Livre IX |
I. A Sévère succéda Maximin (Ap. JC.
235), le premier qui, du corps des soldats, se soit
élevé à l'empire par la seule
volonté de l'armée, sans le consentement ni
l'appui du sénat, et sans être lui-même
sénateur. Après avoir fait avec succès
la guerre contre les Germains, et reçu des soldats le
titre d'empereur, il fut tué par Pupien, à
Aquilée, où ses troupes l'abandonnèrent
(Ap. JC. 238). Avec lui périt son fils, encore enfant,
qui fut associé trois ans et quelques jours à
son pouvoir.
II. Il y eut ensuite trois empereurs à la fois,
Pupien, Balbin et Gordien. Les deux premiers étaient
d'une naissance fort obscure ; Gordien, d'une famille
illustre : le vieux Gordien, son père, avait
été proclamé empereur par les soldats
pendant son proconsulat d'Afrique, sous le règne de
Maximin. Arrivés à Rome, Balbin et Pupien
furent tués dans le palais, et l'on donna le
trône au seul Gordien (Ap. JC. 238).
Gordien |
Ce prince, qui n'était encore qu'un enfant,
épousa Tranquilline à Rome, ouvrit le temple de
Janus et partit pour l'Orient, où il fit la guerre aux
Parthes, qui méditaient déjà de se jeter
sur l'empire (Ap. JC. 212). Ses succès furent aussi
prompts que brillants, et il accabla les Perses dans de
grandes batailles. Il revenait de cette expédition
quand il périt (Ap. JC. 244) près des
frontières de l'empire, victime de la trahison de
Philippe, qui régna après lui. Les soldats lui
élevèrent un tombeau à vingt milles de
Circesse, dont on a fait de nos jours un poste romain qui
commande l'Euphrate. Ils rapportèrent ses cendres
à Rome, et le déifièrent.
III. Après le meurtre de Gordien, les deux Philippes
père et fils s'emparèrent du pouvoir,
ramenèrent l'armée sans aucune perte, et
revinrent de Syrie en Italie. On célébra, sous
leur règne, la millième année de la
fondation de Rome, avec un grand appareil de jeux et de
spectacles (An de R. 1001 ; ap. JC. 248). Bientôt
après ils furent tués tous deux par
l'armée, le père à Vérone, et le
fils à Rome. Ils avaient régné cinq ans.
On les mit au rang des dieux.
IV. L'empire fut donné, après eux, à
Dèce, né à Budalie, dans la basse
Pannonie. Il parvint à étouffer la guerre
civile qu'on avait excitée dans la Gaule. Il fit
prendre à son fils le titre de César. Il
construisit des bains à Rome. Ce fils et lui,
après un règne de deux ans, furent tués
tous deux sur le sol barbare, et mis au rang des dieux (Ap.
JC. 251).
V. On créa ensuite empereurs Gallus Hostinianus et son
fils Volusien. Sous eux, Emilien essaya de soulever la
Mésie. Ils partirent tous deux pour le combattre ;
mais ils furent tués à Intéramne, avant
d'avoir complété la seconde année de
leur règne. Ils ne firent absolument rien de
mémorable. Ce règne ne fut marqué que
par la peste et par de cruelles maladies (Ap. JC. 253).
VI. (V) Emilien, d'une naissance très obscure, resta
plus obscur encore sur le trône, et mourut au bout de
trois mois.
VII. (VI) Licinius Valérien, qui commandait dans la
Rétie et la Norique, reçut de l'armée le
titre d'imperator, et bientôt après celui
d'Auguste (Ap. JC. 253). A Rome, Gallien fut, dans le
même temps, nommé César par le
sénat. Le règne de ces princes fut fatal
à l'empire, et faillit en amener la ruine, soit
malheur, soit lâcheté. Les Germains vinrent
jusqu'à Ravenne. Valérien, en faisant la guerre
en Mésopotamie, fut vaincu par Sapor, roi des Perses ;
il fut même fait prisonnier peu de temps après
(Ap. JC. 259), et il vieillit chez les Parthes dans une
honteuse servitude.
VIII. Le règne de Gallien, nommé Auguste dans
sa jeunesse, eut un commencement heureux, une suite
satisfaisante, une fin désastreuse. Jeune encore, il
se signala par de nombreux exploits en Gaule et en Illyrie,
et il tua près de Murse Ingénuus, qui avait
pris la pourpre, ainsi que Trébellien. Longtemps sage
et modéré, il se livra ensuite à tous
les excès de la débauche, et il tint les
rênes de l'empire d'une main nonchalante et
découragée. Les Allemands
dévastèrent les Gaules, et vinrent fondre sur
l'Italie. La Dacie, cette province que Trajan avait
formée au delà du Danube, fut perdue. On vit
les Goths ravager la Grece, la Macédoine, le Pont,
l'Asie. La Pannonie fut dévastée par les
Sarmates et par les Quades. Les Germains
pénétrèrent jusque dans les Espagnes, et
se rendirent maîtres de la célébre ville
de Tarragone. Les Parthes occupèrent la
Mésopotamie, et commencèrent à
s'assujettir la Syrie.
