Penthésilée joue un rôle important chez les auteurs tardo-latins, byzantins et médiévaux. Aucun d’eux ne rappelle ouvertement son histoire d'amour avec Achille, mais tous signalent l’amour et l’admiration qu’elle éprouve pour Hector, qui est tué au cours d'un guet-apens juste au moment de leur rencontre. Son arrivée à Troie après la mort du fils de Priam redonne courage aux Troyens, mais elle voudrait s’en retourner chez elle ; elle décide finalement de rester à cause de la grande quantité d’argent que lui offre Pâris, s'il faut en croire le témoignage de l’Achéen Dictys et de son imitateur Malalas. Le ton de Darès et des auteurs partisans des Troyens qui le traduisent et l'amplifient est au contraire plein d’admiration pour la belle héroïne.

Dictys Cretensis, Fragmenta, 1a,49,F.6.14-21

ὁ δὲ Ἀχιλλεὺς κρατήσας τινὰ<ς> τῶν κατασκόπων καὶ γνοὺς ἐξ αὐτῶν, ὡς ὑπαντήσει διὰ νυκτὸς Ἕκτωρ τῆι βασιλίδι Πενθεσιλείαι εἰς βοήθειαν αὐτῆς ἐρχόμενος, λαθὼν αὐτὸς καὶ ὑποκρύψας τοὺς ἰδίους μέλλοντι περᾶσθαι Ἕκτορι ποταμὸν ἐπιβαίνει, καὶ ἀπογνοὺς κτείνας τοῦτον [...]

Mais Achille s’empara de quelques espions Troyens et apprit d’eux que pendant la nuit Hector sortirait à la rencontre de la reine Penthésilée pour l’aider. Il se cache avec les siens, attaque Hector qui allait passer le fleuve, et le tue.

Dans un autre fragment du Dictys grec, Penthésilée arrive à Troie après la mort d’Hector et le rachat de son corps. C’est Pâris qui vient à sa rencontre et qui la persuade de rester. Pendant ce temps a lieu la fin tragique de Polydore.

Dictys Cretensis - Fragmenta 1a,49,F.6-7

οὕτω δὲ Πρίαμος λαβὼν τὸ τοῦ Ἕκτορος σῶμα ἐπανῆλθεν εἰς τὴν Ἴλιον· καὶ κηδεύσας τὸν νεκρὸν καὶ τὰς νενομισμένας τοῦ πένθους τελέσας ἡμέρας ἔμαθε τὴν Πενθεσίλειαν καταλαβεῖν τὴν Τροίαν μετὰ πλήθους Ἀμαζόνων, οὔπω τὸν τοῦ Ἕκτορος ἐγνωκυῖαν θάνατον. ὁ δὲ Πάρις ὑπήντησεν ταύτηι μετὰ δώρων πολλῶν, καὶ πείθει ταύτην εἰσελθεῖν ἐν τῆι Τροίαι, ἐλπίδι τοῦ διὰ αὐτῆς περισωθῆναι τὴν πόλιν. ταῦτα πάντα ὁ Δίκτυος ἱστορεῖ. ἐν δὲ τῶι μέλλειν τὴν Πενθεσίλειαν καταλαμβάνειν τὴν πόλιν οἱ Ἀχαιοὶ τὸν Πο[λύδωρον] πρὸ τοῦ [τείχους] τῆς πόλεως ἀναγαγόντες διεκηρυκεύοντο πρὸς τοὺς βαρβάρους ἀποδοῦναι τὴν Ἑλένην καὶ λαβεῖν τὸν Πολύδωρον. ὡς οὖν οὐκ ἠβουλήθησαν, ὁρώντων αὐτῶν κατετόξευσαν τὸν νέον.

Et Priam prit le corps d’Hector et rentra à Troie. Et après avoir conduit les funérailles et achevé le temps du deuil, il apprit que Penthésilée était arrivée à Troie avec beaucoup d’Amazones, dans l'ignorance de la mort d’Hector. Mais Pâris alla à sa rencontre avec bien des cadeaux et la persuada d'entrer dans Troie, avec l’espoir de sauver la ville grâce à elle. C'est ce que raconte Dictys. Pendant que Penthésilée arrivait à Troie, les Achéens portèrent Polydore sous les murs de la cité et demandèrent aux Barbares de rendre Hélène en échange de Polydore. Essuyant un refus, ils le tuèrent sous leurs yeux à coups de flèches.

Le Dictys latin se situe évidemment sur la même ligne : son récit est naturellement complet. Voici les passages les plus importants, où il raconte le lâche guet-apens d’Achille (quantum mutatus ab illo Homerici carminis ! ), de la douleur et de la valeur de la princesse, du duel contre Achille et de sa mort ; et surtout d’Achille qui tente avec noblesse, mais en vain, de s'opposer à la cruelle décision de Diomède et des autres Achéens de la jeter dans le fleuve encore vivante, pour avoir osé, elle femme, combattre contre des hommes… Mais les Grecs, on le sait, étaient au fond fort misogynes !

Dictys, Ephemerides belli Troiani, passim

III, 15. Nec multi transacti dies, quum repente nunciatur, Hectorem obviam Penthesileae cum paucis profectum : quae regina Amazonum, incertum pretio an bellandi cupidine auxiliatum Priamo adventaverat. Gens bellatrix, et ob id ad finitimos indomita, specie armorum inclyta per mortales. Igitur Achilles paucis fidis adjunctis secum, insidiatum propere pergit, atque hostem securum sui praevortit : tum ingredi flumen occipientem, circumvenit : ita eumque et omnes qui comites regulo, dolum hujusmodi ignoraverant, ex improviso interficit.

Peu de jours après, nous apprenons qu'Hector, avec une faible escorte, était sorti à la rencontre de Penthésilée, reine des Amazones, qui arrivait au secours de Priam. Était-elle guidée par l'appât du gain, ou par le désir d'acquérir de la gloire dans les combats ? c'est ce qu'on ne sait pas. La nation des Amazones était toute guerrière ; invincible jusqu'alors pour ses voisins, la gloire de son nom s'était répandue par toute la terre. Alors Achille se fait suivre d'un petit nombre de soldats sur lesquels il pouvait compter, s'avance à grands pas pour surprendre l'ennemi. Hector allait traverser le fleuve, Achille l'enveloppe, l'attaque à l'improviste, sans lui donner le temps de se reconnaître, et le tue avec toute son escorte.

