul l'an de Rome six cent quatre-vingt-quatre.

(18)  La cause naturelle de cette division constante était la différence de parti qu'ils suivaient. Crassus était attaché à celui de la noblesse et du sénat ; Pompée s'était déclaré pour le peuple.

(19)  Ce fut Lucius Aurélius Cotta qui, dans sa préture, porta cette loi. Plutarque dit que les jugements furent de nouveau transférés aux chevaliers, parce que, cinquante-trois ans auparavant, Caïus Gracchus avait déjà transporté ce droit au second ordre de l'Etat, qui en fut ensuite dépouillé par Sylla.

(20)  L'expression dont se sert ici Pompée est singulière ; elle signifie un général revêtu d'un pouvoir absolu, un autocrate ; mais le terme n'est pas plus singulier que la chose ; c'était le premier exemple d'un homme qui, ayant commencé à servir très jeune, eût fait plusieurs campagnes sans avoir jamais d'autre chef que lui-même.

(21)  Ce passage prouve que la jalousie outre la robe et l'épée est bien ancienne, malgré l'extrême différence des fonctions de la magistrature et des travaux militaires.