IX. (VII) Dans cet état désespéré
des affaires, et quand déjà l'empire romain
allait périr, Postumus, de la plus basse extraction,
prit la pourpre dans la Gaule, et, pendant les dix
années de son règne, il parvint, à force
de courage et de prudence, à sauver les provinces
à demi ruinées. Il fut tué dans un
soulevement des soldats, pour leur avoir refusé le
pillage de Mayence, qui s'était révoltée
contre lui, à l'instigation de L. Elien. Marius, vil
ouvrier, prit aussitôt la pourpre, et fut tué le
second jour. Victorin s'empara ensuite du gouvernement des
Gaules : c'était un homme du plus grand courage, mais
extrêmement débauché ; et comme il se
faisait un jeu du déshonneur des autres, il fut
tué à Cologne, dans la seconde année de
son règne, victime des secrètes machinations
d'un greffier.
X. Il fut remplacé par le sénateur
Tétricus, qui commandait en Aquitaine en
qualité de gouverneur, et que les soldats avaient
élu empereur en son absence. Celui-ci prit la pourpre
à Bordeaux, et il se vit en butte à de
fréquentes séditions militaires. Mais tandis
que ces choses se passaient dans la Gaule, en Orient les
Perses furent vaincus par Odenath, qui défendit la
Syrie, recouvra la Mésopotamie, et s'avança
jusqu'à Ctésiphon.
XI. Ainsi l'empire romain, dont Gallien abandonnait le
gouvernement, fut sauvé dans l'Occident par Postumus,
et dans l'Orient par Odenath. (VIII) Sur ces entrefaites,
Gallien fut tué à Milan avec son frère
Valérien, dans la neuvième année de son
règne ; et Claude lui succéda, élu par
l'armée, nommé Auguste par le sénat (Ap.
JC. 29s). Les Goths, qui dévastaient l'Illyrie et la
Macédoine, furent vaincus par lui dans une grande
bataille. Il était économe, modeste,
extrêmement juste et propre au gouvernement. Mais il
mourut de maladie dans la seconde année de son
règne (Ap. JC. 270), et on le mit au rang des dieux.
Le sénat, voulant honorer sa mémoire par des
distinctions nouvelles, lui décerna un bouclier d'or
dans le lieu de ses séances, et lui érigea dans
le Capitole une statue d'or.
XII. Quintilius, frère de Claude, fut ensuite
nommé empereur par la voix unanime des soldats. Son
incomparable sagesse et ses vertus civiles le firent
égaler et même préférer à
son frère. Il reçut du sénat, par
acclamation, le titre d'Auguste, et fut tué le
dix-septième jour de son règne.
XIII. (IX) L'empire fut possédé, après
lui, par Aurélien, originaire de la Dacie Riveraine.
C'était un homme d'une haute capacité
militaire, mais d'un caractère violent, et enclin
à la cruauté. Il vainquit les Goths dans de
sanglantes batailles, et, presque toujours heureux dans ses
guerres, il rendit à l'empire romain ses anciennes
limites. Dans la Gaule, il vainquit Tétricus
près de Châlons. Celui-ci lui livra
lui-même son armée, dont il ne pouvait plus
supporter les séditions continuelles ; il avait
même imploré Aurélien dans des lettres
secrètes, où, entre autres choses, il lui
disait, empruntant un vers de Virgile :
Invincible héros, abrégez mon malheur.
Aurélien prit aussi, non loin d'Antioche et
après une lutte acharnée, la reine
Zénobie, qui gouvernait l'Orient depuis la mort
d'Odenath, son mari. De retour à Rome, il y
célébra, comme s'il eût reconquis
l'Orient et l'Occident, un magnifique triomphe, où
l'on vit Tétricus et Zénobie marcher devant son
char (Ap. JC. 273). Tétricus fut nommé ensuite
gouverneur de la Lucanie, et vécut fort longtemps en
simple particulier. Zénobie laissa dans Rome une
postérité qui existe encore.
