Acte IV 

Le triclinium de César. A gauche du spectateur, une table et trois lits sur lesquels sont couchés, couronnés de fleurs, César, ayant à sa gauche Claudius, et à sa droite le comédien Apelle ; autour des convives, de jeunes esclaves vêtus de blanc avec des ceintures d'or, et tenant à la main des serviettes de pourpre : des Nymphes de Cérès pour apporter le pain ; des Bacchantes pour verser à boire ; au fond, des esclaves circulant, précédés par des torches. La chambre où la scène se passe est entourée d'arcades cintrées s'étendant circulairement jusqu'au quatrième plan ; chaque arcade, ouverte au lever du rideau et laissant apercevoir les immenses appartements du Palatin, peut se refermer, quand on en fait retomber les tapisseries, de manière à ramener la scène aux proportions d'une chambre ordinaire. Au fond, sur une estrade de trois marches, un lit de repos ; aux deux côtés, deux portes. A gauche de l'acteur, un trépied où brûlent des parfums.


Scène 1
CALIGULA, CLAUDIUS, APELLE, un coryphée, une lyre à la main. Le coryphée est monté sur une estrade

LE CORYPHEE
L'hiver s'enfuit, le printemps embaumé
Revient suivi des Amours et de Flore ;
Aime demain qui n'a jamais aimé,
Qui fut amant demain le soit encore !

L'hiver était le seul maître des temps
Lorsque Vénus sortit du sein de l'onde ;
Son premier souffle enfanta le printemps,
Et le printemps fit éclore le monde.

L'été brûlant a ses grasses moissons,
Le riche automne a ses treilles encloses,
L'hiver frileux son manteau de glaçons ;
Mais le printemps a l'amour et les roses.

L'hiver s'enfuit, le printemps embaumé
Revient suivi des Amours et de Flore ;
Aime demain qui n'a jamais aimé,
Qui fut amant demain le soit encore.


Scène 2
LES MEMES, MESSALINE, en Bacchante

MESSALINE
Salut à Claudius, le prince du festin !
Salut, César! je viens, ce falerne à la main,
Plaider auprès de toi la cause de l'automne.

CALIGULA
Dès que de sa défense elle charge Erigone,
Nous ne la voulons pas condamner au hasard.
Pour elle, que dis-tu ?

MESSALINE
          Tends ta coupe, César.

CALIGULA, après avoir bu
Un si bon plaidoyer mérite récompense.

MESSALINE
Que pense donc César, maintenant ?

CALIGULA
          César pense
Qu'entre les deux saisons on veut choisir en vain :
Le printemps a l'amour, mais l'automne a le vin ;
Toutes deux ont reçu des faveurs sans pareilles,
Si bien, pour dépouiller les lauriers et les treilles,
Que d'une égale ardeur on attend le retour,
Car l'automne a le vin, mais le printemps l'amour !

MESSALINE
Par Thémis ! de Minos ce jugement est digne :
Couronnez donc César de roses et de vigne,
Car Bacchus et l'Amour l'ont fait victorieux
Et maître sur la terre, ainsi qu'ils sont aux cieux !...

CALIGULA
Maintenant, Claudius, toi qui de tout dispose
Comme roi du festin, invente quelque chose ;
Tu nous trouveras prêts à seconder tes voeux.
Voyons, amuse-nous, Claudius, je le veux !

CLAUDIUS, une coupe à la main
C'est à tort que César à ma verve en appelle
Quand il a près de lui son histrion Apelle.
T'amuser est son art, ordonne, et tu pourras
Le punir à bon droit, s'il ne t'amuse pas !...

APELLE
César n'a qu'à vouloir, je suis prêt, à voix haute,
A lui dire des vers d'Ennius ou de Plaute ;
Ou, si César préfère en sa tragique ardeur
La triste Melpomène à sa joyeuse soeur,
Qu'il choisisse à son gré de Sophocle ou d'Eschyle.

