L'IMPIUS AENEAS de Francesco Chiappinelli présente une longue série de témoignages attestant ou suggérant la trahison de Troie par Enée ; cette contribution sur la traîtrise d'Anténor se fonde évidemment sur les mêmes sources. Mais pour affranchir le pieux héros de toute suspicion, les anciens poètes (Virgile surtout) chargent Anténor ; les auteurs grecs sont plus nombreux que les latins à s'intéresser à ce dernier : les oppositions politiques à propos des empereurs de la gens Iulia expliquent la différence. Nombre de ces auteurs grecs remontent en effet à la période impériale : Anténor n'est nommé ni par Proclus ni dans les fragments du Cycle.


La légende de la trahison trouve peut-être son origine dans l'amplification de ces vers d'Homère :

Iliade, VII, 344-365

Τρώων αὖτ᾽ ἀγορὴ γένετ᾽ Ἰλίου ἐν πόλει ἄκρηι
δεινὴ τετρηχυῖα, παρὰ Πριάμοιο θύρηισι·
τοῖσιν δ᾽ Ἀντήνωρ πεπνυμένος ἦρχ᾽ ἀγορεύειν·
κέκλυτέ μευ Τρῶες καὶ Δάρδανοι ἠδ᾽ ἐπίκουροι,
ὄφρ᾽ εἴπω τά με θυμὸς ἐνὶ στήθεσσι κελεύει.
δεῦτ᾽ ἄγετ᾽ Ἀργείην Ἑλένην καὶ κτήμαθ᾽ ἅμ᾽ αὐτῆι
δώομεν Ἀτρεΐδηισιν ἄγειν· νῦν δ᾽ ὅρκια πιστὰ
ψευσάμενοι μαχόμεσθα· τὼ οὔ νύ τι κέρδιον ἡμῖν
ἔλπομαι ἐκτελέεσθαι, ἵνα μὴ ῥέξομεν ὧδε.
ἤτοι ὅ γ᾽ ὣς εἰπὼν κατ᾽ ἄρ᾽ ἕζετο· τοῖσι δ᾽ ἀνέστη
δῖος Ἀλέξανδρος Ἑλένης πόσις ἠϋκόμοιο,
ὅς μιν ἀμειβόμενος ἔπεα πτερόεντα προσηύδα·
Ἀντῆνορ σὺ μὲν οὐκέτ᾽ ἐμοὶ φίλα ταῦτ᾽ ἀγορεύεις·
οἶσθα καὶ ἄλλον μῦθον ἀμείνονα τοῦδε νοῆσαι.
εἰ δ᾽ ἐτεὸν δὴ τοῦτον ἀπὸ σπουδῆς ἀγορεύεις,
ἐξ ἄρα δή τοι ἔπειτα θεοὶ φρένας ὤλεσαν αὐτοί.
αὐτὰρ ἐγὼ Τρώεσσι μεθ᾽ ἱπποδάμοις ἀγορεύσω·
ἀντικρὺ δ᾽ ἀπόφημι γυναῖκα μὲν οὐκ ἀποδώσω·
κτήματα δ᾽ ὅσσ᾽ ἀγόμην ἐξ Ἄργεος ἡμέτερον δῶ
πάντ᾽ ἐθέλω δόμεναι καὶ οἴκοθεν ἄλλ᾽ ἐπιθεῖναι.
ἤτοι ὅ γ᾽ ὣς εἰπὼν κατ᾽ ἄρ᾽ ἕζετο·

