Acte IIActe IV

Scène 1
DOMITIAN, BERENICE, PHILON

DOMITIAN
Je vous l'ai dit, madame, et j'aime à le redire,
Qu'il est beau qu'à vous plaire un empereur aspire,
Qu'il lui doit être doux qu'un véritable feu
Par de justes soupirs mérite votre aveu.
Serait-ce un crime à moins ? Serait-ce vous déplaire,
Après un empereur, de vous offrir son frère ?
Et voudriez-vous croire, en faveur de ma foi,
Qu'un frère d'empereur pourroit valoir un roi ?

BERENICE
Si votre âme, seigneur, en veut être éclaircie,
Vous pouvez le savoir de votre Domitie.
De tous les deux aimée, et douce à tous les deux,
Elle sait mieux que moi comme on change de voeux,
Et sait peut-être mal la route qu'il faut prendre
Pour trouver le secret de les faire descendre,
Quelque facilité qu'elle ait eue à trouver,
Malgré sa flamme et vous, l'art de les élever.
Pour moi, qui n'eus jamais l'honneur d'être romaine,
Et qu'un destin jaloux n'a fait naître que reine,
Sans qu'un de vous descende au rang que je remplis,
Ce me doit être assez d'un de vos affranchis ;
Et si votre empereur suit les traces des autres,
Il suffit d'un tel sort pour relever les nôtres.
Mais changeons de discours, et me dites, seigneur,
Par quel ordre aujourd'hui vous m'offrez votre coeur.
Est-ce pour obliger ou Domitie ou Tite ?
N'ose-t-il me quitter à moins que je le quitte ?
Et peut-il à son rang si peu se confier,
Qu'il veuille mon exemple à se justifier ?
Me donne-t-il à vous alors qu'il m'abandonne ?

DOMITIAN
Il vous respecte trop : c'est à vous qu'il me donne,
Et me fait la justice, en m'enlevant mon bien,
De vouloir que je tâche à m'enrichir du sien ;
Mais à peine il le veut, qu'il craint pour moi la haine
Que Rome concevrait pour l'époux d'une reine.
C'est à vous de juger d'où part ce sentiment.
En vain, par politique, il fait ailleurs l'amant ;
Il s'y réduit en vain par grandeur de courage :
A ces fausses clartés opposez quelque ombrage ;
Et je renonce au jour, s'il ne revient à vous,
Pour peu que vous penchiez à le rendre jaloux.

BERENICE
Peut-être ; mais, seigneur, croyez-vous Bérénice
D'un coeur à s'abaisser jusqu'à cet artifice,
Jusques à mendier lâchement le retour
De ce qu'un grand service a mérité d'amour ?

DOMITIAN
Madame, sur ce point je n'ai rien à vous dire.
Vous savez ce que vaut l'empereur et l'empire ;
Et si vous consentez qu'on vous manque de foi,
Vous pouvez regarder si je vaux bien un roi.
J'aperçois Domitie, et lui cède la place.


Scène 2
DOMITIE, BERENICE, DOMITIAN, PHILON

DOMITIE
Je vais me retirer, seigneur, si je vous chasse ;
Et j'ai des intérêts que vous servez trop bien
Pour arrêter le cours d'un si long entretien.

DOMITIAN
Je faisais à la reine une offre de service
Qui peut vous assurer le rang d'impératrice,
Madame ; et si j'en suis accepté pour époux,
Tite n'aura plus d'yeux pour d'autres que pour vous.
Est-ce vous mal servir ?

DOMITIE
          Quoi ? Madame, il vous aime ?

BERENICE
Non ; mais il me le dit, madame.

DOMITIE
          Lui ?

BERENICE
                    Lui-même.
Est-ce vous offenser que m'offrir vos refus ?
Et vous doit-il un coeur dont vous ne voulez plus ?

DOMITIE
Je ne sais si je puis vous dire s'il m'offense,
Quand vous vous préparez à prendre sa défense.

BERENICE
Et moi, je ne sais pas s'il a droit de changer,
Mais je sais que l'amour ne peut désobliger.