CALIGULA
Par Castor ! quelque jour, de Pindare à Virgile,
Je jure de brûler tous ces plats écrivains,
Jusque dans leur tombeau de leurs succès si vains !
Qu'ont-ils donc fait, que d'eux le monde s'entretienne,
Et qu'ils pensent leur gloire être égale à la mienne ?
Ils parlaient ; moi, j'agis !... Leur pouvoir avorté
N'eut que la fiction, j'ai la réalité !
Parfois aux spectateurs, par de feintes alarmes,
Ils ont péniblement fait verser quelques larmes,
Tandis que, moi, d'un mot je commande aux douleurs
De me faire couler ce que je veux de pleurs !
Leur talent à grand'peine emplissait un théâtre,
Tandis que sur mes pas une foule idolâtre
Se presse dans le cirque immense, où pour acteurs
J'amène des lions et des gladiateurs !
Ils ont d'un faux trépas effrayé le coupable,
Tandis que, quand j'ai soif d'un trépas véritable,
A mon festin, muette et le front menaçant,
Je fais asseoir la Mort, convive obéissant,
Qui, lorsqu'arrive l'heure, impassible se lève
Pour verser le poison ou pour tirer le glaive !...
Où vas-tu, Claudius ?...

CLAUDIUS
          César, il m'a semblé
Qu'en la chambre voisine on m'avait appelé.

CALIGULA
Eh ! non, tu te trompais, personne ne t'appelle.
Eh bien, que fais-tu donc ? tu ne bois pas, Apelle ?
Et cependant pour vin nous avons du nectar
Pour échanson Hébé !

MESSALINE
          Tends ta coupe, César !

CALIGULA, à Apelle
Ecoute : de ton art, malgré ton habitude
Je veux te faire faire une nouvelle étude !
Que l'on m'aille chercher ces deux républicains
Que l'on a pris hier criant : «Mort aux Tarquins !...»
(Un esclave sort.)
Et, demain, dans Médée ou dans Iphigénie
Tu pourras sur la leur régler ton agonie.


Scène 3
Les Mêmes, CHEREA

CALIGULA
Ah ! te voilà, tribun ?

CHEREA
          Oui, César, c'est mon tour
Cette nuit, au palais de veiller jusqu'au jour,
Et je viens demander à mon auguste maître
le mot d'ordre.

CALIGULA
          Bacchus et Cupidon.

CHEREA
                    Peut-être
Le divin empereur a-t-il encor pour moi
D'autres commandements ?

CALIGULA
          Oui, prends ce verre et boi.
Et vous qui, le front ceint de pampres et d'acanthes,
Nous versez ce doux vin, ô mes belles bacchantes,
Vous, nymphes de Cérès, dont les corbeilles d'or
Nous offrent de vos champs le nourrissant trésor ;
Vous enfin, compagnons de Flore et de Zéphire,
Qui du printemps pour nous avez pillé l'empire,
Tandis que nous buvons, effeuillez sous vos doigts
Les roses de Paestum qui fleurissent deux fois,
Et bercez notre ivresse à la molle harmonie
De vos chants cadencés au mode d'Ionie.

MESSALINE, à demi-voix, à Chérea
Le sort, mon Cherea, par la main nous conduit.

CHEREA
Que dis-tu ?

MESSALINE
          Tout est prêt.

CHEREA
                    Pour quand ?

MESSALINE
                              Pour cette nuit.

CHEREA
Ton espérance, alors, n'a point été trompée ?

MESSALINE
Non. Et tout maintenant dépend de ton épée.

CHEREA
Mais ces deux compagnons qui, secondant mon bras
M'avaient été promis ?

MESSALINE
          Attends, tu les auras.

LE CORYPHEE
De roses vermeilles
Nos champs sont fleuris,
Et le bras des treilles
Tend à nos corbeilles
Ses raisins mûris.

Puisque chaque année,
Jetant aux hivers
Sa robe fanée,
Renaît couronnée
De feuillages verts

Puisque toute chose
S'offre à notre main,
Pour qu'elle en dispose
Effeuillons la rose,
Foulons le raisin.

