Odéon

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Placé, suivant la prescription de Vitruve, dans le voisinage et à gauche du Grand Théâtre l'Odéon était un édifice couvert destiné aux représentations musicales, aux répétitions dramatiques, aux concours poétiques et probablement aussi aux spectacles d'hiver ; celui de Pompéi, reconnu pour la première fois le 23 mars 1769, ne fut déblayé que de 1793 à 1796 ; il pouvait contenir quinze cents spectateurs. Sur le mur qui le séparait du Grand Théâtre, on découvrit le 13 mai 17698 une inscription qui a été remplacée par une copie, et qui fut trouvée répétée de l'autre côté de l'Odéon, le 29 août 1794 :

C. QVINCTIVS C. F. VALG.
M. PORCIVS M. F.
DVO VIII. DEC. DECR.
THEATRVM TECTVM
FAC. LOCAB. EIDEMQVE PROBARVNT.

«C. Quinctius Valgus, fils de Caius, et M. Porcius, fils de Marcus, duumvirs, ont fait faire le théâtre couvert par décret des décurions, et ceux-ci ont approuvé à ce travail». (1)

L'Odéon est bâti en tuf de Nocera, mais les escaliers qui séparent les gradins avaient été faits de lave très dure du Vésuve afin de présenter plus de solidité. Circonscrits dans un espace rectangulaire, les gradins ne purent avoir leur entier développement, et la moitié inférieure seule forme le demi-cercle complet, l'autre moitié est interrompue par la muraille à chaque extrémité.

Les places réservées, l'ima cavea, ne se composent que des quatre premiers gradins plus larges que les autres, auxquels on arrivait directement par l'orchestre. Au-dessus de cette cavea règne un large passage, une précinction qui n'en est séparée que par un petit mur qui sert de dossier au quatrième gradin, et se termine à chaque extrémité par une griffe ailée. Plus haut, à chaque bout du premier gradin de la seconde cavea, est une figure agenouillée qui porta un candélabre, un vase ou quelque autre ornement. La seconde cavea était composée de dix-sept gradins formés de blocs de lave comme la première, mais ayant à leur bord une corniche et sur leur plat un emplacement pour les pieds du spectateur du gradin supérieur, disposition particulière que nous retrouverons à l'amphithéâtre. Cette cavea est divisée par six escaliers répondant à autant de vomitoires placés au-dessus du dernier gradin et ouvrant sur un corridor auquel on parvenait par un double escalier. L'entrée de cet escalier se trouve dans un vaste passage qui, partant de la rue des Théâtres, desservait également le Grand Théâtre.

Aux côtés de la scène, et au-dessus de deux vomitoires conduisant à l'orchestre, sont les deux podium ayant derrière eux quatre gradins. On arrivait à chacun des podium par un petit escalier particulier ouvrant sur la scène. Le pavé de l'orchestre, composé des marbres les plus précieux, fait contraste avec la construction généralement peu soignée et en matériaux grossiers du reste de l'édifice (2) ; sur une large bande de cipollino, on y lit en grandes lettres de bronze incrustées :

M. OLCONIVS2 M. F. VERVS II VIR. PRO LVDIS

«M. Olconius Verus, fils de Marcus, duumvirs en place de jeux» (3)

La scène large de 17m 50 est assez bien conservée ; seulement le mur qui séparait l'orchestre de la platea et qui était haut de 1m 52 fut renversé par une inondation dans la nuit du 2 au 3 septembre 1803.

Dans le grand passage dont nous avons parlé, le peuple qui attendait, qui faisait queue, avait gravé à la pointe un grand nombre d'inscriptions plus ou moins convenables, mais aujourd'hui presque toutes illisibles. Plusieurs d'entre elles sont des listes de gladiateurs dont les noms sont accompagnés d'un chiffre indiquant le nombre quelquefois incroyable de leurs victoires ; il en est un qui est sorti vainqueur de cent cinquante combats. Il est à remarquer que parmi ces noms, dont beaucoup sont barbares et appartiennent évidemment à des esclaves, se trouvent quelques noms d'ingénus ou au moins d'affranchis, tels que L. Sempronius, L. Petronius, L. Fabius, etc.

M. de Clarac a publié une autre inscription fort curieuse dans laquelle trois soldats indiquent la date d'une partie de débauche qu'ils firent ensemble. Cette date, précieuse sous plus d'un rapport, est celle du 15 des calendes de décembre de l'année du consulat de M. Messala et de L. Lentulus ; elle se rapporte à l'an de Rome 751, trois ans avant notre ère ; en même temps qu'elle sert à fixer les noms des deux consuls sur lesquels on n'était pas entièrement d'accord, elle prouve l'existence du petit théâtre de Pompéi plus de quatre-vingts ans avant la catastrophe qui détruisit la ville (4).