DOMITIE
Du moins ce nouveau feu rend justice au mérite.

DOMITIAN
Vous m'avez commandé de quitter qui me quitte,
Vous le savez, madame ; et si c'est vous trahir,
Vous m'avouerez aussi que c'est vous obéir.

DOMITIE
S'il échappe à l'amour un mot qui le trahisse,
A l'effort qu'il se fait veut-il qu'on obéisse ?
Il cherche une révolte, et s'en laisse charmer.
Vous le sauriez, ingrat, si vous saviez aimer,
Et ne vous feriez pas l'indigne violence
De vous offrir ailleurs, et même en ma présence.

DOMITIAN
Madame, vous voyez ce que je vous ai dit :
La preuve est convaincante, et l'exemple suffit.

BERENICE
Il suffit pour vous croire, et non pas pour le suivre.

DOMITIE
Allez, sous quelques lois qu'il vous plaise de vivre,
Vivez-y, j'y consens ; mais vous pouviez, seigneur,
Vous hâter un peu moins de m'ôter votre coeur,
Attendre que l'honneur de ce grand hyménée
Vous renvoyât la foi que vous m'avez donnée.
Si vous vouliez passer pour véritable amant,
Il fallait espérer jusqu'au dernier moment ;
Il vous fallait...

DOMITIAN
          Eh bien ! Puisqu'il faut que j'espère,
Madame, faites grâce à l'empereur mon frère,
A la reine, à vous-même enfin, si vous m'aimez
Autant qu'il le paraît à vos yeux alarmés.
Les scrupules d'état, qu'il fallait mieux combattre,
Assez et trop longtemps nous ont gênés tous quatre :
Réunissez des coeurs de qui rompt l'union
Cette chimère en Tite, en vous l'ambition.
Vous trouverez au mien encor les mêmes flammes
Qui, dès que je vous vis, charmèrent nos deux âmes.
Dès ce premier moment j'adorai vos appas ;
Dès ce premier moment je ne vous déplus pas.
Ai-je épargné depuis aucuns soins pour vous plaire ?
Est-ce un crime pour moi que l'aînesse d'un frère ?
Et faut-il m'accabler d'un éternel ennui
Pour avoir vu le jour deux lustres après lui,
Comme si de mon choix il dépendait de naître
Dans le temps qu'il fallait pour devenir son maître ?
Au nom de votre amour et de ce digne amant,
Madame, qui vous aime encor si chèrement,
Prenez quelque pitié d'un amant déplorable ;
Faites-la partager à cette inexorable ;
Dissipez la fierté d'une injuste rigueur.
Pour juge entre elle et moi je ne veux que son coeur.
Je vous laisse avec elle arbitre de ma vie.
Adieu, madame. Adieu, trop aimable ennemie.


Scène 3
BERENICE, DOMITIE, PHILON

BERENICE
Les intérêts du prince avancent trop le mien
Pour vous oser, madame, importuner de rien ;
Et l'incivilité de la moindre prière
Semblerait vous presser de me rendre son frère.
Tout ce qu'en sa faveur je crois m'être permis,
Après qu'à votre coeur lui-même il s'est remis,
C'est de vous faire voir ce que hasarde une âme
Qui sacrifie au rang les douceurs de sa flamme,
Et quel long repentir suit ces nobles ardeurs
Qui soumettent l'amour à l'éclat des grandeurs.

DOMITIE
Quand les choses, madame, auront changé de face,
Je reviendrai savoir ce qu'il faut que je fasse,
Et demander votre ordre avec empressement
Sur le choix ou du prince ou de quelque autre amant.
Agréez cependant un respect qui m'amène
Vous rendre mes devoirs comme à ma souveraine ;
Car je n'ose douter que déjà l'empereur
Ne vous ait redonné bonne part en son coeur.
Vous avez sur vos rois pris ce digne avantage
D'être ici la première à rendre un juste hommage ;
Et pour vous imiter, je veux avoir le bien
D'être aussi la première à vous offrir le mien.
Cet exemple qu'aux rois vous donnez pour un homme,
J'aime pour une reine à le donner à Rome ;
Et plus il est nouveau, plus j'ai lieu d'espérer
Que de quelques bontés vous voudrez m'honorer.