Car le temps nous presse
D'un constant effort !
Hier, la jeunesse,
Ce soir, la vieillesse,
Et, demain, la mort.

Etrange mystère !
Chaque homme à son tour
Passe solitaire
Un jour sur la terre ;
Mais pendant ce jour...

De roses vermeilles
Nos champs sont fleuris.
Et le bras des treilles
Tend à nos corbeilles
Ses raisins mûris.


Scène 4
Les MEMES, ANNIUS, SABINUS, vêtus d'une tunique noire, le corps ceint d'une corde, et couronnés de verveine

CALIGULA, les voyant entrer
Changez vos chants de joie en hymnes funéraires.
Voici venir, trahis par les destins contraires,
Deux Gracques, deux Brutus, frères infortunés,
Qui cinquante ans trop tard par malheur étaient nés,
Et pour qui, dans nos temps, tout n'eût été que doute
S'ils ne m'eussent, hier, rencontré sur leur route
Pour réparer l'erreur commise par le sort,
En faisant avancer de cinquante ans leur mort !

ANNIUS
Et pourquoi faire trêve à vos chansons joyeuses ?...
Nos âmes de la mort sont plus ambitieuses
Que les vôtres, à vous, jamais ne le seront
De ces jours où chaque heure amène son affront !
Quand notre liberté, par le sang reconquise,
Vous laisse au pied l'anneau des chaînes qu'elle brise,
Gardez, sur notre sort loin de vous attendrir,
Vos chants les plus joyeux pour ceux qui vont mourir.

CALIGULA
Sur mon âme, j'éprouve une joie infinie
De voir en nos désirs une telle harmonie ;
Et la chose est si vraie, amis, que je vous veux
Accorder à chacun le dernier de vos voeux.
Demandez.

SABINUS
          Quant à moi, mon âme est satisfaite.
Par curiosité, je m'étais mis en tête
De voir, avant ma mort, au reste indifférent
Quelle bête féroce était-ce qu'un tyran.
Je l'ai vue à loisir, et c'est, chose certaine,
Un animal qui tient du tigre et de l'hyène.

CHEREA
Malheureux !

CALIGULA
          Laisse-les, le moment n'est pas loin
Où... de ce que je dis tu seras le témoin,
Ils voudront racheter chaque parole amère
Par les jours de leurs fils et le sang de leur mère !
Mais il sera trop tard, car mon courroux sur eux
Terrible et sans pitié descendra.

CHEREA
          Malheureux !

CALIGULA, à Annius
Maintenant, que veux-tu, toi, pour faveur dernière ?

ANNIUS
Une coupe et du vin.

CALIGULA
          J'exauce ta prière.
Bois à qui tu voudras, et c'est moi, sans retard,
Qui te ferai raison.

MESSALINE
          Tends ta coupe, César.

ANNIUS, prenant la coupe, et l'élevant au-dessus du trépied
Pâles divinités, vous à qui chaque tombe
Rend, ainsi qu'un tribut, toute chose qui tombe,
Contre Caïus César, à cette heure écoutez
Mes imprécations, pâles divinités !
Au moment de mourir, libre, je me dévoue
Aux tourments d'Ixion lié sur une roue,
De Tantale implorant l'eau qu'il ne peut toucher,
De Sisyphe roulant son éternel rocher,
Pourvu que même sort tous les deux nous rassemble,
Et qu'au gouffre profond nous descendions ensemble.
Pour rendre sans retour ma résolution,
O mânes, recevez cette libation
Où je mêle, à ce vin versé dans une fête,
La verveine funèbre arrachée à ma tête,
En signe que j'unis, par un dernier effort,
La joie à la douleur, et la vie à la mort !...
(Pause.)
Malheur à toi, César !... à mes désirs propice,
L'enfer, qui nous attend, reçoit mon sacrifice ;
La preuve en est ce feu qui reprend son ardeur ;
Malheur à toi, César ! malheur à toi, malheur !