Chez les Troyens, il y avait aussi une assemblée (dans l'acropole d'Ilion) terrible, agitée, à la porte de Priam. Le sage Anténor y parla le premier : « Ecoutez-moi, Troyens, Dardaniens, alliés, afin que je dise ce que mon coeur, en ma poitrine, m'inspire. Allons, Hélène d'Argos, et ses biens avec elle, rendons-les aux Atrides, qu'ils les emmènent. Maintenant, c'est contre la foi jurée que nous combattons ; aussi nul avantage n'est à espérer, je crois, qui nous empêche de faire ce que je dis ». A ces mots, il s'assit. Alors se leva au milieu d'eux le divin Alexandre, mari d'Hélène aux beaux cheveux, qui répondit par ces mots ailés : « Anténor, tu cesses de me plaire en parlant ainsi ; tu sais, d'autres fois, concevoir de meilleurs avis. Si vraiment, ici, tu parles sérieusement, alors, certes, les dieux eux-mêmes t'ont ôté le sens. Pour moi, je vais parler aux Troyens dompteurs de chevaux. Je vous le dis en face, cette femme, je ne la rendrai pas. Quant aux biens que j'ai rapportés d'Argos dans notre palais, je consens à les donner tous, et même, de mon patrimoine, à en ajouter d'autres ». Ayant dit, il se rassit.

Mais dès l'époque de sa première ambassade, Anténor avait offert l'hospitalité à Ulysse et Ménélas, que (selon d'autres sources) Pâris et les autres princes voulaient tuer. Homère en fait un argument de la célèbre teichoscopie, et le vieil Anténor répond à Hélène.

Iliade III 202 sqq

τὴν δ᾽ αὖτ᾽ Ἀντήνωρ πεπνυμένος ἀντίον ηὔδα·
ὦ γύναι ἦ μάλα τοῦτο ἔπος νημερτὲς ἔειπες·
ἤδη γὰρ καὶ δεῦρό ποτ᾽ ἤλυθε δῖος Ὀδυσσεὺς
σεῦ ἕνεκ᾽ ἀγγελίης σὺν ἀρηϊφίλωι Μενελάωι·
τοὺς δ᾽ ἐγὼ ἐξείνισσα καὶ ἐν μεγάροισι φίλησα.

Alors le sage Anténor s'adressa à Hélène : « Femme, c'est bien vrai, ce que tu dis là. Il est déjà venu ici, le divin Ulysse, à ton sujet, en ambassade, avec Ménélas aimé d'Arès. Je les ai reçus en hôtes, et bien traités dans mon palais ».


Différentes sources disent expressément que les Achéens lui en furent reconnaissants et qu'ils épargnèrent sa maison de l'incendie. Mais elles ajoutent à cette reconnaissance une autre raison, bien plus grave : la trahison. Ni Homère ni le Cycle n'en parlent, mais le témoignage de Denys d'Halicarnasse ferait remonter à des temps bien anciens cette accusation à l'égard d'Anténor et de ses fils, les Anténorides.

Scholia in Iliadem 3.205a

ὅτε ἐκ Τενέδου ἐπρεσβεύοντο οἱ περὶ Μενέλαον, τότε Ἀντήνωρ ὁ Ἱκετάονος ὑπεδέξατο αὐτούς, καὶ δολοφονεῖσθαι μέλλοντας ἔσωσεν· ὅθεν μετὰ τὴν ἅλωσιν τῆς Τροίας ἐκέλευσεν Ἀγαμέμνων φείσασθαι τῶν οἰκείων Ἀντήνορος, παρδάλεως δορὰν ἐξάψας πρὸ τῶν οἴκων αὐτοῦ.

Lorsque les rois qui soutenaient Ménélas envoyèrent des ambassades depuis Tenedos, Anténor, fils d'Icétaon, les reçut chez lui et leur sauva la vie, car on voulait les tuer dans une embuscade ; après la prise de Troie, Agamemnon ordonna d'épargner les biens d'Anténor, en faisant accrocher une peau de léopard devant son palais.

Pausanias X, 27,1

Ἔστι δὲ οἰκία τε ἡ Ἀντήνορος καὶ παρδάλεως κρεμάμενον δέρμα ὑπὲρ τῆς ἐσόδου, σύνθημα εἶναι τοῖς Ἕλλησιν ἀπέχεσθαι σφᾶς οἴκου τοῦ Ἀντήνορος.