XIV. Sous le règne d'Aurélien, les monnayeurs
se soulevèrent dans Rome, après avoir
altéré les espèces et tué le
trésorier Félicissime. L'empereur les accabla,
et les punit avec la dernière cruauté. Il
condamna aussi au dernier supplice plusieurs citoyens d'une
noble naissance. C'était un prince farouche et
sanguinaire, plutôt nécessaire dans quelques
circonstances que fait pour être aimé. Dans ses
rigueurs impitoyables, il n'épargna même pas le
fils de sa soeur. On peut le louer pourtant d'avoir
rétabli la discipline militaire, et corrigé en
grande partie la dissolution des moeurs.
XV. Il entoura de fortes murailles la ville de Rome, et fit
bâtir au Soleil un temple, qu'il enrichit d'une immense
quantité d'or et de pierres précieuses.
Désespérant, après les ravages
exercés dans l'Illyrie et dans la Mésie, de
pouvoir conserver la Dacie, dont Trajan avait fait une
province romaine au delà du Danube, il prit le parti
de l'abandonner. Alors il fit sortir les Romains des villes
et des campagnes de ce pays, et il les établit au
centre de la Mésie, à laquelle il donna le nom
de Dacie ; en sorte que celle-ci sépare aujourd'hui
les deux Mésies, et se trouve sur la rive droite du
Danube, dans son cours vers la mer, tandis qu'elle
était auparavant sur la rive gauche. Aurélien
périt victime des artifices d'un de ses esclaves qui,
ayant contre-fait son écriture, montra à
quelques officiers, amis de ce prince, une liste de leurs
noms, annotée comme s'il eût projeté de
les faire mourir. Ceux-ci donc, pour le prévenir, le
tuèrent sur l'ancien chemin d'Héraclée
à Constantinople, dans un endroit appelé
Cénophrurium. Toutefois sa mort ne resta pas sans
vengeance. On lui accorda les honneurs de l'apothéose.
Il avait régné cinq ans et six mois.
XVI. (X) L'empire fut donné après lui à
Tacite, homme d'une grande vertu et tout à fait propre
au gouvernement de la république. Mais il n'eut pas le
temps de s'illustrer comme empereur, étant mort le
sixième mois de son règne (Ap. JC. 276).
Florien, qui lui succéda, régna deux mois et
vingt jours, et ne fit rien de mémorable.
XVII. (XI) Probus, qui s'était fait un grand renom
militaire, fut appelé après lui au gouvernement
de l'Etat (Ap. JC. 276). Une suite non interrompue de
victoires le remit en possession des Gaules, occupées
par les barbares. Il accabla, dans plusieurs batailles,
quelques chefs d'armées qui voulaient usurper
l'empire, comme Saturnin dans l'Orient, Proculus et Bonose
à Cologne. Il permit aux Gaulois et aux Pannoniens
d'avoir des vignes ; il en fit lui-même planter par ses
soldats sur le mont Alma, près de Sirmium, et sur le
mont d'Or, dans la Mésie supérieure ; et il en
abandonna la culture aux habitants de ces provinces. Il dit,
après avoir fait des guerres innombrables et
assuré partout la paix, «que les soldats ne
seraient bientôt plus nécessaires».
C'était un prince actif, intrépide,
équitable, et qui, égal à
Aurélien pour la gloire des armes, lui était
supérieur pour les vertus civiles. Il n'en fut pas
moins tué dans une sédition militaire à
Sirmium, dans la tour de fer (Ap. JC. 282). Il régna
six ans et quatre mois.
XVIII. (XII) Carus, né à Narbonne dans la
Gaule, fut proclamé Auguste après lui ; et il
nomma aussitôt Césars ses fils Carin et
Numérien, avec lesquels il régna deux ans.
Ayant appris, pendant qu'il faisait la guerre aux Sarmates,
que les Perses s'étaient soulevés, il passa en
Orient, remporta sur eux de notables avantages, les mit en
fuite dans une grande bataille, et prit les deux fameuses
villes de Coché et de Ctésiphon. Il campait au
delà du Tigre, lorsqu'il périt d'un coup de
foudre (Ap. JC. 284). Son fils Numérien, jeune homme
d'un grand mérite, qu'il avait emmené avec lui
en Perse, fut tué à l'instigation d'Aper, dont
il était le gendre, dans une litière où
il se faisait porter, à cause d'un mal d'yeux qui le
faisait beaucoup souffrir (Ap. JC. 284). Ce traître
essaya de cacher sa mort jusqu'à ce qu'il pût
s'emparer du pouvoir ; mais l'odeur du cadavre le trahit. Les
soldats qui marchaient derrière, frappés de
cette odeur, ouvrirent les rideaux de la litière, et
s'assurèrent ainsi de la mort de Numérien
quelques jours après qu'il eut été
tué.