CALIGULA, prenant un couteau, et s'apprêtant à franchir le lit
Puisque les dieux, vers qui tu fais voeu de descendre,
T'attendent, Annius, ne les fais pas attendre,
Et dis-leur aujourd'hui que, frappé de ma main,
Tu viens leur annoncer qu'ils ùe verront demain.

MESSALINE, l'arrêtant
Que fais-tu ? Ce trépas pour une telle injure
Est trop doux... A qui donc gardes-tu la torture,
Lorsqu'un homme à ce point t'insulte et peut mourir
Comme un autre mourrait, d'un coup et sans souffrir ?

CALIGULA, s'arrêtant
O démon de l'enfer, oh ! que pour la vengeance
Ton coeur avec le mien est bien d'intelligence !
Mais quel autre de nous sera digne, et par qui
Leur ferons-nous donner la torture ?

MESSALINE, montrant Chérea
          Par lui.

CHEREA
Par moi, César ?

CALIGULA
          Par toi !

CHEREA
                    Mais...

CALIGULA
                              Fais ce que j'ordonne.

MESSALINE, bas, à Cherea
Prends-les donc, insensé, quand César te les donne,
Prends, ou bien à nos yeux César les frappe ; prends,
Et venge-nous tous deux... Comprends-tu ?

CHEREA, bas, à Messaline
          Je comprends !
(Haut.) Pour moi, ta volonté, César, est absolue !

ANNIUS
Celui qui va mourir Auguste te salue.

CALIGULA
Nous verrons si toujours tu conserves ce ton.

ANNIUS
Je tâcherai, César... Au revoir, chez Pluton !


Scène 5
Les Mêmes, hors CHEREA, ANNIUS et SABINUS

Claudius a disparu à la fin de l'imprécation

CALIGULA, debout et chancelant
Messaline !

MESSALINE
          Que veut mon empereur auguste ?

CALIGULA
Messaline, leur mort était-elle pas juste ?
Dis-moi...

MESSALINE
          Jamais trépas ne fut mieux mérité.

CALIGULA
N'importe, de leur voeu je suis épouvanté !
On dit, quand nous poursuit une telle menace,
Qu'il faut sacrifier sur l'heure à notre place,
Celui de nos parents qui nous touche le plus.
Si j'essayais...

MESSALINE
          Comment ?

CALIGULA
                    Où donc est Claudius ?...

MESSALINE
Que bien plutôt César efface dans l'ivresse
Ce souvenir fatal dont la crainte le presse.

CALIGULA
Non, je veux Claudius... Le vin est impuissant
A me désaltérer... Qu'on me verse du sang !

MESSALINE
Claudius n'est plus là !

CALIGULA
          Qu'on le trouve et qu'il meure.

MESSALINE
Eh bien, soit, il mourra, plus tard... Mais voici l'heure
Où, les cheveux trempés des larmes de la Nuit,
Le Sommeil, fils des dieux, sur la terre conduit
Ces mensonges si doux auxquels on aime à croire,
Et qui sortent pour toi par la porte d'ivoire.
Cesse de te soustraire à son charme puissant,
Dors, mon noble empereur.

CALIGULA, tombant sur le lit
          Du sang ! du sang ! du sang !

LE CORYPHEE, à la tête du lit
César a fermé la paupière,
Au jour doit succéder la nuit ;
Que s'éleigne toute lumière,
Que s'évanouisse tout bruit !...

A travers ces arcades sombres,
Enfants aux folles passions,
Disparaissez comme des ombres,
Fuyez comme des visions.

Allez, que le caprice emporte
Chaque âme selon son désir,
Et que, close après vous, la porte
Ne se rouvre plus qu'au plaisir.

(Tous disparaissent. Les rideaux retombent.)