Devant le logis d'Anténor il y a une peau de léopard, comme pour lui servir de sauvegarde et pour avertir les Grecs de respecter cette maison.

Scholia in Pindarum P 5.109

Et les Grecs pendant la destruction de Troie accrochèrent une peau de léopard à la maison d'Anténor, pour signifier à leurs soldats de ne pas la détruire comme une maison ennemie.

Scholia in Aristophani Aves 933

L'expression de Sophocle remonte à la peau accrochée devant la maison d'Anténor.

Strabon, Géographie 13.1.52-53

Περιγενέσθαι γὰρ δὴ τοῦτόν φασιν ἐκ τοῦ πολέμου διὰ τὴν πρὸς Πρίαμον δυσμένειαν

Αεὶ γὰρ Πριάμῳ ἐπεμήνιε δίῳ,
οὕνεκ´ ἄρ´ ἐσθλὸν ἐόντα μετ´ ἀνδράσιν οὔ τι τίεσκε,

τοὺς δὲ συνάρχοντας Ἀντηνορίδας καὶ αὐτὸν τὸν Ἀντήνορα διὰ τὴν Μενελάου παρ´ αὐτῷ ξενίαν. Σοφοκλῆς γοῦν ἐν τῇ ἁλώσει τοῦ Ἰλίου παρδαλέαν φησὶ πρὸ τῆς θύρας τοῦ Ἀντήνορος προτεθῆναι σύμβολον τοῦ ἀπόρθητον ἐαθῆναι τὴν οἰκίαν.


On prétend, en effet, que, si ce prince survécut à la guerre de Troie, il le dut uniquement à la haine ouverte qu'il professait pour le roi Priam.

Car il frémissait, indigné dès longtemps contre le divin Priam,
qui ne faisait rien pour honorer sa mâle bravoure dans les combats
(Il. XIII, 460),

de même que les Anténorides, qui s'étaient partagé avec Enée la souveraineté de la Dardanie, voire Anténor lui-même, ne durent leur salut, paraît-il, qu'au souvenir de l'hospitalité que Ménélas avait reçue d'Anténor. Sophocle rappelle le fait, dans sa Prise d'Ilion, quand il dit qu'on avait placé la dépouille d'une panthère devant la porte d'Anténor pour indiquer que sa demeure devait être respectée.

Denys d'Halicarnasse, Antiquités romaines 1.46

Ἰλίου κρατηθέντος ὑπ´ Ἀχαιῶν, εἴτε τοῦ δουρείου ἵππου τῇ ἀπάτῃ, ὡς Ὁμήρῳ πεποίηται, εἴτε τῇ προδοσίᾳ τῶν Ἀντηνοριδῶν εἴτε ἄλλως πως...

Quand Troie fut prise par les Achéens, soit par le stratagème du cheval de bois, comme le représente Homère, soit par la trahison des Anténorides, soit d'une autre façon...

Aelianus Soph., NA 14.8

Πόλις ἐστὶν ἐν τοῖς ὑπὸ τὴν ἑσπέραν χωρίοις Ἰταλική. ὄνομα αὐτῇ Πατάβιον. Ἀντήνορος ἔργον εἶναι λέγουσι τοῦ Τρωὸς τὴν πόλιν. ταύτην δὲ ᾤκισεν ἄρα οἴκοθεν σωθείς, ὅτε ἀπηλλάγη τῆς πατρίδος ἁλούσης τῆς Ἰλίου, αἰδεσθέντων αὐτὸν τῶν Ἑλλήνων, ἐπεὶ πρεσβεύοντα τὸν Μενέλεων σὺν τῷ Ὀδυσσεῖ ὑπὲρ τῆς Ἑλένης ἔσωσεν, Ἀντιμάχου συμβουλεύσαντος ἀποκτεῖναι αὐτούς.