16. Inter quae et spes extremas, multi credidere cum nocte simul Graecos moenia invasuros, excisurosque urbem securos, interitu tanti ducis : nonnulli etiam pro confirmato habere, Achillem exercitum, qui duce Penthesilea Priami rebus auxilio venerat, partibus suorum adjunxisse [...]

Au milieu de leur désespoir, les Troyens croient voir les Grecs, enhardis par la mort d'un si grand général, fondre la nuit sur la ville, et renverser les murailles. D'autres se persuadent qu'Achille a entraîné dans son parti Penthésilée, avec l'armée qu'elle amenait au secours de Priam.

[4,2] Interim per eosdem dies Penthesilea, de qua ante memorauimus, cum magna Amazonum manu reliquisque ex finitimo populis superuenit. Quae postquam interemptum Hectorem cognouit, perculsa morte eius, regredi domum cupiens, ad postremum multo auro atque argento ab Alexandro illecta, ibidem opperiri decreuerat. Dein exactis aliquot diebus, copias suas armis instruit, ac seorsum a Troianis ipsa suis modo bellatoribus satis fidens in pugnam pergit, cornu dextro sagittariis, altero peditibus instructo, medios equites collocat: in queis ipsa.

Cependant Penthésilée, dont nous avons déjà parlé, se présenta à la tête d'une puissante armée d'Amazones, et accompagnée de tous les peuples voisins ou tributaires de son empire. Vivement frappée en apprenant la mort d'Hector, elle désirait de retourner dans ses états; mais, gagnée par l'argent d'Alexandre, elle se décida enfin à rester. Quelques jours après, elle range ses troupes en bataille, et, se fiant trop sur ses forces pour employer les Troyens, elle se sépare d'eux, et s'avance au combat dans l'ordre suivant : un corps considérable d'archers formait l'aile droite, I'infanterie la gauche, et la cavalerie, qu'elle commandait en personne, était au centre.

[4,3] Achilles inter equitum turmas Penthesileam nactus hasta petit: neque difficilius quam foeminam equo deturbat, manu comprehendens comam, atque ita grauiter uulneratam detrahens. Quod ubi uisum est, tum uero nullam spem in armis rati, fugam faciunt. Clausisque ciuitatis portis, nostri reliquos quos fuga bello exemerat insecuti obtruncant : foeminis tamen abstinentes manus parcentesque sexui. Dein uti quisque uictor, interfectis quos aduersum ierat, regrediebatur, Penthesileam uisere seminecem etiam nunc admirarique audaciam. Ita breui ab omnibus in eundem locum concursum placitumque uti, quoniam naturae sexusque conditionem superare ausa esset, in fluuium, reliquo adhuc ad persentiendum spiritu, aut canibus dilanianda iaceretur. Achilles interfectam eam sepelire cupiens mox a Diomede prohibitus est. Is namque, percontatus circumstantes quidnam de ea faciendum esset, consensu omnium pedibus attractam in Scamandrum praecipitat; scilicet poena postremae desperationis atque amentiae. Hoc modo Amazonum regina, deletis copiis quibuscum auxiliatum Priamo uenerat, ad postremum ipsa spectaculum dignum moribus suis praebuit.

Cependant Achille se fait jour à travers les escadrons ennemis, arrive jusqu'à Penthésilée, la frappe de sa lance, et la renverse de cheval avec autant de facilité qu'il aurait pu le faire d'une femme ordinaire ; puis, la saisissant par les cheveux, il l'entraîne à sa suite, après l'avoir mortellement blessée. Les ennemis voient tomber leur reine, et n'espèrent de salut que dans la fuite. Les portes de la ville se trouvent fermées; tout ce qui nous avait échappé d'abord en fuyant, tombe enfin sous nos coups. Nous conservâmes cependant, au milieu de la victoire, les égards dus à des femmes, et nous épargnâmes leur faiblesse. Ensuite chacun des nôtres, revenant vainqueur de l'ennemi qui lui avait été opposé, s'arrêtait devant Penthésilée, étendue mourante sur la terre, et ne pouvait assez admirer le courage de cette héroïne. Bientôt l'armée se trouva presque toute rassemblée dans ce lieu ; on délibère alors si, pour la punir d'avoir osé s'élever au-dessus de la nature et de son sexe, on ne devait pas la précipiter dans le fleuve, ou la faire dévorer par des chiens, pendant qu'il lui restait encore assez de vie pour sentir son supplice. Achille voulait qu'on lui rendit les honneurs funèbres ; mais Diomède s'y opposa ; il demanda à chacun des assistants son avis, et, du consentement de toute l'armée, il traîna par les pieds l'infortunée guerrière, et la précipita dans le Scamandre. Ce châtiment sembla convenir à l'acte de désespoir et de démence dont elle s'était rendue coupable. Ainsi la reine des Amazones perdit non seulement les troupes qu'elle amenait au secours de Priam ; mais encore elle offrit à l'armée un spectacle digne de la fureur guerrière qui faisait le fond de son caractère.

Le byzantin Malalas, qui d’habitude suit fidèlement Dictys, fait raconter l’histoire de Penthésilée par Teucros à son neveu Néoptolème. La responsabilité de sa terrible mort en revient à tous les Achéens, et Diomède en est simplement l’exécuteur.

