1. Ses origines
  2. Son installation en Grèce
  3. L'extension de ses assimilations
  4. Mythologie - Son enfance
  5. Mythologie - Les orgies
  6. Mythologie - Ses ennemis
  7. Mythologie - Ariane
  8. Mythologie - L'Asie mineure et l'Inde
 
  1. Le dieu du vin
  2. Ses attributs moraux
  3. Ses symboles naturels
  4. Ses symboles fabriqués
  5. Représentations anthropomorphiques
  6. Dionysos, Héra et Athéna
  7. Un dieu de mystères
  8. Dionysos/Bacchus en Italie

Les symboles de Dionysos sont extrêmement variés. Parmi ceux que l'on emprunte au règne animal, le premier rang appartient au taureau, qui était son emblème au triple titre d'expression d'une idée de puissance et de force, d'animal générateur et de personnification du principe humide. Cette dernière signification est particulièrement caractérisée sur le vase à figures noires qui met en pendant Poseidon et Dionysos montés tous deux sur des taureaux.

Mais le taureau n'est pas seulement la monture du dieu, c'est une des formes sous lesquelles il aime à se manifester ; c'est ainsi que Penthée l'aperçoit dans son délire, c'est tel que les femmes d'Elis l'appellent à venir chaque année au printemps dans son temple et qu'on l'évoque à Lerne sur les bords du lac Alcyonien. Aussi l'appelle-l-on Tauros, Tauromorphos, Bougenês. Les images de Dionysos en forme de taureau étaient nombreuses en Grèce, et il y en avait une particulièrement célèbre à Cyzique. On en a trouvé un bel exemple à Athènes, surmontant la sépulture monumentale d'un personnage du nom de Dionysos. Le taureau divin y est représenté cornupète, comme sur la célèbre intaille du graveur Hyllus, un des joyaux du Cabinet de France.

D'autres pierres gravées montrent encore ce Bacchus-taureau portant entre ses cornes les trois Charites ; ceci correspond exactement à la donnée de l'invocation des femmes d'Elis. Le type du taureau cornupète, qui se voit si souvent dans la numismatique grecque, doit y avoir dans la plupart des cas cette signification. Macrobe dit que dans la Campanie on représentait Bacchus Hébon avec un corps et des cornes de taureau et une face humaine barbue. On a donc cru d'abord reconnaître ce dieu dans le taureau à visage humain qui est représenté sur le revers de tant de monnaies de l'Italie méridionale et de la Sicile. Mais il est aujourd'hui prouvé par des exemples formels que cette figure y est presque toujours celle du fleuve local. Dans toute la numismatique de ces régions la seule représentation de l'Hélion décrit par Macrobe qui paraisse certaine, est celle que nous empruntons à une monnaie de Catane.

Le Satyre placé au-dessus du taureau à face humaine en détermine, en effet, le caractère dionysiaque. Sur une intaille, le même taureau à face humaine emporte au-dessus des flots une Ménade tenant le thyrse. Une identité si complète de représentations entre Dionysos Hébon et les dieux fleuves [Achelous, Flumina] doit tenir à une parenté de conception symbolique.

La victime offerte à un dieu est toujours de préférence l'animal qui lui est consacré. Aussi le boeuf ou le taureau est-il très fréquemment sacrifié à Dionysos, sacrifice qui prend un caractère tout particulier dans la cérémonie de l'omophagia, liée au culte du Zagreus crétois et plus tard orphique. De là la qualification de Taurophagos donnée au dieu. Dans les usages particuliers de Ténédos, c'est un veau nouveau-né que l'on immolait à Dionysos, transformation d'un sacrifice d'enfant des âges primitifs comme le taureau à Chios représentant une victime humaine. Mais l'animal le plus fréquemment sacrifié à Bacchus est le bouc ou la chèvre aussi indiqués dans certains lieux comme tenant la place d'antiques immolations humaines. Sur une pierre gravée nous voyons le sacrifice du bouc par Silène, et sur un bas-relief celui du taureau par Pan. Dionysos est donc Aigobolos, celui qui frappe les chèvres, et Melanaigis quand il se revêt de la peau de cette victime. Une légende postérieure, et qui paraît d'origine attique, prétendait qu'on lui sacrifiait le bouc ou la chèvre comme faisant des dégâts dans les vignes. En réalité, comme le prouvent beaucoup de monuments, le bouc était un des principaux animaux consacrés à Dionysos. Nous savons que dans son enfance il était changé en chevreau. Aussi était-il Eriphos en Laconie, Eriphios à Métaponte, et l'on entendait quelquefois avec le même sens son surnom d'Eiraphiotes.