Il y a une ville italique à Occident (sic, ndr) qui s'appelle Padoue. On dit que cette ville fut fondée par le troyen Anténor, lorsqu'il s'enfuit, sain et sauf, de sa patrie, après la destruction de Troie. Les Grecs épargnèrent sa vie car il avait sauvé Ménélas, lors de l'ambassade au cours de laquelle, avec Ulysse, il avait redemandé Hélène, tandis qu'Antimaque avait conseillé de les tuer.

Quintus de Smyrne, XIII 291 sqq.

Ἄλλοι δ’ ἀλλοίοις ἐνὶ δώμασι θυμὸν ἔλειπον
ἀνέρες· ἐν δ’ ἄρα τοῖσι βοὴ πολύδακρυς ὀρώρει·
ἀλλ’ οὐκ ἐν μεγάροις Ἀντήνορος, οὕνεκ’ ἄρ’ αὐτοῦ
Ἀργεῖοι μνήσαντο φιλοξενίης ἐρατεινῆς,
ὃς ξείνισσε πάροιθε κατὰ πτόλιν ἠδ’ ἐσάωσεν
ἰσόθεον Μενέλαον ὁμῶς Ὀδυσῆι μολόντα.
Τῷ δ’ ἐπίηρα φέροντες Ἀχαιῶν φέρτατοι υἷες
αὐτὸν μὲν ζώοντα λίπον καὶ κτῆσιν ἅπασαν,
καὶ Θέμιν ἁζόμενοι πανδερκέα καὶ φίλον ἄνδρα.

Çà et là dans les maisons les guerriers perdaient la vie ; et parmi eux s'élevaient des cris lamentables. Seule la maison d'Anténor fut préservée ; car les Argiens se rappelèrent son hospitalité bienveillante ; il avait reçu chez lui et sauvé le divin Ménélas venu à Troie avec Ulysse ; aussi, pleins de reconnaissance, les fils illustres des Argiens lui laissèrent sa vie et tous ses biens ; car ils respectaient Thémis qui voit tout et le guerrier qui fut leur ami.


Et surtout on lui attribue, comme déjà à Hélénus, la révélation aux Grecs de l'importance du Palladium :

Suidas, ad vocem

Palladium : Diomède et Ulysse, lors de l'ambassade à Priam, l'enlevèrent du temple. Celle qui le leur donna était Théano, femme d'Anténor, qui en était la prêtresse et le gardait. Ils avaient appris en effet par un oracle et par Anténor que le royaume des Phrygiens serait solide tant que le Palladium resterait à Troie.

Il faut signaler l'importance de Suidas : il apporte le seul témoignage grec de cette faculté d'Anténor, qu'on attribuait plutôt à Hélénus.


Les témoignages latins sur la trahison d'Anténor sont les mêmes que ceux qui concernent Enée. Je veux tout de même en souligner un, qui paraît l'objet d'une variation de Darès.

Servius, ad Aen., II 15

Eqvvm : de hoc equo varia in historiis lecta sunt : [...] ut alii, porta quam eis Antenor aperuit, equum pictum habuisse memoratur, vel certe Antenoris domus, quo posset agnosci. non nulli signum equi datum, ut internoscerent Graeci suos, vel hostes. a quibusdam dicitur facta proditione praedictum, ne quis eas domos violaret, quarum ante ianuam equus esset depictus.

Cheval : A propos de ce cheval, on trouve dans les histoires des versions différentes [...] Selon d’autres, c’est sur la porte que leur ouvrit Anténor qu’était peint un cheval, ou plutôt, certainement, sur la porte de la maison d’Anténor, pour qu’il pût être reconnu. Certains disent qu'on choisit ce symbole du cheval pour que les Grecs pussent faire la différence entre les leurs et les ennemis. Certains affirment qu’au moment de la trahison on s’entendit à l’avance : on n’envahirait pas les maisons sur la porte desquelles aurait été peint un cheval.

Dares, Excidium Troiae, 40

Hoc pacto confirmato, et jurejurando astricto, suadet Polydamas, noctu exercitum ad portam Scaeam ut adducant, ubi extrinsecus caput equi pictum est, ibi praesidia habere noctu Antenorem cum Anchise, exercitusque noctu portam reseraturos, eisque lumen prolaturos. Id signum eruptionis fore, quod ibi praesto forent qui ad regiam eos ducant.