Joannes Malalas, Chronographia, 123-7, passim

καὶ ἐν τῷ συμποσίῳ, ὡς ὄντα ἐκ τοῦ ἰδίου γένους, τὸν Τεῦκρον ὁ Πύῤῥος ᾔτει διηγεῖσθαι αὐτῷ πάντα ἐξ ἀρχῆς τὰ συμβάντα τῷ αὐτοῦ πατρί, φήσας ἀγνοεῖν τὸ ἀκριβές. ὁ δὲ Τεῦκρος ἤρξατο λέγειν οὕτως. Ὁ πᾶς αἰὼν οὐκ ἐξαλείψει τὴν Ἀχιλλέως κατὰ Ἕκτορος νίκην· ὃς μαθὼν Ἕκτορα νυκτὸς βουλόμενον ἀπαντῆσαι τῇ βασιλίδι Πενθεσιλείᾳ, προποιήσας λάθρᾳ ἅμα τῷ ἰδίῳ στρατῷ καὶ ἑαυτὸν σὺν αὐτοῖς ἀποκρύψας, τὸν ποταμὸν διαβαίνοντα τὸν Ἕκτορα κτείνει καὶ ἅπαντας τοὺς αὐτῷ ἑπομένους, ἕνα μόνον καταλιπὼν ζῶντα· ὅντινα χειροκοπήσας Πριάμῳ ἔπεμψεν ἀγγελοῦντα τὸν Ἕκτορος θάνατον [...].

Καὶ ἐν τῷ μεταξὺ παραγίνεται ἡ Πενθεσίλεια ἐκ τῆς ἀντιπέραν Χεῤῥονήσου, πολὺ πλῆθος ἐπαγομένη Ἀμαζόνων καὶ ἀνδρῶν γενναίων. μαθοῦσα δὲ Ἕκτορα ἀναιρεῖσθαι, ὑποστρέφειν ἠπείγετο· Πάρις δὲ τοῦτο μαθών, ἔπεισεν αὐτὴν μένειν, χρυσὸν δοὺς αὐτῇ πολύν. ἀνεθεῖσα δὲ μετὰ τοῦ ἰδίου στρατοῦ, μεθ’ ἡμέρας ὀλίγας ὁπλισαμένη σὺν τῷ πλήθει ἐξέρχεται ἐπὶ τὸ δάπεδον, διαιρεθέντος δὲ τοῦ στρατοῦ αὐτῆς εἰς δύο μέρη, ἵστανται οἱ μὲν τοξόται τὸ δεξιὸν λαβόντες μέρος, οἱ δὲ ὁπλῖται πεζοί, πλείω τῶν ἱππέων ὄντες, τὸν μέσον ἔχοντες τόπον· ἡ δὲ Πενθεσίλεια μέσον τῶν ἱππέων ὑπῆρχε σὺν τῷ σίγνῳ. καὶ λοιπὸν οἱ Δαναοὶ τάξαντες ἑαυτοὺς ἀνθίστανται [...]

ὁ δὲ σὸς πατὴρ Ἀχιλλεὺς μεταξὺ αὐτῶν ὑπάρχων, ἀπεβλέπετο τὴν Πενθεσίλειαν, ζητῶν ἀποκτεῖναι αὐτὴν μαχομένην πικρῶς. καὶ πλησίον ἵππου αὐτῆς φθάσας, δόρατι κρούσας αὐτὴν ἀπὸ τοῦ ἵππου καταβάλλει, καὶ ἔτι ζῶσαν αὐτὴν ἕλκει πεσοῦσαν ἐκ τῆς κόμης. καὶ ἑωρακότες αὐτὴν πεσοῦσαν οἱ λοιποὶ τοῦ στρατοῦ αὐτῆς εἰς φυγὴν ἐτράπησαν· τῶν δὲ Τρώων τὰς πύλας κλεισάντων διὰ τοὺς φεύγοντας, οἱ Ἕλληνες ἡμεῖς τοὺς περιλειφθέντας ἐπιδιώξαντες παρὰ τὸ τεῖχος κτείνομεν, ἀποσχόμενοι τῶν γυναικῶν Ἀμαζόνων, ἅστινας ὁ στρατὸς ἅπας δεσμεύσας ἐμερίσατο. τῆς δὲ Πενθεσιλείας ἔτι ἐμπνεούσης βουλὴ ἡμῖν ἐνέστη ὥστε ζῶσαν εἰς τὸν ποταμὸν ῥιφῆναι ἢ κυσὶν εἰς βρῶσιν παραδοθῆναι· ὁ δὲ Ἀχιλλεὺς ᾔτει ἡμᾶς θανοῦσαν ταφῆναι· καὶ γνόντα τὰ πλήθη ἐφώνησαν εἰς τὸν ποταμὸν ῥιφῆναι. καὶ εὐθέως ὁ Διομήδης ἐπιλαβόμενος αὐτῆς τῶν ποδῶν εἰς τὸν Σκάμανδρον ποταμὸν βάλλει· καὶ θνήσκει παραχρῆμα.

Inter cenandum vero eum rogavit Pyrrhus (cui genere etiam conjunctus erat), uti altius ab origine rem repetens, quae patri suo acciderant enarraret omnia, nihil adhuc certi de his accepisse se maerens. His itaque Teucrus exorsus est : "Victoriam illam quam de Hectore Achilles reportavit nulla aetas oblivioni datura est : qui ubi audisset Hectorem de nocte Penthesileae reginae obviam iturum, praeoccupato ejus itinere se suosque in insidiis collocavit Hectoremque cum suis omnibus flumen traicientibus internecioni dedit ; unico dempto quem stragi superesse voluit manibus abscisis Priamo remittendum cui Hectoris mortem annunciaret. [...] Interim vero ex opposito Chersoneso aderat Penthesilea, Amazonum et bellicosorum virorum exercitu numeroso stipata. Certior autem facta de Hectoris morte in reditum protinus se parat, verum Paris hoc audito auro multo eam de instituto suo demovebat. Illa igitur, cum se suosque paucos per dies refecisset, copiis tandem suis instructa in campum progressa est. Diviso autem in partes duas exercitu, sagittarii ad dextram steterunt, pedites autem gravis armaturae quos equitibus plures habuit ad laevum collocavit, equitibus in medio positis, inter quos ipsa cum signo constitit. Acies vero Graecorum ita ordinata est [...] Pater autem tuus, medius inter eos, reginae ipsi invigilans occasionem venabatur quomodo eam acriter sane pugnantem e medio tolleret. Itaque propius ei accedens hasta eam impetebat et ex equo deturbatam, dum in casu erat, coma arreptam distrahebat. Cadentem vero eam videntes reliqui reliqui ex exercitu ejus fugam omnes capessebant. Cumque urbis portae a Trojanis obseratae fuissent, ut omnem aufugiendi spem suis adimerent, nos hostium reliquias insecuti sub ipsis urbis moenibus trucidavimus, ab Amazonibus interim abstinentes quas in vincla coniectas exercitus omnis inter se divisit. De Penthesilea autem ipsa anhelante adhuc decretum a nobis erat uti vel in flumen projiceretur vel dilanianda canibus objiceretur : caeterum postulabat Achilles mortuam sepulturae tradi : quo audito in fluctus projici eam instabat exercitus. Diomedes itaque pedibus arreptam in Scamandrum praecipitavit ; ubi statim suffocata periit.