Dans la symbolique dionysiaque, le faon s'échange avec le chevreau. La nebris dont Bacchus est souvent revêtu, que portent ses Satyres et ses Ménades, ainsi que les dévots qui célèbrent ses fêtes, est aussi souvent faite en peau de chèvre ou de bouc, qu'en peau de faon, nebros, aussi l'appelle-t-on également aigis et tragê et les Ménades qui en sont ornées tragêphoroi. Ces peaux de faons et de chevreaux sont celles des animaux que les Ménades ont déchirés tout pantelants, suivant le rite sauvage des Triétériques béotiennes, mis ensuite en rapport avec la passion de Zagreus déchiré par les Titans [Omophagia]. C'est là ce qu'on appelait nebrismos ; mais Eschyle employait le verbe aigizein au lieu de nebrizein.

La célèbre statue de Scopas représentant une Ménade portant dans ses mains un morceau de l'animal ainsi déchiré, qui paraît avoir été le modèle premier de toutes les ligures analogues que l'on remarque souvent sur les monuments, était appelée Chimairophonos, la tueuse de chèvre. Sur un vase peint, c'est Dionysos lui-même qui déchire en deux le faon auprès d'un autel, au milieu de sa fête. L'idée de ce rite sanglant s'attachait au dieu Melanaigis, et c'est pour cela que cette forme de Dionysos était considérée comme une des plus sombres. En même temps, par les taches dont elle est parsemée, la peau de faon ou nébride prenait une signification symbolique particulière, qui la faisait préférer à la peau de chèvre ; on y voyait l'image du ciel étoilé. Sur un vase peint, la biche accompagne Dionysos ; sur d'autres elle est auprès d'un Satyre ou des Satyres la saisissent.

M. Stephani a établi, par une ingénieuse restitution d'un passage d'Hérodote et par le témoignage de nombreux monuments, vases peints, pierres gravées, peintures murales, sculptures, que le porc était encore une des victimes habituelles du culte dionysiaque et un des animaux du dieu. Aussi le vase à boire appelé rhyton a-t-il souvent la forme d'une tête de porc ou de sanglier.

L'âne était aussi spécialement consacré à Bacchus. Il apparaît plusieurs fois dans le cortège du dieu sur les vases peints, et Dionysos se montre porté par un âne dans des statues, ainsi que sur les monnaies de Mendé de Macédoine et de Nacona de Sicile.

Dans les légendes mythologiques nous avons déjà vu cet animal servir de monture au dieu dans plusieurs circonstances, entre autres dans la Gigantomachie. C'est aussi sur un âne que Dionysos ramène Héphaestos dans l'Olympe après l'avoir enivré, et la plupart des monuments qui en retracent la scène n'oublient pas cette circonstance. L'âne est encore la monture habituelle de Silène, comme on le voit sur une foule de bas-reliefs de l'époque romaine ; il est si bien associé à ce dieu que, suivant la remarque de Creuzer, il est dans beaucoup de cas Silène lui-même. On racontait que c'était la vue d'un âne broutant la vigne qui avait donné la première idée de la tailler. Mais c'est avant tout à titre d'animaux phalliques que l'âne et le mulet, que cette symbolique ne distingue pas, sont consacrés à Bacchus et rangés parmi ses emblèmes. Aussi raconte-t-on la dispute de vanité personnelle qu'eurent ensemble l'âne et Priape en présence de Dionysos et à la suite de laquelle le dieu de Lampsaque tua l'animal. Une circonstance exceptionnelle dans la représentation de l'âne de Bacchus sur certains vases précise encore cette signification.

Le cheval appartient aussi quelquefois à la série des symboles de Dionysos, peut-être au même titre qu'il est l'animal de Poseidon [Neptunus], comme lié au principe humide et à l'idée des sources. L'exemple le plus caractéristique sous ce rapport est fourni par les monnaies de Maronée de Thrace qui portent d'un côté un cheval ou la partie antérieure de cet animal, de l'autre un cep de vigne.

C'est par des chevaux que dans la même région le dieu fait déchirer Lycurgue, suivant une des versions du mythe [sect. VI]. En Lydie il a pour nourrice Hippa [sect. IV]. Il semblerait donc probable que ce symbole serait venu du dieu thrace ou lydien. Pourtant les suivants les plus habituels du Dionysos hellénique, Silènes, Satyres et Centaures participent aussi dans une large mesure de la nature chevaline. Hippus et Hippaios sont des noms de Satyres sur les vases.