Cet engagement ratifié et revêtu de la sanction du serment, Polydamas conseille aux Grecs de conduire pendant la nuit leur armée devant la porte de Scée, sur laquelle était représentée la tête d'un cheval, parce qu'Anténor et Anchise, qui la gardaient pendant la nuit, la leur ouvriraient et leur montreraient un flambeau. Il ajouta que c'était le signal de leur arrivée, et qu'aussitôt ils trouveraient des guides pour les conduire au palais du roi.


Mais avec Darès nous sommes entrés dans la littérature tardo-latine et médiévale : nous devons ici rejoindre Enée.

Joseph of Exeter, Frigii Daretis Iliados, liber VI

Proditio urbis et eversio

660 Venerat extremi revoluto stamine pensi
Fatorum promissa dies, decimusque rotabat
Speratum Titana labor. Presagia mille,
Mille mali micuere mine, metuenda comete
Sanguineis cecinere comis, ac Phebus uterque
Nunc duplex, nunc nullus erat. Non crebrior umquam
Ira lovis, non plura novis portenta figuris
Visa prius ; silicum lacrimis, sudore deorum,
Latrantum gemitu partuque in monstra soluto
Venturi iam clara fides. Accendit Achivos
670 Testorides panditque deos. Illi undique muris
Insultant, qua terra patet ; pars nectere classes
Destinat et cunctos urbis temptare recessus.
At Frigii reditus Ledeos pace pacisci
Et tandem longis hortantur federa bellis.
Suadet idem Anthenor, suadet facundior illo
Polidamas, suadet leni mitissimus ore
Dux Anchisiades.
Reges cecidisse queruntur
Et raras superesse manus : « Nec sola gemiscit
Ylios aut Frigii fines, at quicquid Ydaspen
680 Gemmiferum Sciticique interiacet equoris algas,
Belli dampna dolet, nec par Fortuna Pelasgis :
Pugnat Achilleides, consultat Nestor, Ulixes
Fallit et Atridas ultrix exasperat ira ».
Haut tulit Amphimacus, pacem negat, arma reposcit,
Edicit laxare fores Frigibusque triumphum
Destinat aut pulchro victuram funere famam.
Ipse equaturus fratres, verum Hectore maior,
Si cedat puer et pugiles vir surgat in annos.
Quin, Priamo licet in senium deiectior etas
690 Algentesque negent onerari casside cani,
In sene non marcet princeps, in principe vernat
Miles et imbelles audent certamina ruge.
At ducis offendit ausus cogitque timere
Mobilitas suspecta Frigum : Bellum auctor agendum
Iusserat Anthenor, nunc suadet federa ; Sparten
Eneas populatum ierat, nunc reddere predam
Censet et hostilem cupiat meruisse favorem.