XIX. Cependant Carin, à qui son père avait
laissé, en partant contre les Parthes, le commandement
de l'Illyrie, de la Gaule et de l'Italie, avec le titre de
César, se souilla de toutes sortes de crimes. Il fit
périr, sur de fausses accusations, une foule
d'innocents ; il déshonora les femmes des citoyens les
plus illustres, et il alla jusqu'à se venger de ceux
de ses condisciples qui lui avaient fait endurer, dans
l'école, de petites vexations. Sa conduite l'ayant
rendu odieux à tout le monde, il ne tarda pas à
en porter la peine. (XIII) En effet, l'armée, qui
revenait victorieuse de la Perse, et à qui la foudre
avait enlevé l'empereur Carus, et la trahison, le
César Numérien, décerna l'empire
à Dioclétien (Ap. JC. 284). Il était
originaire de la Dalmatie, et d'une naissance si obscure, que
la plupart des auteurs lui donnent pour père un
greffier, et que d'autres en font le fils d'un affranchi du
sénateur Anulinus.
XX. Dans sa première harangue aux soldats, il jura
qu'il n'avait eu aucune part au meurtre de Numérien ;
et voyant près de lui Aper, qui en était
l'auteur, il le perça de son épée en
présence de l'armée. Il défit ensuite
dans une grande bataille, près de Margue, le jeune
Carin, objet de la haine et de l'exécration publiques,
et que son armée, plus forte que celle de
Dioclétien, trahit ou au moins abandonna, entre
Viminace et le mont d'Or (Ap. JC. 285). Ainsi maître de
l'empire, il envoya le César Maximien l'Hercule contre
ces paysans qui, sous le nom de Bagaudes et sous la conduite
d'Amand et d'Elien, avaient soulevé une partie de la
Gaule. Maximien dispersa, dans de simples escarmouches, ces
troupes de campagnards, et rendit la paix à cette
province.
XXI. Dans ce même temps, Carausius, qui, malgré
la bassesse de son extraction, s'était acquis une
grande réputation militaire, fut mis à la
tête d'une flotte à Boulogne, et chargé
de rétablir la sûreté des mers sur les
côtes de la Belgique et de l'Armorique, alors
infestées par les Francs et par les Saxons. Il se
saisit d'un grand nombre de ces barbares ; mais n'ayant rendu
aux habitants de ces provinces et envoyé aux empereurs
qu'une partie de son butin, il fut soupçonné de
ménager à dessein les pirates dans leurs
expéditions, afin de les surprendre au retour, et de
s'enrichir lui-même de leurs prises. Informé que
Maximien avait donné l'ordre de le tuer, il prit la
pourpre et s'empara des Bretagnes. (Ap. JC. 287).
XXII. (XIV) Voyant tout l'univers troublé à la
fois par la révolte de Carausius en Bretagne et
d'Achillée en Egypte, par les ravages des
Quinquégentiens en Afrique et par la guerre de
Narsée en Orient, Dioclétien éleva
Maximien l'Hercule, du rang de César à celui
d'Auguste (Ap. JC. 286), et il nomma Césars Constance
et Maximien. Constance était, dit-on, petit-fils de
Claude par la fille de cet empereur ; Maximien
Galérius était né dans la Dacie, non
loin de Sardique. Afin de se les attacher aussi par des liens
de famille, il fit épouser Théodora,
belle–fille de Maximien l'Hercule, au César
Constance, qui en eut dans la suite six enfants,
frères de Constantin ; et il donna lui-même
à Galérius la main de sa propre fille
Valérie, après les avoir contraints tous deux
à répudier les femmes qu'ils avaient.
Cependant, après avoir inutilement tenté le
sort des armes contre Carausius, général d'une
expérience consommée, on finit par faire avec
lui la paix. Allectus, son collègue, le tua sept ans
après (Ap. JC. 292), et occupa lui–même
les Bretagnes pendant trois ans, au bout desquels il fut
vaincu par Asclépiodote, préfet du
prétoire. C'est ainsi qu'après un intervalle de
dix années, la Bretagne fut reconquise (Ap. JC.
296).