Nonnus fait du chien un compagnon de Dionysos. On le voit aussi près du dieu sur un vase, et sur les as d'Hadria du Picenum, un chien couché est au revers de la tête de Bacchus Pogonitès. Nous avons indiqué plus haut [sect. V], le rôle que joue cet animal dans la légende d'Erigone et dans celle d'Orestheus. C'était quelquefois des chiens, au lieu de faons et de chevreaux, que l'on mettait en pièces dans les orgies bachiques. Les rhytons se terminent souvent en tête de chien.

Le lièvre est mis en rapport avec Dionysos dans une variante de l'histoire de Penthée. Sur plusieurs vases peints, il est présenté par une Ménade au dieu ou tenu à la main par Tragoidia.

Le dauphin fait également partie des emblèmes de Dionysos, mais plus rarement. Il y fait allusion de la façon la plus claire à la métamorphose des Tyrrhéniens, et on peut l'y prendre aussi pour un symbole de l'élément humide. Quant à l'explication qu'en donnait Varron, elle est absolument ridicule.

Enfin l'abeille appartient naturellement à Dionysos Brisaios, comme dieu du miel. Aussi est-ce une représentation particulière de cette forme de Bacchus que nous reconnaissons sur les pierres gravées où l'on voit une tête de face, couronnée de pampres, avec les quatre ailes d'une abeille disposées de manière à figurer la barbe.

Ce sont là les symboles empruntés au règne animal et propres au Dionysos hellénique. D'autres y ont été joints postérieurement, qui appartenaient d'abord aux dieux orientaux assimilés à lui. Tel est le lion, dont l'application à Dionysos se montre pour la première fois à Samos, sous l'influence des cultes de l'Asie Mineure. Le Dionysos Kechênos qu'on y adorait, était en forme de lion, et l'on racontait une légende pour expliquer ce type de représentation ; la tête de lion qui fait le type de la plupart des monnaies de Samos, est celle de ce Bacchus. On considère généralement ce symbole comme un emprunt au culte phrygien de Cybèle ; en réalité il avait été pris au Bassareus lydien, auquel il appartenait autant qu'à la Mère des dieux. Aussi le lion est-il le type principal des monnaies des rois de Lydie et joue-t-il un rôle considérable dans les traditions de ce pays. Il se naturalisa complètement dans le cycle de Dionysos. Un vase nous montre le lion près du dieu. La forme de cet animal est une de celles que Dionysos se plaît à revêtir ; il la prend pour combattre les Géants et pour effrayer les filles de Minyas. Une pierre gravée le représente comme un lion à face humaine. Le char qui porte Dionysos et Ariadne est quelquefois traîné par des lions.

C'est aussi de l'Asie Mineure que sont venues dans le cortège du dieu les panthères, les tigres, les lynx, et en général toutes les espèces félines à peau tachetée ou vergetée, qui n'apparaissent qu'assez tard sur les monuments. La plus habituelle est la panthère, qui appartient, dit-on, à Dionysos en tant qu'animal ardent et bondissant comme une Ménade.

Quelquefois le dieu chevauche sur ce fauve, plus souvent des panthères traînent son char comme sur des monnaies de Catane et sur beaucoup de sarcophages de l'époque romaine. Surtout la panthère accompagne très habituellement le Bacchus aux traits juvéniles ; quelquefois il lui présente une grappe de raisin ou bien en exprime le jus dans un vase pour le lui donner à boire, car cet animal est représenté comme aimant le vin ; on dit que Dionysos se plaît à l'en abreuver et que les panthères qui le suivent sont des Ménades métamorphosées. Aussi sur une foule de monuments se mêlent-elles amicalement aux jeux des Bacchantes, auxquelles elles servent de monture, qui même quelquefois les allaitent. Sur quelques monuments, la fantaisie de l'artiste, reliant cet animal au principe humide, compose la figure d'une panthère marine, portant sur son dos une Ménade qui lui verse du vin dans une Phiale. Sur quelques autres, la Ménade tient la panthère comme un des animaux qu'elle déchire dans la fureur de son ivresse. Aussi voit-on plusieurs fois la peau de la panthère immolée, jetée sur les épaules de Dionysos ou portée en guise de nébride par ses Ménades.

On ne connaît pas jusqu'à présent d'exemple grec qui montre auprès de Bacchus le renard du Bassareus lydien représenté sur les anciennes monnaies des rois de cette contrée. L'ours que dans l'hymne homérique le dieu fait apparaître avec le lion pour effrayer les Tyrrhéniens, ne se montre non plus avec lui sur aucun monument.