Ergo dolis cassare dolos et tollere fraudem
Fraude parat formatque artes hoc ordine ductor :
700 Fingere sacra vovet festeque ad federa mense
Invitare duces : « Dumque una pocula tractant,
Irruat Amphimacus, armatis acer inermes
Occupet insidiis ! Sic tuti libera Martis
Copia, et herebit nullis victoria causis ».
Interea questique diu bellumque perosi
In fedus coiere Friges, iuratur in usum
Perfidie periura fides Anthenore dirum
Parturiente nefas; huius consulta secuti
Ucalegon atque Amphidamas nec iustior ipso
Polidamante Dolon, patrieque in dampna ruentis
Impius et tantis Eneas consonus ausis.
Nuncius Argolicis prodendas indicat arces
Polidamas pacemque in pactum fraudis habendam
iuratis poscit tacitumque in menia furto
Spondet iter Danais. Nestor timet, heret Ulixes,
Furta negat Pirrus. Illos incerta morantur
Pollicita et falli metuunt, hic vincere certus
Nocturnis refugit bellis fedasse triumphum.
Res turbat suspecta duces Frigioque retento
720 Traditur Inachio legati cura Sinoni,
Promissis an danda fides. Petit ille penates
Yliacos dubiosque Anchisa teste timores
Solvit et acceptas iurante Anthenore voces.
Ergo fidem ducibus testati numina pangunt
Inachide letique iubent sua seque suosque
In nullos nutare metus ; dona insuper addunt
Et firmant promissa datis nec Pergama tantum,
Innumeras Asie spondent cum civibus urbes.
Hiis hilaris Frix certus abit, quaque hostis in urbem
730 Captet iter, quando veniat, que signa movendi
Militis, et cauto dispensat singula nutu.
Porta latens tacitosque dolis furata meatus
Inscriptum Pegasi tollit caput, hac iter Argis,
Huc iussi venere duces.
Sol merserat axem,
Venturis hoc tempus erat. Fax igne sereno
Visa viris, hec signa dabat. Sic milite iuncto
Securi dubiique meant. Frix indice flamma
Pandit iter laxatque fores
. O dira nocentum
Consilia ! O cunctis incognita crimina fastis !
740 Florebant Asie fines, florebat opimis
Troia suis et rege potens et milite tuta,
Nec superos nec fata timens. Victoria Graium
Mentito Calcante brevi cessisset, at hostis
Indigena et, qua nil gravius, privata nocendi
Copia Testoriden vatem facit ; invidet ipse,
Ipse urbem civis aperit
. Non cardo susurrat,
Non clipei, non tela sonant, scit turba silere,
Omnia clam clarumque nichil. Prior urbe potitus,
Impatiens sevire dolis et vincere furto
750 Exclamat Pirrus : « Nunc obvia tela parate,
Ite, Friges, contra ! Quonam usque in sompnia torpor ?
Nil tuti superest, postes laxamus et ecce
Irruimus Danai. Si quos concurrere mecum
Ira trahit, non egregium dampnabitur umbris
Martis opus, facient ignes spectacula vestri ».
Fatur et incendit rapta face Pergama primus
Ipse sibi patuisse volens. Pars cetera ferro
Certatim flammaque furit ; populator oberrat
Ignis et in medios gladii venere sopores.
760 Nox fera, nox vere nox noxia, turbida. tristis,
Insidiosa, ferox, tragicis ululanda coturnis
Aut satira rodenda gravi, tu sola triumphas
Tantorum nisus steriles lucrata dierum !
Si michi Carpacias linguis equare figuras
Detur et innumero crescant michi pectora Phebo,
Non tamen expediarn cedes, incendia, luctus,
Quos Frigiis nox una parit. Pars ignibus enses,
Pars gladiis vitant ignes, casuque gemendo
Incurrit fatum fati fuga. Sola tirnetur,
770 Que prior in sensum mors germinat. Utraque passis
Funera fas multis geminos conferre dolores.
Dira mali facies evoque ignota priori !
Hinc sompnus, vigil inde odium, nulloque rebelles
Obiectante manus ferienti copia dextre
Delegisse necem, iugulumne an pectus in ora
Occupet aut cunctos in vulnera computet artus.
At quibus in mensas noctis productior usus
Aut verbis vigilata quies, vulgante tumultu
Urbe frui Danaos ac visis ignibus arma
780 Defensura parant, sed flammis undique septi
Prereptum mirantur iter frustraque parantes
Incensos exire lares, asperrima questi
Funera, consumptis pariter moriuntur in armis.