Des tessères ou billets de spectacle trouvés dans l'Odéon ont soulevé de nouveau une question longtemps agitée par les antiquaires. L'entrée des théâtres était-elle entièrement gratuite ? Il est certain qu'il n'en était pas ainsi en Grèce, où le prix ordinaire d'une place était d'une dragme, prix qui fut plus tard réduit à deux oboles (5). Périclès, pour se rendre populaire, ordonna qu'on tirerait de la caisse publique une certaine somme allouée au choragus ou directeur pour l'indemniser des places occupées gratuitement par les citoyens pauvres. Chez les Romains, les places durent être gratuites, toutes les fois que les jeux étaient donnés au peuple par des magistrats ou des particuliers qui briguaient sa faveur ; mais il paraît qu'il arrivait aussi parfois que les jeux étaient donnés par un entrepreneur, et c'était alors qu'un prix était perçu pour chaque place. Ceci explique ces trois passages, pièces les plus importantes du procès. Suétone dit dans la vie de Caligula : Inquietatus fremitu gratuita in circo loca de media nocte occupantium (6); «L'empereur, fatigué du tumulte que causaient ceux qui, dès le milieu de la nuit, s'emparaient des places gratuites du Cirque...»

Il y avait donc des places non gratuites.

On lit dans le prologue du Poenulus de Plaute :

Servi ne obsideant, liberis ut sit locus,
Vel as pro capite dent : si id facere non queunt,
Domum abeant...

«Que les esclaves n'assiègent pas les places ; qu'ils les laissent aux hommes libres, ou qu'ils payent un as par tête ; s'ils ne peuvent le faire, qu'ils retournent au logis».

Enfin, dans le prologue de l'Asinaria du même auteur nous trouvons ces deux vers qui viennent encore à l'appui de notre opinion :

Face jam nunc, praeco, omnem auritum poplum.
Age, nunc reside ; cave modo ne gratiis.

«Allons, héraut, dis au peuple d'être tout oreilles. Fort bien ! A présent remets-toi à ta place et n'oublie pas de te faire payer».

Les tessères étaient des espèces de jetons en os, en terre cuite, ou en bronze, portant, soit le nom de l'auteur de la pièce, soit l'indication de son titre ou celle de la place, quelquefois ces trois désignations. Deux des tessères trouvées à Pompéi représentent d'un côté une espèce d'édifice qui doit être le théâtre ; on lit au revers sur l'une d'elles, découverte le 21 octobre 17601 : XII. AISKYLOY IB. (D'Eschyle XII) ; sur l'autre : XI HMIKUKLIA IA (Hémicycle XI) (7).

Voici une autre tessère dont l'inscription est plus complète et écrite en latin.

2° Cavea, 3° coin, 8 gradin. La Casina de Plaute.

Les tessères avaient quelquefois des formes différentes ; on en conserve au musée plusieurs ayant la figure d'amandes ou de pigeons.

Au même musée sont deux statues en terre cuite un peu plus petites que nature, que Winckelmann mentionne dans le premier volume de son Histoire de l'Art ; elles représentent un acteur et une actrice, et suivant les uns elles furent trouvées dans le vestibule de l'Odéon, et selon Finati dans une maison voisine.


(1)  On croit, dit Dyer (POMPEI, p. 210), que l'Odéon fut élevé peu de temps après la guerre sociale. Il daterait ainsi d'environ 80 ans avant Jésus-Christ.

(2)  A l'époque de la découverte de ce pavé on avait commencé à le transporter à Portici, mais plus tard, le 23 avril 1795, ordre fut donné de le rétablir à sa place. (POMP. ANT. HIST., II, 61).

(3)  Il est assez singulier que ce nom si souvent reproduit sur les murs de Pompéi se trouve écrit ici 0lconius et non Holconius.

(4)  Deux autres inscriptions ont une grande importance ; l'une est relative au siège de Pérouse en l'an de Rome 713, et l'autre date du consulat d'Agrippa et de Taurus en 717. Ces inscriptions sont au nombre des plus anciennes à date certaine qui aient été découvertes à Pompéi. Une seule remonte à l'année 675 et au consulat de Lepidus et Catulus. Garucci, Inscriptions de Pompéi.

(5)  Démosth. Olynth. III

(6)  Caligula, XXVI

(7)  IB et IA représentent en grec la valeur des chiffres romains XII et XI.