BERENICE
A vous dire le vrai, sa nouveauté m'étonne :
J'aurais eu quelque peine à vous croire si bonne ;
Et je recevrais l'offre avec confusion
Si je n'y soupçonnais un peu d'illusion.
Quoi qu'il en soit, madame, en cette incertitude
Qui nous met l'une et l'autre en quelque inquiétude,
Ce que je puis répondre à vos civilités,
C'est de vous demander pour moi mêmes bontés,
Et que celle des deux qui sera satisfaite
Traite l'autre de l'air qu'elle veut qu'on la traite.
J'ai vu Tite se rendre au peu que j'ai d'appas ;
Je ne l'espère plus, et n'y renonce pas.
Il peut se souvenir, dans ce grade sublime,
Qu'il soumit votre Rome en détruisant Solyme,
Qu'en ce siége pour lui je hasardai mon rang,
Prodiguai mes trésors, et mes peuples leur sang,
Et que s'il me fait part de sa toute-puissance,
Ce sera moins un don qu'une reconnaissance.

DOMITIE
Ce sont là de grands droits ; et si l'amour s'y joint,
Je dois craindre une chute à n'en relever point.
Tite y peut ajouter que je n'ai point la gloire
D'avoir sur ma patrie étendu sa victoire,
De l'avoir saccagée et détruite à l'envi,
Et renversé l'autel du dieu que j'ai servi :
C'est par là qu'il vous doit cette haute fortune.
Mais je commence à voir que je vous importune.
Adieu. Quelque autre fois nous suivrons ce discours.

BERENICE
Je suis venue ici trop tôt de quatre jours ;
J'en suis au désespoir et vous en fais excuse.

DOMITIE
Dans quatre jours, madame, on verra qui s'abuse.


Scène 4
BERENICE, PHILON

BERENICE
Quel caprice, Philon, l'amène jusqu'ici
M'expliquer elle-même un si cuisant souci ?
Tite, après mon départ, l'auroit-il maltraitée ?

PHILON
Après votre départ il l'a soudain quittée,
Madame, et s'est défait de cet esprit jaloux
Avec un compliment encor plus court qu'à vous.

BERENICE
Ainsi tout est égal : s'il me chasse, il la quitte ;
Mais ce peu qu'il m'a dit ne peut qu'il ne m'irrite :
Il marque trop pour moi son infidélité.
Vois de ses derniers mots quelle est la dureté :
Qu'on la serve, a-t-il dit, comme elle fut servie
Alors qu'elle faisait le bonheur de ma vie
.
Je ne le fais donc plus ! Voilà ce que j'ai craint.
Il fait en liberté ce qu'il faisait contraint.
Cet ordre de sortir, si prompt et si sévère,
N'a plus pour s'excuser l'autorité d'un père :
Il est libre, il est maître, il veut tout ce qu'il fait.

PHILON
Du peu qu'il vous a dit j'attends un autre effet.
Le trouble de vous voir auprès d'une rivale
Voulait pour se remettre un moment d'intervalle ;
Et quand il a rompu sitôt vos entretiens,
Je lisais dans ses yeux qu'il évitoit les siens,
Qu'il fuyait l'embarras d'une telle présence.
Mais il vient à son tour prendre son audience,
Madame ; et vous voyez si j'en sais bien juger.
Songez de quelle sorte il faut le ménager.


Scène 5
TITE, BERENICE, FLAVIAN, PHILON

BERENICE
Me cherchez-vous, seigneur, après m'avoir chassée ?

TITE
Vous avez su mieux lire au fond de ma pensée,
Madame ; et votre coeur connaît assez le mien
Pour me justifier sans que j'explique rien.

BERENICE
Mais justifiera-t-il le don qu'il vous plaît faire
De ma propre personne au prince votre frère ?
Et n'est-ce point assez de me manquer de foi,
Sans prendre encor le droit de disposer de moi ?
Pouvez-vous jusque-là me bannir de votre âme ?
Le pouvez-vous, seigneur ?