Interfectio Priami

Expediam cedes et singula fata revolvam?
Sed tenebris latuere manus, sed nocte perempti,
Sed premit umbratam nocturna inscicia Musam.
Fugerat amplexus aras et templa Tonantis
Infelix Priamus, nec enim fiducia dextre.
Cesserat ira metu, magno tamen arduus ore
790 Non prece, non lacrimis, non vultu suplice regem
Dedecorat. Cui Pirrus atrox : « Reddisne Pelasgis
Spartanas, reddisne nurus ? An prelia mavis
Et nondum bellare times ? Cur stringis eburnos,
Dis invise, deos? Lesisti numina sponte,
Cogor. In exemplum cecidit pater hostia Phebo
Tuque Iovi ». Dixit, indignatusque iacentis
Cede frui trepidum prensis a vertice canis
Erigit in vulnus gladiumque in viscera condit.
Non longum luctata manus, levis ire sub umbras
800 Vita hebes; ipse tamen membrorum pondere ferrum
Permissus cecidisse iuvat tandemque dierum
Plenus obit, felix senio letusque iuventa,
Si stabili Fortuna fide, si fixa maneret.
Post Zephiros plus ledit hiems, post gaudia luctus;
Unde nichil melius, quam nil habuisse secundum.
Postquam Hecube iam certa mali vulgata recentis
Fama, rapit gressus et nil cunctata per enses
Audet iter lacerisque comis et pectore ceso
It querens et questa virum. « Quisnam, inquit, Achivi,
810 Lugendos misere senis artus reddet ? An illum
Predam avibus predamque feris sparsistis ademptum
Querendumque michi ? » Cedunt turbata furenti
Agmina dantque viam. Regi illa instrata reperto ,
« Heu, meus », ingeminat, longo post tempore muta
« Heu » iterat repetitque « meus », sic sepe diuque
In voces dissuta breves. Vix denique questus
Continuos nectit et sic exorsa profatur :

Questus Hecube

« Quos gemitus, que digna satis lamenta rependes,
In lacrimas famulate dolor ? Non arguo luctus,
820 Defecere gene fletuque exhausta profundo
Limina caligant, acies hebet. Insita dudum
Plaga, sed elingues siluere hoc usque dolores.
O celum, o superi, quibus irritata peperci
Femineis nil ausa modis, quo crimine tantis
In penas dampnata malis ? Si digna necari,
Cur vixi? Heu, miseris longo nil tristius evo.
Num thalamos partusne querar ? Sevissima nupsi,
Infelix peperi. Potuit dicione serena
Iste frui, mecum Parce nupsere nocentes
830 Et pariter stetit ira deum. Quin pignore multo
In partus fecunda fui fatoque sinistro
Et coniunx et mater eram ; nunc orba creatis,
Nuda viro gemino didici contendere planctu,
Claudendis lassata genis et funere multo.
At te, care Hector, te tuta superstite dudum,
Troile, Troia stetit; nec enim Paris, impia nostri
Fax uteri, memorandus erit  » Sic fatur et ignes -
Quos Phetontee nequeant equare faville,
Quosque neget tibi Roma, Nero - miratur et addit :
840 « Hasue faces peperi ? Peperine, et fulmina cessant ?
Hec uteri fetura mei, nec solvit hiatum
Terra vorax ? Peste hac tumui, parcuntque minaces
Deucalionis aque ? Vos, o, quos impia lesi,
Vos pocius, quibus hec peperi lamenta, nocentem
Certatim laniate, Friges ! Sed serior ira;
Tunc tempus, cum sompnus erat. Tuque, inclite coniunx,
Tu thalami tumulique comes, tecum ibo sub umbras.
Me miseram, desuntne hostes ? Ubi bella furentum,
Pirrus ubi ? Date tela, viri ; date tela ! Seniles
850 Sufficient in fata manus. Discamne vereri
Argolicas captiva nurus ? » Sic fatur, et omnes
In luctum Danaos pietas extorta resolvit.