La haine des Grecs pour l’héroïne ne s’arrête pas là : après sa mort, Anténor et Énée organisent la trahison de Troie, mais au nombre des conditions de la fausse paix figure la nécessité faite aux Troyens de livrer son cadavre.

Voici donc la Penthésilée de Dictys, assez différente de celle que nous avons connue avec les amours d’Achille. Darès et ses imitateurs partisans des Troyens signalent son courage et son dévouement, mais ne mentionnent pas sa décision de rester à Troie en l'échange de l’or de Priam dont paraissait parler Pausanias. Mais beaucoup plus intéressante est une autre variante : elle meurt tuée par Néoptolème, et non par son père Achille, et son corps est rendu sans problème aux Troyens qui l’ensevelissent avec tous les honneurs, à en juger d'après les paroles de Benoît et Guido. Il faut cependant remarquer que ni Darès ni Joseph Iscanus ne mentionnent cette version ; est-ce une spécificité des auteurs médiévaux, de vouloir rendre hommage à une reine si aimable ? Quoi qu'il en soit, l'anglais Iscanus ajoute qu'elle meurt avec pudeur, comme César sous les coups de ses meurtriers.

Dares, de excidio Troiae,36

Postero die Agamemnon coepit exercitum ante portam instruere, et Dardanos in praelium prouocare. Priamus subsistere, urbem munire et quiescere usque dum Penthesilea cum Amazonibus superueniret. Penthesilea postea superuenit, et exercitum contra Argiuos eduxit: fit praelium ingens, per aliquot dies pugnatur. Argiui in castris opprimuntur. Cui uix Diomedes obstitit: alioqui castra uastasset, naues incendisset Argiuorum, et uniuersum exercitum deuastasset. Praelio diremto Agamemnon suos in castris retinet. Interim Penthesilea prodit quotidieque deuastat Argiuos, in bellum prouocat. Agamemnon ex consilio castra munit tueturque, et in bellum non prodit, usque dum aduenit Menelaus cum Neoptolemo. Neoptolemus ut aduenit patris sui arma accipit, circa patris tumulum lamentatur clamore magno. Penthesilea ex consuetudine aciem instruit, et prodit usque ad castra Argiuorum. Prodit Neoptolemus, Myrmidonas instruit, et contra educit. Agamemnon exercitum instruit: acriter ambo concurrunt. Neoptolemus stragem facit: Penthesilea occurrit, fortiter cominus stetit. Dum per aliquot dies acriter pugnauerunt, ambo multos occiderunt. Penthesilea Neoptolemum sauciat. Ille, dolore accepto, Amazonum ductricem Penthesileam obtruncat. Eo facto totum exercitum Troianorum in urbem fugat. Argiui cum exercitu murum circundant, ut foras Troiani exire non possent.

Le lendemain, Agamemnon rangea son armée en bataille devant la principale porte de la ville, et se mit à provoquer les Troyens au combat ; mais Priam, qui attendait Penthésilée et ses Amazones, plutôt que de combattre, aima mieux se tenir tranquille, réparer les fortifications de sa capitale et faire reposer ses troupes. Aussitôt que Penthésilée fut arrivée, cette guerrière fit avancer son armée contre les Grecs. Alors commença un sanglant combat qui dura plusieurs jours. Enfin les Grecs sont repoussés jusque dans leur camp: à peine Diomède peut-il empêcher qu'il ne soit pillé, que la flotte ne soit incendiée, et l'armée entièrement détruite. Après ce combat, Agamemnon défendit à ses troupes de sortir du camp jusqu'à l'arrivée de Ménélas et de Néoptolème; elles obéirent malgré les provocations de la reine des Amazones. A son arrivée, le fils d'Achille se revêtit des armes de son père, ensuite il se rendit à son tombeau où il poussa de grands cris et se livra à de tristes lamentations. Cependant Penthésilée, selon sa coutume, dispose ses troupes au combat, et s'avance jusqu'au camp des Grecs. Néoptolème en fait sortir ses Myrmidons, les dispose an combat et marche à sa rencontre; Agamemnon le suit avec le reste de l'armée. Le premier choc est terrible. Le fils d'Achille fait d'abord un grand carnage des ennemis ; Penthésilée accourt, et se présente à lui animée d'un grand courage. Pendant plusieurs jours ils ne cessèrent de se combattre, et tous deux donnèrent la mort à plusieurs braves guerriers. Enfin Penthésilée fait une blessure à Néoptolème qui, rendu furieux par la douleur, lui porte de plus grands coups, et lui donne la mort. Encouragé par cette victoire, il met en déroute toute l'armée troyenne, et la poursuit jusqu'aux pieds de ses murailles, dont toute l'armée grecque fait ensuite l'investissement afin qu'aucun Troyen n'en puisse sortir.

Iosephus Iscanus, Daretis Frigii Ylias, VI 564-669 passim

Nulla tamen pavidis nudo fiducia Marte
Campestres iterare manus seque urbe tuentur,
Virgineas donec Priamo peltata bipennes
Penthesilea movet. Hec integrat arma, cohortes
Firmat bellatrixque viris dat femina vires.
Panduntur porte, refugosque in castra Pelasgos
Pellit agens, iugulis gladios, incendia velis
Destinat. Excutiens Titides unus utrumque
Clarius in nullis expressit Tidea bellis.