TITE
          Le croyez-vous, madame ?

BERENICE
Hélas ! Que j'ai de peur de vous dire que non !
J'ai voulu vous haïr dès que j'ai su ce don :
Mais à de tels courroux l'âme en vain se confie ;
A peine je vous vois que je vous justifie.
Vous me manquez de foi, vous me donnez, chassez.
Que de crimes ! Un mot les a tous effacés.
Faut-il, seigneur, faut-il que je ne vous accuse
Que pour dire aussitôt que c'est moi qui m'abuse,
Que pour me voir forcée à répondre pour vous !
Epargnez cette honte à mon dépit jaloux ;
Sauvez-moi du désordre où ma bonté m'expose,
Et du moins par pitié dites-moi quelque chose ;
Accusez-moi plutôt, seigneur, à votre tour,
Et m'imputez pour crime un trop parfait amour.
Vos chimères d'état, vos indignes scrupules,
Ne pourront-ils jamais passer pour ridicules ?
En souffrez vous encor la tyrannique loi ?
Ont-ils encor sur vous plus de pouvoir que moi ?
Du bonheur de vous voir j'ai l'âme si ravie,
Que pour peu qu'il durât, j'oublierais Domitie.
Pourrez-vous l'épouser dans quatre jours ? ô cieux !
Dans quatre jours ! Seigneur, y voudrez-vous mes yeux ?
Vous plairez-vous à voir qu'en triomphe menée,
Je serve de victime à ce grand hyménée ;
Que traînée avec pompe aux marches de l'autel,
J'aille de votre main attendre un coup mortel ?
M' y verrez-vous mourir sans verser une larme ?
Vous y préparez-vous sans trouble et sans alarme ?
Et si vous concevez l'excès de ma douleur,
N'en rejaillit-il rien jusque dans votre coeur ?

TITE
Hélas ! Madame, hélas ! Pourquoi vous ai-je vue ?
Et dans quel contre-temps êtes-vous revenue !
Ce qu'on fit d'injustice à de si chers appas
M'avait assez coûté pour ne l'envier pas.
Votre absence et le temps m'avaient fait quelque grâce ;
J'en craignais un peu moins les malheurs où je passe ;
Je souffrais Domitie, et d'assidus efforts
M'avaient, malgré l'amour, fait maître du dehors.
La contrainte semblait tourner en habitude ;
Le joug que je prenais m'en paraissait moins rude ;
Et j'allais être heureux, du moins aux yeux de tous,
Autant qu'on le peut être en n'étant point à vous.
J'allais...

BERENICE
          N'achevez point, c'est là ce qui me tue.
Et je pourrais souffrir votre hymen à ma vue,
Si vous aviez choisi quelque objet sans éclat,
Qui ne pût être à vous que par raison d'état,
Qui de ses grands aïeux n'eût reçu rien d'aimable,
Qui n'en eût que le nom qui fût considérable.
Il s'est assez puni de son manque de foi,
Me dirais-je, et son coeur n'en est pas moins à moi.
Mais Domitie est belle, elle a tout l'avantage
Qu'ajoute un vrai mérite à l'éclat du visage ;
Et pour vous épargner les discours superflus,
Elle est digne de vous, si vous ne m'aimez plus.
Elle a toujours charmé le prince votre frère,
Elle a gagné sur vous de ne vous plus déplaire :
L'hymen achèvera de me faire oublier ;
Elle aura votre coeur, et l'aura tout entier.
Seigneur, faites-moi grâce : épousez Sulpitie,
Ou Camille, ou Sabine, et non pas Domitie ;
Choisissez-en quelqu'une enfin dont le bonheur
Ne m'ôte que la main, et me laisse le coeur.

TITE
Domitie aisément souffrirait ce partage ;
Ma main satisferait l'orgueil de son courage ;
Et pour le coeur, à peine il vous sait en ces lieux,
Qu'il revient tout entier faire hommage à vos yeux.

BERENICE
N'importe : ayez pitié, seigneur, de ma faiblesse.
Vous avez un coeur fait à changer de maîtresse ;
Vous ne savez que trop l'art de manquer de foi :
Ne l'exercerez-vous jamais que contre moi ?