Divisio spoliorum

Et iam rorificas noctis nudaverat umbras,
Sed nondum detersa dies; ultro ipse latebat
Phebus, et eversis, que struxit, menibus hostem
Ingemuisse putes. Preda omnis in arce Minerve
Congeritur noctisque lucrum; Troieque iacentis
Metiri iam fata licet, tot ditia spectes
Arma, deos, cultus, gemmas, ebur, era nec umquam
860 Pluribus intumuit victrix Fortuna tropheis.
Postquam iusta ducum suffecit copia vulgo,
Spesque avidas tribuens vicit manus, undique letos
Conclamant reditus. Tandemque, sed exule bello,
In sese natura redit. Dat tempora vates,
Dat lucem, qua vela parent. Suntque ocia Graiis
Interea lustrare vago fumantia gressu
Pergama. Pars odiis nondum furiisque peractis
Retheos spoliat colles latura cupressum
Funeribus, laurum sacris et puppibus alnum.
870 Iam votis tumulisque modus, classisque novata
Equoreum sulcabat iter, rotat obvius ecce
Auster aquas, geminasque hiemes, et flamina et imbres,
Tempestas inopina movet. Monet augur ituros
Nondum placatis iterare piacula divis.
Iussa duces obeunt. Memorique Polixena Pirro
Non inventa subit, frendit Frigiosque lacessit
Efferus. Hanc thalamis Hecuba tradente paternis
Dux Anchisiades absconderat. O scelus ingens !
Redditur invisis infelix preda Pelasgis.
At, licet haut equas, servata virgine penas
Exul agi iussus Eneas pendit et usus
Puppe bis undena, quas predo duxerat alnos
Dardanus, exilii comites habet. Urbe potitur
Anthenor regnique decus rex lectus adauget.
Astrictus sociis in federa leta Gabinis.
Hunc tamen extorto cupiens evertere sceptra
Menalias mendicat opes, Dircea pererrat
Opida digressis audax bellare Pelasgis
Eneas. Sed cassa novi rnolimina belli
Questus in Adriacas exul delabitur undas.
Hic urbi Corchira nove, quam struxerat ipse,
Nomen, et exiguo regnat contentus agello
Romanis olim promissus menibus auctor.
At regina gemens et numquam credita Teucris
Cermisiurn Cassandra petit comitemque secutus
Andromachen Helenus. Sic Ylios unica dampno
Ubere regna, urbes populis et gentibus implet.

Dante Alighieri - Divine Comédie

En conclusion de cette recherche, voici qu'à présent parle d'Anténor un autre poète extraordinaire, l'italien Dante Alighieri. Dans son Enfer, Antenora est le nom de l'endroit, près de Lucifer, où sont glacés les traîtres à leur patrie : entre autres, Ugolino della Gherardesca et son ennemi, l'archévêque Ruggieri degli Ubaldini ; dans le Purgatoire un personnage singulier, Jacopo del Cassero, raconte qu'il a été tué par le tyran Ezzelino da Romano à Padoue, la terre déloyale des Antenorii, là où il croyait ne plus courir de risques...

Enfer, XXXII 88
(Celui qui parle est Bocca degli Abati, le traître di Montaperti):
« Or tu chi se' che vai per l'Antenora,
percotendo, rispuose, altrui le gote,
sì che, se fossi vivo, troppo fora ? ».
 

Et toi, qui es-tu, répond-il, qui, à travers l'Antenora,
vas heurtant les joues des autres,
tellement que trop serait-ce si tu étais vivant ?
Purgatoire, V, 75
Quindi fu' io ; ma li profondi fóri
ond'uscì 'l sangue in sul quale io sedea,
fatti mi fuoro in grembo a li Antenori,
là dov'io più sicuro esser credea :
quel da Esti il fé far, che m'avea in ira
assai più là che dritto non volea.
De là je fus, mais les profondes blessures
par où sortit le sang dans lequel l'âme siège,
me furent faites les fils d'Antenor,
là où je croyais être le plus en sûreté :
me le fit faire un des Este, beaucoup plus irrité
contre moi que ne le voulait le droit.



Merci au professeur Francesco Chiappinelli, auteur de l'Impius Aeneas, de nous avoir fourni ces textes.
Vous pouvez naviguer sur le site : Cultura e scuola
Si vous voulez lui écrire, vous pourrez le faire à cette adresse :