Adventus Pirri ad bellum
Ecce Neoptolomus dena subit hostia pinu
Egeas permensus aquas. Quis prelia fatis
Fortunam miscere neget ? Dant fata Pelasgis
Pirrum, dat Sciticas Frigiis Fortuna catervas.
Prodierant in bella pares, stetit inde Pelasgum
In cuneos collecta acies, hinc virgine mixta
Troia frequens. Utrimque dei, sua quisque choruscat
Numina; Palladie pacem mentitur olive
Cicropidum clipeus, gentili Marte minatur
Bistonidum cassis ; Mars undique et undique luno,
Plurima fraxineo nunc verberat aera peplo,
Nunc sedet in parmis, capitum nunc surgit in arces.
At Frix Ydea Cibele Ydaliaque superbit Cypride,
fulminei Tirias pars alitis alas
Incestat Ganimede suo. Sic ire decorum
Certantes, sic dulce viris confligere divos.
Eminet horrificas rapiens post terga secures
Virginei regina chori. Non prodiga cultus
Cura trahit, non forma iuvat ; frons aspera, vestis
Decolor insertumque armis irascitur aurum.
Si risum, si verba notes, si lumina pendas
Nil leve, nil fractum, latet omni femina facto.
Obvius ultrices accendit in arma cohortes
Mirmidonasque suos curru prevectus hanelo
Pirrus ; non ducibus miles, non ultor Atridis,
Sed sibi bella gerit ; meritosque offensus in hostes
Arma patris patris ultor habet, sed tanta recusant
Pondera crescentes humeri maioraque cassis
Colla petit breviorque manus vix colligit hastam.

Interfectio Penthesilee
Iamque humiles populata manus concurrere binos
Molitur Fortuna duces, nec longa moratí
Arma parant parentque alacres. Audentibus olim
Accessum non turba dabat, nunc largior usus
Camporum numerusque minor. Prior aspera Pirrum
Penthesilea premit. Mars hunc, hanc implet Enyo
Ad sexum non tarda suum ; Tritonia neutri,
Neutri Iuno favet, Pirrum nec vincere malint.
In spacium iam crescit ager, porrectus utrique
Contus, utrique ensis, admissos calce fatigant
Cornipedes. Primas perdit sed fraxinus iras ;
Pars clipeis inmersa sedet, pars spargitur arvis,
Partem dextra tenet. Mox certior ense propinquo
Crudescit ferri rabies. Prima erigit ictum
Virgo, sed raptis obliquo vulnere cristis
In clipeum descendit ebur medioque retentum
Vix perfert umbone moras, dumque elicit ensem
Altius impressum, levam mucrone papillam
Transadigit Pirrus. Sic imperiosa virago
Degladiata ruit. Tanta et reverentia sexus,
Sidonias in crura togas sinuosaque texta
Colligit et multum fatis irata fatiscit. Fit fuga
Dardanidum, turbantur Amazones, eger
Ad sexum facilis rediit timor, undique terror
Palantumque metus. Discors ignavia pugnat
Preceptura fugam, nulli succurrere lapsis
Fratribus aut natos mens respexisse vocantes.
Pars iam nacta urbem, Danao pars preda sequenti
Linquitur, at pauci, cum certa pericula cernant,
In pectus redeunt et fata decora merentur.

Benoît de Sainte-Maure, Roman de Troie en prose, passim.

51. En ce termine que li sieges estoit a Troie, estoit reyne de Amazone une dame tres noble que l'en apeloit Pantislee, preuz et hardie aus armes et chevalerose. Et quant ele ot oy parler des proesces Hector, si s'esmut a tout un millier de damoiseles et X. plus corageuses que lyons, et vint a Troie por faire ayde au roy Priant; et cels de Troie sorent lor venue, si lor alerent a l'encontre et lor firent molt grant honor. Et eles i venoient tout pour l'amor de Hector que la reyne Pantislee cuida bien trouver en vie. Et quant ele oÿ que li et tuit si bon frere estoient mort, si s'en failli petit que ele ne s'en retorna et sa compaignie, mes toutevoies dist ele que ele vengeroit ainçois la mort Hector sor les Grizois. Et quant ele vit le roy Priant qu'il estoit viaux, et la reyne Ecuba et les autres dames et damoiselles si tristes et marries de duel et de corrouz, et qui tant ierent beles, si en ot grant pitié; et meesmement quant ele ot seue l'achoison pour quoi la guerre estoit meue, si dist au roy Priant :

« Car faites tost vostre gent armer et apareillier, si irrons hors au Grizois. Sachiez que ge leur vueil au jour d'ui montrer combien ge les aime, et por l'amor de Hector qui tant fu preuz ». Lors sont couruz par la cité aus armes par le commandement au roy Priant, tuit uns et autres. Adonc s'arma la reyne Pantislee de Amazone d'unes armes plus blanches que noif, et ses puceles s'armerent de teles armeures comme eles orent; si furent tres bien apareilliees pour bataillier. Et quant il furent touz et toutes apresté, si fu Darda-nidés, la porte de devers les Grizois, ouverte, et se ferirent cels de Troie entre les Grizois molt vigrosement. La poÿst l'en merveilleux grant estour et fier veoir, maint rudes cops recevoir et doner, et homes et chevaux morz et navrez a terre trebuchier et d'une part et d'autre... Quant li roys Thelamon vit leur gent si malement lesdir et vilener, si en fu molt corrociez et ala ferir la reyne Pantislee, mes ele ne l'aperçut pas, et li dona tel cop que ele chey a terre...Et se ne feust la nuit qui lor sorvint si tost, les Grizois eussent esté desconfit et les nés arses par les fors dames amazonienes, mes il covint aux departir por la nuit. Si s'en vindrent en la cité li Troyen et les dames joieusement, et les Grizois remestrent corrociez et dolent de la perte qu'il orent fet cele jornee. Quant il furent dedenz la cité, si fist li roys Prianz molt grant joie et abandonna a la reyne Pantislee et a sa compaignie por l'amour de lui quancqu'il ot. Si furent aesé cele nuit et se reposerent duques a l'andemain.