Le serpent appartient surtout au culte du Dionysos mystique, comme le prouve sa relation habituelle avec la ciste, qui lui sert de demeure et d'où il s'échappe. Pourtant il joue aussi un rôle dans les orgies du Bacchus thébain, ainsi que dans la légende de la fondation de l'oracle d'Amphiclée en Phocide, et, chez Euripide, une des formes que le dieu se plaît à revêtir est celle d'un serpent à plusieurs têtes. Le même poète décrit Dionysos avec des serpents noués autour de ses cheveux, comme les ont quelquefois les Ménades ; mais ce type n'a pas encore été retrouvé sur les monuments. Il a été indiqué plus haut que le symbole du serpent était emprunté au Sabazius thraco-phrygien et au Bassareus lydien. Plus tard on rattacha la consécration du serpent à Dionysos, à la nature froide et humide de cet animal.

C'est au règne végétal que Dionysos emprunte ses symboles les plus constamment répétés. Le premier et le plus essentiel de tous est naturellement la vigne, dont les pampres forment la couronne la plus habituelle du dieu, et celle de tous les personnages de son thiase ; comme le remarque Philostrate, les artistes se sont plu à la représenter alternativement ou en même temps à tous les états de son développement, en feuilles, en fleurs et en fruits. Le grand sarment de vigne grimpante chargé de raisins, que Dionysos tient si souvent à la main sur les vases peints et qui se développe largement dans le fond de la composition, ou que portent des personnages de sa suite , s'appelait klêmatis ; il figurait dans la pompe rustique des Dionysies des champs. On lui donnait aussi le nom d'oschos, d'où l'appellation de la fête attique des Oschophoriae, où vingt jeunes gens des oschophoroi portaient des branches de ce genre. La vigne n'est pas, d'ailleurs, seulement un attribut de Dionysos, elle est le dieu lui-même, dont le sang coule sous le pressoir et forme le vin. Une curieuse tête de Bacchus, découverte à Ostie, représente le dieu avec une barbe formée de pampres.

Après la vigne, la plante favorite de Dionysos est le lierre. Le lierre rappelle la vigne ; c'est une plante grimpante comme elle, et ses lianes se mêlent parfois aux sarments. On prétendit ensuite, en raisonnant au point de vue des doctrines des physiciens sur la vieille symbolique, que l'attribution du lierre à Dionysos venait de ce que cette plante était d'une nature froide, qui combattait l'ivresse. Quoi qu'il en soit, le lierre était un des symboles primitifs de Dionysos et ce dieu lui-même, adoré à Acharnie sous le nom de Kissos, le lierre ; ailleurs Cissos est un compagnon de Dionysos. Aussi le lierre formait-il sa couronne aussi souvent que la vigne, d'où les épithètes de Kissokomês, Kissochaitês, la première employée déjà dans les hymnes homériques. Chez les poètes latins, Bacchus est appelé Corymbifer aussi bien que Racemifer, par allusion aux fruits du lierre. Il n'y avait pas de fête de Bacchus sans qu'on s'y couronnât de lierre ; c'est ce qu'on appelait kittôsis. La fête dionysiaque de Phlionte était nommée kissotomoi. Le convolvulus, smilax, est appelé par Dioscoride kissampelos ; à cause de la ressemblance qu'exprime ce nom, il était attribué à Bacchus, comme la vigne et le lierre.

Parmi les arbres et les arbustes des bois, on trouve quelquefois attribués à Dionysos, mais rarement, le chêne et le lentisque, schinos, sous lequel Penthée s'était caché ; le myrte avait aussi sa place dans quelques cérémonies du culte dionysiaque. Le pin, elatê, est encore donné au même dieu ; il appartient plus souvent à Poseidon, et la communauté de cet attribut entre les deux dieux de l'humide est digne d'attention. On portait des branches de pin dans les Trieterica béotiennes. Mais c'est surtout la pomme de pin, strobilos, kônos, qui tient une place importante parmi les attributs de Dionysos, et qui souvent termine son thyrse. Gerhard la croit empruntée au culte phrygien ; Emile Braun y voit un symbole de fécondité et de reproduction, un fruit de l'hiver ; peut-être son attribution à Bacchus est-elle venue simplement, comme l'ont pensé Chateaubriand et Welcker de l'usage conservé par les Grecs modernes, de faire infuser des pommes de pin dans les cuvées pour conserver le vin par le moyen de la résine. Dans les interprétations d'un mysticisme alambiqué, chères aux Orphiques, la pomme de pin fut envisagée comme une image du coeur de Zagreus, déchiré par les Titans. Il a été parlé à la section précédente de l'attribution du laurier à Dionysos comme à Apollon. Le laurier est souvent associé au lierre. Sur un vase peint, un des Centaures du thiase dionysiaque porte une grande branche d'un laurier sacré, d'où pendent des bandelettes, un petit tableau votif et un oiseau présenté en offrande.

