XXIV - Alexandre Sévère (an de Rome 975)

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Le sénat, appuyé du consentement des gardes prétoriennes, déféra le titre d'auguste à Aurèle Alexandre, natif d'une ville de Syrie, nommée Césarée et Arca. Ce jeune prince, doué d'un génie bien au-dessus de son âge, ne tarda pas à faire de grands préparatifs pour la guerre contre Xerxès (1), roi des Perses. Après l'avoir vaincu et mis en fuite, il se rendit avec une extrême célérité dans la Gaule que les Germains s'efforçaient d'envahir. Lorsqu'il y fut arrivé, il licencia avec une grande fermeté plusieurs légions séditieuses. Cette mesure, qui pour lors lui acquit beaucoup de gloire, fut bientôt après la cause de sa perte : en effet, les soldats, ayant pris en horreur la sévérité dont l'excès lui fit donner le surnom de Sévère, ils le massacrèrent dans un village de la Grande-Bretagne nommé Sicila (2), où il s'était rendu par hasard avec une faible escorte. Alexandre se distingua par un ouvrage célèbre (3), et l'un des plus beaux ornements de la ville ; mais principalement par sa tendresse pour sa mère Mamée. Domitius Ulpianus avait été créé préfet du prétoire par Héliogabale ; il le continua dans cette charge, et dès le commencement de son règne il rendit Paullus à la patrie. Par la conduite qu'il tint à l'égard de ces deux jurisconsultes, il prouva l'estime qu'il faisait des gens de bien, ainsi que son amour pour la justice. Quoiqu'il n'eût régné que treize ans, il laissa la république affermie de toute part. Si, depuis Romulus jusqu'à Septime, elle s'était élevée rapidement au plus haut degré de puissance, il ne dépendit pas des mauvais desseins de Bassien qu'elle ne tombât tout à coup de ce faite de grandeur. Alexandre en retarda la chute. Après lui les empereurs, plus occupés de tyranniser leurs peuples et de se faire la guerre entre eux que de soumettre les étrangers, précipitèrent l'empire dans un abîme de calamités. Alors se jetèrent sur la dignité impériale, comme pêle-mêle, des bons et des méchants, des nobles et des inconnus, et même des Barbares. En serait-il arrivé autrement ? Lorsque dans un état tout n'est que désordre et confusion, et que les citoyens ne suivent plus que leur caprice, chacun se croit permis d'usurper, à la faveur des troubles, les fonctions des autres, qu'il est incapable de remplir, et qu'il déshonore par l'ignorance (4) des principes de l'honneur. Ensuite, dès que la fortune a procuré à cette espèce d'hommes la liberté de tout faire, elle les livre à des passions funestes, auxquelles la vertu peut bien opposer, pendant un certain espace de temps, un obstacle qu'elles ne peuvent renverser ; mais lorsqu'enfin les vices ont subjugué presque tous les citoyens, les fonctions publiques deviennent le partage des hommes les plus vils par leur naissance et par leur éducation.


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(1)  Hérodien et Lampride nomment ce prince Artaxercès. C'est lui qui, après avoir vaincu et mis à mort Artabane, dernier roi des Parthes, rétablit dans l'Orient l'ancien empire des Perses.

(2)  D'anciennes éditions offrent Sicilia, nom d'un village de la Gaule Transalpine, situé dans les environs de Mayence, où l'on rapporte qu'Alexandre Sévère fut massacré. Madame Dacier préfère cette leçon à l'autre, et Danville ne fait nulle mention de Sicila.

(3)  On lit dans le texte, Opus urbi florentissimum celebrio fabricatus est. Les critiques demandent ce que signifie celebrio. Les uns pensent qu'il faut lire serapium ; les autres, au nombre desquels on compte madame Dacier, veulent celeberrimum. Il nous semble plus simple de lire celebre que à cause de l'abréviation qui a pu donner lieu à la méprise des copistes. Les principaux ouvrages d'Alexandre Sévère sont des thermes et un cirque.

(4)  J'ai suivi dans cet endroit l'édition de Leipsick, où ou lit inscientia. Celle d'Arntzen offre scientia. La première leçon offre un sens plus raisonnable et plus clair que la seconde ; mais peut-être pourrait-on lire, comme Gruter, scientiam ; alors il faudrait traduire ainsi, et anéantit la connaissance des bons principes.