52. [...] dura au Grizois ceste besoigne d'estre maumenez touz les jorz duques a tant que li roys Menelaux fu retornez et amena o lui le fil Achillés, et il ne demora que .II. mois entre aler et venir. molt bien apareilliez por aux desfendre; si s'entrecorurent les uns aus autres. La ot merveillosement grant bataille et cruel, et molt i ot de venue de morz et de navrez et d'une part et d'autre... Et ilec eussent esté Troyen desconfit, se ne feust la reyne Pantislee et ses pucelles qui i sorvindrent. Ilec jousta Pantislee au roy Thelamon et s'entr'abatirent jus a terre des chevaux, mes ele fu avant relevee qu'il ne fu, se li dona tel cop lors que il chey a paumetons. La sorvindrent les uns et les autres, si recommença li abeteis merveilleux grant et cruel, mes toutevoies fu remontee la reyne par la force de ses damoiselles. .. Et quant Pirrus, li filz Achillés, vit sa gent si mal demener, si lesse Phile-menis qu'il tenoit et l'enmenoit pris, et reprist son escu, et fort s'est escriez a ses compagnons et dist: « Ha ! Seignors, tornez a eles; se sont fames, ce me semble; gardez que eles ne nos toillent place ». Et quand Pantislee l'oÿ, si dist: « Dahé ! tousiax, tu cuides par aventure que nos soions comme ces autres fames, mes nos somes; car li royaumes qui nos apartient desfendons si aux armes que nos ne doutons nului, ne gueres ne trouvons qui nos i mesface. Pour armes porter et por pris conquerre somes nos venues a Troie. Mais ainz que faille li jorz, tu savras de quoi nos servons. A toi et a ta gent, por l'amor de ton pere Achillés, vueil ge vendre le duel que j'ai de Hector le preuz. Et toi por ce desfie ge ». Lors lesse le destrier corre contre Pirrus, et Pirrus vers lui, et en cele venue s'entrenavrerent il molt malement; si vola la lance Pyrrus en ateles et en esclaz, et Pantislee l'a jus gité dou cheval. Si sailli sus Pyrrus molt isnelement et la cuida sachier a terre, mes la presse des chevaux li toli qui sorvint. Et lors fist Pantislee remonter Philemenis qui molt l'en mercia... Puis josta Pyrrus a la reyne Pantislee, mes se ne feust la presse des uns et des autres, ele l'eust mort ou retenu; car ele le tenoit par le nasal du hyaume, et ne li feust pas eschapez, mes la presse li toli. Grant duel ot Polidamas de la mort son frere, si corut sus au Grizois, molt iriez, et en ocist meinz. Et par l'esfort de Pantislee et des Amazonienes qui o lui estoient furent Grizois reculé et s'en feussent fouyz, se ne feust Pyrrus, le fil Achillés, et Dyomedés et Thelamon, qui la chace recou-vrerent. Mes Pantislee ocist, navre et abat Grizois par deseur touz, dont li fiz Achillés la haoit plus que riens, et ele lui autant ou plus, et s'entr'assailloient souvent. Si avint une hore qu'il corurent l'un contre l'autre, et Pyrrus briza sa lance, mes Pantislee l' a feru de la soe par mi le cors et l'a a mort navré, mes il ne chey pas dou cheval. Quant vint grant piece aprés que Pirrus vit que Pantislee n'avoit point de hyaume et que ele l'avoit eu tout derout et decoppé en la bataille, se li corut sus en trahison; mes ele l'aperçut venir, si le cuida ferir avant; mes Pyrrus s'avança et la feri si grant cop que le braz a tout l'escu li fist jus voler, et lors la tumba jus dou cheval par la force de sa gent, et descendi sus lui et li espandi toute la cervele et l'ocist. Et quant Ies Amazonienes virent leur dame morte, si furent toutes aussi comme enragiees, et les Troyens en furent tant dolent que il n'en savoient que faire ne que dire, que merveilleusement bien s'estoit prouvee a toz les estours et molt de biens et d'oneurs lor avoit fet tant comme ele fu avec aux. Lors s'abandonerent les Azomenienes dou corroz de leur dame qui morte estoit et mistrent le tout por le tout, si se ferirent en la bataille sor les Grizois. La ot grant ocision d'une part et d'autre, mes a la parfin ne porent endurer les Azomenienes ne les Troyens, si se trestrent vers la cité adés en reculant et entrerent enz mielz qu'il porent, mes molt i ot ocis de Troyens a l'entrer enz. Et quant cil qui porent eschaper furent dedenz, si clostrent tantost les portes. Et puis vindrent Ies Mirmidonois et trestrent hors le tronçon de la lance dou cors Pirrus, le fil Achillés, leur seignor; si se vuida molt de sanc et l'enporterent au tentes plorant et criant, car il creoient bien qu'il feust morz et que ja mes ne parlast ne ne montast sor cheval. Et tantost aprés ce furent les murs de Troie assegiez, ne ge ne truis pas que bataille en feust puis nule. Quant li Troyen furent en la cité, si furent merveil-leusement triste et corrocié, et commencierent a demener grant duel de lor perte, et seur touz et toutes qui remés estoient en la bataille pleignoient Pantislee.

53… [...] Moult fu ploree et regretee en la cité de Troye la bone royne Pantislee de Amazone; et par desus touz et toutes demenoient grant duel et grant torment ses damoiseles. Et quant vint a l’andemain matin que la grant, la doloreuse bataille ot esté, si alerent les Grizois ou champ et regarderent molt aucun le cors de Pantislee, et disoient que onques mes n’avoient veu fame de si grant biauté comme ele avoit esté. Si voloit Neptolemus, qui Pirrus aussi estoit apelez, qui fiz fu Achillés, que l’en la rendist a ses genz, et que ele eust sepolture si comme ele devoit. Mes Dyomedés ne l’ost des Grizois ne s’i porent acorder ne ne voloient; ainçois la firent en une parfonde riviere que l’en apeloit Escandre, trayner et giter; si en firent einsi lor volonté. Et seur toutes choses, furent Grizois liez et joieux quant il sorent que Pirrus guarroit de la plaie qu’il avoit eu en la bataille, que Pantislee li avoit faite de sa lance, et que li mire disoient de certein que il ne morroit ja, ainz le rendroient sain et hestié en brief tans.