Un bel autel dionysiaque, encore inédit, du musée de Lyon, réunit le lierre, le pin, le chêne, le laurier et la grenade dans les mêmes festons de feuillages, que soutiennent des têtes de boeuf ; il est en outre décoré de trois têtes de bouc, de faon et de sanglier.

Tous les arbres des vergers et leurs fruits appartiennent, comme nous l'avons dit, à Dionysos, mais la pomme, la noix, l'orange et la grenade sont plus particulièrement rangées parmi ses symboles. C'est surtout le figuier qui occupe un rang important dans la symbolique dionysiaque, comme dans celle du culte de Déméter. Nous avons vu qu'il y avait à Sparte un Dionysos Sykitès. En Attique, les figues étaient au nombre des offrandes indispensable des Dionysies rustiques. La majorité des plus anciens xoana de Dionysus que vit Pausanias étaient faits de bois de figuier et de vigne. C'est en bois de figuier que l'on fabriquait le phallus porté processionnellement dans les Dionysies, et l'on rattachait l'emploi rituel de ce bois à une circonstance de la légende de Prosymnus. On y attribuait, d'ailleurs, une vertu de purification toute spéciale, c'était sur un bûcher en bois de figuier que l'on brûlait les monstres et les livres impies. Parmi les objets renfermés dans la ciste mystique il y avait des verges de figuier kradai. La figue passait pour le premier fruit cultivé qu'eussent mangé les hommes.

Les fleurs sont aussi du domaine de Dionysos, et en particulier la rose lui appartient autant qu'à Aphrodite. Dans un des plus beaux fragments de ses dithyrambes, Pindare invite à se couronner de roses en son honneur, et sur une mosaïque du Vatican il respire le parfum de cette fleur. Mais il semble que c'était surtout dans le culte du Sabazius thrace que la rose était un symbole capital. Une des principales fêtes des thiases dionysiaques de la région voisine du Pangée, sous la domination romaine, s'appelait Rosalia. Dans la même contrée la légende plaçait les fameux jardins de roses de Midas, personnage en rapport étroit avec ceux du cycle de Bacchus, et la rose y est le type constant des monnaies de la ville de Tragilus. Le nom significatif d'Althaea, l'amante de Dionysos en Etolie, met les fleurs malvacées en relation avec ce dieu. Enfin on lui attribue aussi l'asphodèle, la fleur des morts, qui semble plutôt se rattacher au caractère funèbre et infernal qu'il prit comme dieu des mystères [sect. XV].

Plus ancienne, plus générale et plus constante est l'attribution à Dionysos de la férule, narthêx, entre les plantes des champs non ligneuses, au port d'herbes et de roseaux. C'est un attribut qui remonte à l'origine du culte du dieu. Il semble qu'il faille le rapporter aux primitives époques aryennes et aux liens qui rattachaient alors le dieu Soma aux rites du sacrifice, car c'est aussi dans une férule que Prométhée dérobe au ciel le feu [Prometheus], et dans ce dernier mythe la férule représente le morceau de bois dont le frottement sert au pontife arya à obtenir la flamme. Pourtant ceux qui se sont occupés de la botanique des anciens croient pouvoir établir une différence entre la férule de Prométhée et celle de Dionysos. Quoi qu'il en soit, la férule est portée dans les mains de Dionysos, d'où son surnom de Narthêkophoros ; elle est aussi brandie par ses Ménades et ses Satyres et on y voit un symbole d'ivresse divine et d'inspiration, d'où le proverbe polloi narthêkophoroi, bakchoi te pauroi. La tige de cette férule est l'origine du thyrse, dont nous parlerons dans un instant, et en reste toujours le principal élément. Mais quelquefois la férule avec ses rameaux terminés en ombelles, caractérisée d'une manière très exacte, se voit sur les monuments de l'art, tenue au lieu du thyrse par Dionysos ou par des personnages de sa suite. Sur un vase qui est maintenant au Musée Britannique, un jeune Pan et une Ménade dansent entre deux hautes plantes de férule.

Parmi les gemmes, l'améthyste, à cause de sa couleur violette et vineuse, passait pour préserver de l'ivresse [Amuletum]. Il semble qu'elle fût consacrée à Bacchus, à voir la prédilection avec laquelle les graveurs antiques l'ont choisie pour y représenter l'image du dieu et en général les sujets dionysiaques.


Article de F. Lenormant