TITE
Domitie est le choix de Rome et de mon père :
Ils crurent à propos de l'ôter à mon frère,
De crainte que ce coeur jeune et présomptueux
Ne rendît téméraire un prince impétueux.
Si pour vous obéir je lui suis infidèle,
Rome, qui l'a choisie, y consentira-t-elle ?

BERENICE
Quoi ? Rome ne veut pas quand vous avez voulu ?
Que faites-vous, seigneur, du pouvoir absolu ?
N'êtes-vous dans ce trône, où tant de monde aspire,
Que pour assujettir l'empereur à l'empire ?
Sur ses plus hauts degrés Rome vous fait la loi !
Elle affermit ou rompt le don de votre foi !
Ah ! Si j'en puis juger sur ce qu'on voit paraître,
Vous en êtes l'esclave encor plus que le maître.

TITE
Tel est le triste sort de ce rang souverain,
Qui ne dispense pas d'avoir un coeur romain ;
Ou plutôt des Romains tel est le dur caprice
A suivre obstinément une aveugle injustice,
Qui rejetant d'un roi le nom plus que les lois,
Accepte un empereur plus puissant que cent rois.
C'est ce nom seul qui donne à leurs farouches haines
Cette invincible horreur qui passe jusqu'aux reines,
Jusques à leurs époux ; et vos yeux adorés
Verraient de notre hymen naître cent conjurés.
Encor s'il n'y fallait hasarder que ma vie ;
Si ma perte aussitôt de la vôtre suivie...

BERENICE
Non, seigneur, ce n'est pas aux reines comme moi
A hasarder leurs jours pour signaler leur foi.
La plus illustre ardeur de périr l'un pour l'autre
N'a rien de glorieux pour mon rang et le vôtre :
L'amour de nos pareils la traite de fureur,
Et ces vertus d'amant ne sont pas d'empereur.
Mes secours en Judée achevèrent l'ouvrage
Qu'avait des légions ébauché le suffrage :
Il m'est trop précieux pour le mettre au hasard ;
Et j'y pouvais, seigneur, mériter quelque part,
N'était qu'affermissant votre heureuse fortune,
Je n'ai fait qu'empêcher qu'elle nous fût commune.
Si j'eusse eu moins pour elle ou de zèle ou de foi,
Vous seriez moins puissant, mais vous seriez à moi ;
Vous n'auriez que le nom de général d'armée,
Mais j'aurais pour époux l'amant qui m'a charmée ;
Et je posséderais dans ma cour, en repos,
Au lieu d'un empereur, le plus grand des héros.

TITE
Eh bien ! Madame, il faut renoncer à ce titre,
Qui de toute la terre en vain me fait l'arbitre.
Allons dans vos états m'en donner un plus doux ;
Ma gloire la plus haute est celle d'être à vous.
Allons où je n'aurai que vous pour souveraine,
Où vos bras amoureux seront ma seule chaîne,
Où l'hymen en triomphe à jamais l'étreindra ;
Et soit de Rome esclave et maître qui voudra !

BERENICE
Il n'est plus temps : ce nom, si sujet à l'envie,
Ne se quitte jamais, seigneur, qu'avec la vie ;
Et des nouveaux Césars la tremblante fierté
N'ose faire de grâce à ceux qui l'ont porté :
Qui l'a pris une fois est toujours punissable.
Ce fut par là qu'Othon se traita de coupable,
Par là Vitellius mérita le trépas ;
Et vous n'auriez partout qu'assassins sur vos pas.

TITE
Que faire donc, madame ?

BERENICE
          Assurer votre vie ;
Et s'il y faut enfin la main de Domitie...
Mais adieu : sur ce point si vous pouvez douter,
Ce n'est pas moi, seigneur, qu'il en faut consulter.

TITE
Non, madame ; et dût-il m'en coûter trône et vie,
Vous ne me verrez point épouser Domitie...
Ciel, si vous ne voulez qu'elle règne en ces lieux,
Que vous m'êtes cruel de la rendre à mes yeux !


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