54. [...] Moult se pena Anthenor d’avoir le cors a la reyne Pantislee; si li ostroierent a trop grant poine... Et ceus qui furent alez les cors cerchier et ardoir, si estoient ja revenuz et avoient aporté Glanchum le fil Anthenor, et Pantislee qui avoit esté treste dou flun. Lors fu Glancus molt honorablement enterrez et la reyne Pantislee fu enbasmee tres bien, car li roys Phile-menis l’en fera porter en son pais, se pés se fet.

Guido de Columnis, Historia destructionis Troiae, passim

[Incipit liber xxviiius de aduentu Panthasilee, regine Amazonum.]
Duobus mensibus integraliter euolutis, rex Priamus portas ciuitatis noluit aperiri. Quare Troyanis existentibus clausis portis ad nichil aliud uacauerunt nisi ad continuos gemitus et lamenta. Agamenon uero regem Priamum interim multociens per nuncios requisiuit ut ad bellum gentem suam exire mandaret. Quod rex Priamus omnino negauit, timens suppremum excidium gentis sue, et eo amplius quod rex Priamus indubitabilem spem habebat de quodam succursu infallibiliter obtinendo ab Amazonum regina, que iam accinxerat se ad iter…Huius autem prouincie erat tunc regina quedam uirgo nobilis et nimium bellicosa Penthesilea nomine, que Hectorem sibi nimium astrinxerat in amicum propter sue strennuitatis nimiam probitatem. Sed audito quod Greci contra regem Priamum in magno exercitu ueniebant, ipsa in auxilio regis Priami cum mille puellis in multa strennuitate pugnantibus apud Troyam ob amorem Hectoris se contulit pugnaturam.

Propter quod in ciuitatem Troye cum suarum comitiua puellarum intrauit, ignara tamen Hectorem mortuum extitisse. De cuius morte postquam sibi innotuit, facta est nimium anxiosa et pluribus diebus uacauit in lacrimis. Demum regem Priamum affectuosis est sermonibus allocuta, requirens eum ut sequenti die, omnibus suis paratis ad bellum, vnam ex portis ciuitatis iubeat aperiri. Nam et ipsa cum puellis suis intendit congredi contra Grecos ad bellum, ut Greci proinde ualeant experiri quid in bello ualeant dextere puellarum. [...] Propter quod Menelaus irruit in Penthesileam. Sed Penthesilea sic potenter impulit Menelaum quod ipsum ab equo deiecit. Equum ipsum ab eo aufert et puellis suis assignauit. Dyomedes autem Penthesileam in cursu equi sui et in ictu lancee sue uiolenter agreditur. Illum Panthasilea excipit uirtuose. Ambo in lancearum ictibus se inpellunt sed Penthesilea firma suo stetit in equo. Dyomedes uero ad impellentis ictum totus est nutare coactus; similiter et equs ipsius. Penthesilea itaque a collo Dyomedis scutum uiolenter extirpat et vni puellarum suarum illud assignat. Thelamon itaque tollerare non ualens que per Penthesileam committebantur in bello contra eam equm suum coegit in cursum. Sed Penthesilea uiriliter illum excipiens ipsum ab equo prostrauit in terram, et irruens inter Grecos ipsos acriter debellabat. Quare Greci breui hora cognoscunt Penthesilee potenciam et uirtutem.

Tunc Penthesilea contra suas puellas exclamans ipsas coegit in vnum, et faciens impetum contra Grecos sic uiriliter insistit contra ipsos quod eos necessario coegit in fugam, fugientes a facie puellarum, que incredibiliter premunt eos. Penthesilea autem occidendo Grecos ipsos insequitur fugientes, qui usque ad litus maris fugiendo perueniunt. Ibique omnes Greci finaliter defecissent nisi fuisset ille inclitus Dyomedes, qui mirabilem iniecit resistenciam contra eas. Et tamdiu preliatum est ibi donec superueniente nocte ab ipso prelio fuit cessatum. Tunc Penthesilea cum puellis suis, que tam miraculose se gesserant debellando, et rex Philimenis cum Paflagoniis suis se in urbem Troye commode receperunt. Ibi rex Priamus Penthesilee de commissis ab ea affectuosas grates exhibuit, munera multa et enxenia sibi fecit, omnia sua sibi liberaliter offerendo, cum per eam rex Priamus credat a suis doloribus respirare…Interim Penthesilea cum suis puellis ad bellum aduenit inter signis armorum candidis sicut niue, in Mirmidones se ingessit, eos uulnerat et prosternit ab equis. Verum Thelamonius Aiax Penthesileam aggreditur, ipsam ab equo deiecit. Sed illa animose consurgens Thelamonium pedes inuadit. Quem sic percussit grauiter ense nudo quod Thelamonius preceps peruenit in terram, in plantis suarum manuum terram attingens. Puelle uero Penthesileam earum dominam equum ascendere faciunt in multa uirtute bellandi. Que, sibi postquam innotuit quod Philimenis a Mirmidonibus captus erat, statim cum puellis suis contra Mirmidones properat animose. Quos in ore gladii uulnerat et occidit, sic quod per eam Mirmidones retrocedere sunt coacti. Pirrus itaque, uidens Mirmidonum suorum excidium, Philymenem quem ceperat absque lesione dimittit, exclamans fortiter contra suos, quibus tunc dixit sic: "Nonne uereri debetis quod sic turpiter interficiamini a manibus mulierum? Anhelate ergo mecum ut eas subito in ore gladii morti tradamus."

Penthesilea uero Pirri minas audiuit, verum de eis aliquatenus non curauit. Et dum ad Pirrum propinquius accessisset ita quod Pirrus liquide poterat intelligere uerba eius, Penthesilea mortem Hectoris in uerbis suis sibi multum inproperat proditorie ab eius patre commissam, "ad cuius uindictam non solum mulieres habiles ad pugnandum uerum totus mundus deberet assurgere, et nos quas mulieres asserunt esse Greci subito sencient letaliter ictus nostros."