XXIII. (XV) Dans le même temps, le César
Constance combattit en Gaule, aux environs de Langres, et la
fortune lui fut, le même jour, contraire et favorable
(Ap. JC. 296). En effet, les barbares, s'étant tout
à coup jetés sur lui, le poursuivirent jusque
sous les murs de cette ville, et le serrèrent de si
près, que, trouvant les portes fermées, il se
fit hisser par-dessus les murailles avec des cordes. Mais son
armée étant arrivée moins de cinq heures
après, il tua environ soixante mille Allemands. De son
côté, l'empereur Maximien mit fin à la
guerre d'Afrique par la défaite des
Quinquégentiens, qu'il réduisit à
demander la paix. Dioclétien, après avoir tenu
Achillée assiégé dans Alexandrie pendant
près de huit mois, le vainquit et le fit périr
(Ap. JC. 296). Il usa cruellement de la victoire, et remplit
toute l'Egypte de proscriptions et de meurtres. Toutefois il
fit et publia, dans cette circonstance, un grand nombre de
règlements fort sages, qui subsistent encore de nos
jours.
XXIV. Galérius Maximien, dans sa première
bataille contre Narsée, entre Callinique et Carres, ne
fut pas heureux, faute de prudence plutôt que de
courage, ayant attaqué une armée des plus
nombreuses avec une poignée de soldats.
Repoussé par l'ennemi, il se rendit auprès de
Dioclétien, qui, l'ayant rejoint en route, le
reçut avec insolence, et laissa, dit-on, courir cet
emper. ur derrière sa voiture l'espace de plusieurs
milles.
XXV. Mais Maximien rassembla bientôt des troupes dans
l'Illyrie et dans la Mésie, et il se mesura de
nouveau, dans la haute Arménie, avec Narsée,
aïeul d'Hormisdas et de Sapor. Il remporta cette fois
une grande victoire, où ii ne déploya pas moins
d'habileté que de courage ; on le vit même
remplir alors le rôle d'éclaireur, suivi de deux
ou trois cavaliers seulement. Après avoir mis
Narsée en fuite (Ap. JC. 297), il pilla son camp,
s'empara de ses femmes, de ses soeurs, de ses enfants, de
presque toute la noblesse de Perse, qui avait fait cette
campagne, et d'un immense teésor. Il le refoula
lui-même jusqu'aux dernières solitudes de son
royaume. Alors il revint triomphant trouver
Dioclétien, qui était en Mésopotamie
à la tête de forces considérables, et qui
le reçut avec les plus grandes marques d'honneur. Ils
firent ensuite différentes guerres, ensemble ou
séparément ; ils soumirent les Carpes et les
Basternes (Ap. JC. 299) ; ils vainquirent les Sarmates, et
ils établirent sur les frontières de l'empire
les innombrables prisonniers faits sur ces peuples.
XXVI. (XVI) Dioclétien avait naturellement beaucoup
d'adresse, de pénétration, de finesse ; et il
avait soin de rejeter sur d'autres ce que sa
sévérité avait d'odieux. C'était
d'ailleurs un prince d'une activité singulière
et d'une rare expérience en toute chose. Il donna, le
premier, à l'empire romain une forme plus monarchique
que républicaine. Ses prédécesseurs
s'étaient contentés du salut ; il voulut qu'on
se prosternât devant lui ; il fit couvrir de pierreries
ses vêtements et sa chaussure, tandis qu'auparavant les
seuls insignes du pouvoir impérial étaient la
chlamyde de pourpre, et le reste du costume celui de tout le
monde.
XXVII. Maximien l'Hercule était ouvertement cruel et
orgueilleux, et la rudesse de son visage
révélait l'âpreté de son
caractère. Il ne faisait que suivre son penchant, en
s'associant à toutes les violences de
Dioclétien. Ce dernier, sentant que le progrès
de l'âge commençait à le rendre incapable
du gouvernement de l'empire, proposa à Maximien de
rentrer dans la vie privée, et de laisser à des
princes plus jeunes et plus vigoureux la suprême
administration de l'Etat. Son collègue n'accéda
qu'avec peine à cette proposition. Néanmoins
ils échangèrent tous deux, le même jour,
les insignes de l'empire contre le costume des citoyens (Ap.
JC. 304), Dioclétien à Nicomédie et
Maximien à Milan, après avoir triomphé,
à Rome, d'une infinité de nations (Ap. JC. 302)
; triomphe mémorable, où l'on porta en grande
pompe les trophées de leurs victoires, et où
l'on vit marcher devant leur char les femmes, les soeurs et
les enfants de Narsée. Ils se retirerent ensuite, l'un
à Salone, l'autre dans la Lucanie.
XXVIII. Dioclétien acheva de vieillir au sein d'un
honorable repos, dans une villa qui est près de
Salone. Modèle d'une vertu encore inconnue, il est le
seul, depuis l'établissement de l'empire romain, qui
soit descendu volontairement du faite de la puissance
à la simplicité de la vie privée et
à la condition de citoyen. Aussi fut-il mis,
après sa mort, au rang des dieux ; honneur qui n'avait
encore été accordé à aucun
particulier.