XVII - Lucius Quinctius Cincinnatus (an de Rome 295 à 314)

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L. Quinctius Cincinnatus avait chassé de sa famille (1) son fils Céson, à cause de la violence de son caractère (2). Ce jeune homme, qui s'était aussi attiré l'animadversion des censeurs, se réfugia chez les Volsques et les Sabins, qui, commandés par Cloelius Gracchus, faisaient la guerre aux Romains, et tenaient enfermés, sur le mont Algide, le consul Q. Minucius et son armée. Dans cette conjoncture, on nomma Quinctius dictateur. Les députés du sénat le trouvèrent nu et labourant lui-même son champ, situé au-delà du Tibre (4). Il prend à l'instant les marques de sa dignité, part, et délivre le consul. Pour le récompenser de cet exploit, Minucius et son armée lui décernèrent une couronne d'or et une couronne obsidionale (5). Après avoir vaincu les ennemis, et forcé leur général de se rendre prisonnier, il le fit marcher devant son char le jour de son triomphe ; ensuite, il déposa la dictature le sixième après sa nomination, et retourna cultiver son champ. Vingt ans après, nommé dictateur pour la deuxième fois, il fit mettre à mort par Servilius Ahala, maître de la cavalerie, Spurius Maelius, qui aspirait à la royauté (6), et fit raser sa maison. On donna le nom d'Aequimelium (7) à l'emplacement sur lequel elle était située.


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(1)  Le mot abdicavit, qu'on lit dans l'original, est un terme du droit romain qui signifie rejeter de la famille. Cette abdication n'était alors ni dans les lois ni dans les moeurs romaines. Quinctius n'abdiqua point son fils, ne renonça point à son égard aux droits de la paternité. Victor a donc abusé du terme en question pour dire que Quinctius éloigna son fils de sa présence. Si nous avons conservé à ce mot sa véritable signification, c'était en nous réservant de dire notre opinion, conformément au sentiment de madame Dacier.

(2)  Ce jeune homme était d'un caractère si violent, que, suivant Tite-Live, il chassa plusieurs fois les tribuns du forum, dispersa le peuple, et que quiconque lui tombait sous la main s'en allait couvert de coups et dépouillé de ses vêtements. Nous devons remarquer ici que Victor s'est trompé, en disant que ce jeune homme fut noté par les censeurs ; car ces magistrats ne furent créés que dix-huit ans après.

(3)  Il y avait sur cette montagne du Latium une ville du même nom.

(4)  Selon Tite-Live, 1.3, ch. 26, ce champ n'était que de quatre jugères ou arpents. On l'appelait de son temps les prés de Quinctius.

(5)  On lit dans plusieurs manuscrits corona aurea obsidionali donatus est ; mais plusieurs éditions, entre autres celles de Pitiscus et de Mme Dacier, suppriment aurea, sans doute parce qu'il n'était pas possible d'imaginer qu'une couronne obsidionale, qui n'était que de gazon, fût en même temps une couronne d'or. On a levé cette difficulté en plaçant la conjonction et entre les mots aurea et obsidionali. Cette leçon est conforme au récit de Tite-Live, qui dit, 1.7, ch. 37, qu'on donna à Decius une couronne d'or et une couronne obsidionale.

(6)  Spurius Maelius avait fait venir de l'Etrurie, à ses propres frais, une grande quantité de froment qu'il distribuait au peuple. Il n'en fallait pas davantage pour se faire regarder comme un ennemi de la liberté publique.

(7)  L'Aequimelium était situé entre le Velabrum et le Capitole, et près des boutiques destinées au commerce des laines.