Pirrus uero ad hec uerba in multam iram exarsit, propter quod contra Penthesileam coegit uelociter equm suum. Quem dum Penthesilea persensit, in cursu sui equi velociter obuiam uenit illi, et ictibus lancearum ambo inuicem se impellunt. Pirrus in Penthesileam lanceam suam fregit sed eam ab equi sui sessione non potuit remouere. Penthesilea tamen sic Pirrum impulit grauiter hasta sua quod ipsum ab equo prostrauit in terram. Pirrus autem celer a terra consurgens in Penthesileam se ingerit ense nudo, eam petens et repetens in pluribus ictibus ensis sui. Contra quem Penthesilea plures ictus in sui furore mucronis non minori relacione retorsit. Sed Mirmidones Pirrum eorum dominum in uirtute bellandi ascendere faciunt equum suum…Penthesilea itaque Pirrum aggreditur. Pirrus eam potenter excipit. Ambo in equorum cursu conueniunt, ambo se sternunt ab equis, sed ambo uiriliter reascendunt et ambo inuicem preliantur. Et superuenientibus turmis, ambo sunt inuicem separati. Pollidamas uero de morte fratris sui factus nimium anxiosus in uindictam necis sui fratris crudeliter Grecos premit. Multos ex eis interficit et multis uulneribus ledit eos. Vnde factum est quod in uirtute Pollidamas et Penthesilee plurimum insistencium Greci sunt dare terga coacti. Quos Pollidamas et Penthesilea in ore gladii persequntur. Quibus Pirrus, Thelamonius et Dyomedes resistentes vnanimiter uirtuose fecerunt Grecos a fuga cessare, cum iam longo uie spacio aufugissent. Et cum iam dies declinasset ad solis occasum, a prelio fuit cessatum. Per totum igitur continuum mensem vnum bellum efferbuit inter eos, infra quem plus quam x milia pugnatorum ex utraque parte finaliter deciderunt et Penthesilea interim multas de suis puellis amisit.

Superuenientibus autem diebus sequentibus post vnius mensis lap-sum, bellum durius instauratur et ex utroque latere acies conuenerunt et letale bellum committitur inter eos. Pirrus bellum ingreditur et Penthesilea similiter ex aduerso. Ambo se letali odio persequntur, ambo in letalis belli furore conueniunt. Pirrus in cursu equi sui in Penthesileam lanceam suam fregit sed eam ab equi sui sella non ualuit remouere. Penthesilea tamen tunc Pirrum durius impulit hasta sua. Quem licet non deiecisset ab equo, fregit tamen suam lanceam in eundem sic quod ipsum grauiter uulnerauit, trunco sue lancee in eius persona dimisso. Propter quod clamor fit maximus et in uindictam eius contra Penthesileam Greci plures insurgunt adeo quod laqueos cassidis Penthesilee nimia uirtute disrumpunt. Pirrus uero in sue animositatis furore cum toto trunco quem gestabat in corpore, non considerans quid sibi inde contingeret, Penthesileam aggreditur, cum tunc Penthesilea casside sua careret, ex uiribus contra eam insurgencium tota quassata. Penthesilea autem cum uidit Pirrum contra se uelociter uenientem, prius credidit illum percutere. Sed Pirrus in percuciendo eam uelocius peruenit, et in uirtute brachiorum suorum cum ense suo sic grauiter eam percussit inter humerum et pennam scuti quod per uiolenciam ictus sui sibi brachium amputauit et ab eius humeri naturali iunctura disiunxit. Penthesilea itaque mortua preceps peruenit in terram. Et Pirrus in sue uindicte satisfaccionem totum corpus eius per frusta truncauit. Et ipse ob multam effusionem sui sanguinis ex suo uulnere defluentis se sustinere non ualens in medio bellancium cecidit semiuiuus. Quem sui in eius scuto ad sua tentoria detulerunt.

Puelle uero Penthesilee de morte eius nimium sunt turbate, mori penitus affectantes.

XXIX - Et nichilominus Anthenor postulauit a Grecis Penthesilee corpus sibi concedi. Quod Greci sibi cum difficultate maxima et multarum precum laboribus concesserunt. Interim autem Glaucus, regis Priami filius, honorifice sepellitur, et de corpore Penthesilee fuit tunc per regem Philimenem, Troianis acceptantibus, ordinatum quod inhumatum interim remaneret donec, tractata pace, rex Philimenis deferet in regnum Amazonum corpus ipsum, ubi deberet in regno suo, tamquam corpus regine, more regio sepeliri.

Dante et Boccace

Un tel personnage ne pouvait rester inconnu du poète de la Divine Comédie. Il connaissait évidemment les vers de Virgile déjà commentés à propos des amours d’Achille, et très probablement la scholie de Servius à Aen. XI 842, où le nom de Camille était associé à celui de Penthésilée : "luisse ergo supplicium Camillam dicunt, quae adversum Troianos arma tulerit, quibus maiores eius auxilium constat tulisse, id est Penthesileam". Servius donc avait établi un lien de parenté entre les deux héroïnes, pour nous fort improbable. Mais Dante (Enfer IV, 124) paraît l’accepter, puisqu'il les place, toutes païennes qu'elles soient, dans les Limbes, l’une près de l’autre en compagnie d'Hector, d'Énée et d'Électre : son admiration pour elles devait être considérable, et les paroles de Servius, en tout cas, étaient dirigées contre Camille, pas contre Penthésilée :“Viddi Cammilla e la Pentesilea”.

Quelques années plus tard, Boccace faisait de la reine des Amazones un portrait peut-être peu conforme à la vraisemblance historique, mais tout à fait valable sur le plan sentimental...

Boccacce, De claris mulieribus, 32. De Penthesilea regina Amazonum.

© Francesco Chiappinelli


Merci au professeur Francesco Chiappinelli, auteur de l'Impius Aeneas, de nous avoir fourni ces textes.
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