Scène 6
CALIGULA, couché ; MESSALINE, au pied du lit

MESSALINE
C'est bien ! va dans la nuit traîner, foule servile,
Les lambeaux de l'orgie au travers de la ville ;
Quand paraîtra le jour à l'orient vermeil,
César aura dormi de son dernier sommeil !
Car la garde imprudente à la porte placée,
Distraite par le bruit de ta joie insensée,
Sans s'en apercevoir, a vers César qui dort,
En ouvrant au Plaisir, laissé passer la Mort !
Allons, te voilà donc enfin pris dans le piège !
Voilà qu'un double rang de meurtriers t'assiège,
Et voilà que ma main, se refermant sur vous,
Victime et meurtriers, va vous étouffer tous !


Scène 7
CALIGULA, couché ; CLAUDIUS, soulevant la tapisserie ; puis AQUILA et JUNIA

CLAUDIUS
Que va-t-il se passer, et quelle fête infâme
Aux démons de la nuit prépare cette femme ?
Elle a, je crois, tout bas, parlé dans sa fureur,
D'assassins menaçant les jours de l'empereur !
En le frappant, quel est leur but, leur espérance ?
Est-ce un autre esclavage ? est-ce la délivrance ?
Oh ! si je pouvais fuir avant que leur regard
Arrivât jusqu'à moi... Malheur ! il est trop tard !
De l'alcôve, sans bruit, le rideau se soulève...
Ne suis-je point en proie à quelque horrible rêve ?
(Aquila et Junia paraissent pendant ces derniers vers l'un à la tête, l'autre au pied du lit.)
Non... non... tout est réel !

AQUILA, reposant sur son piédestal la lampe qu'il a prise pour regarder César
          C'est lui.
(Etendant la main vers Junia, qui fait un mouvement pour frapper.)
                    Femme, attends-moi.
(Il passe la corde autour du cou de Caligula. Junia lui appuie le poignard sur le coeur.)

JUNIA
Réveille-toi, César !

AQUILA
          César, réveille-toi !

CALIGULA, se dressant tout debout
Qui m'appelle ?

JUNIA
          Moi.

AQUILA
                    Moi.

CALIGULA
                              D'où vous vient cette audace
D'entrer ici ?

AQUILA
          César, regarde-nous en face.

JUNIA
Moi, je suis Junia.

AQUILA
          Moi, je suis Aquila ;
Moi, le fiancé...

JUNIA
          Moi, la mère de Stella.

CALIGULA
Que voulez-vous tous deux à de semblables heures ?

AQUILA
Ne t'en doutes-tu pas ? Nous voulons que tu meures.

CALIGULA
A moi !

AQUILA
          Comme nos coeurs, César, les murs sont sourds.

CALIGULA, saisissant le bras de Junia
Tu te trompes : on vient... Au secours, au secours !

JUNIA, essayant de dégager son bras
Malheur !

CALIGULA
          Non, Jupiter ne veut pas que je meure.
Ils viennent.

AQUILA
          De ta mort ils avanceront l'heure,
Voilà tout.

CALIGULA
          Au secours !

JUNIA
                    Tes cris sont superflus.

CALIGULA
Je suis votre empereur.

AQUILA, l'étranglant
          Tu mens, tu ne l'es plus.
(Caligula tombe et entraîne Aquila, qui lui met le genou sur la poitrine.)

CALIGULA, expirant
Ah !

AQUILA
          Qui que vous soyez, maintenant je vous brave.


Scène 8
Les Mêmes, CHEREA, ANNIUS, SABINUS, l'épée à la main

AQUILA
Cherea, le tribun !

CHEREA
          Aquila, mon esclave !

ANNIUS
L'empereur !

SABINUS
          L'empereur !

AQUILA
                    Vous cherchez...?

CHEREA
                              Oui, César.

AQUILA, lui montrant le cadavre sur lequel il a le pied
Je viens de le tuer, vous arrivez trop tard !

SABINUS
Mort ! et ce n'est pas nous !

CHEREA
          Amis, pensons à Rome.
Notre but est atteint. Honneur à toi, jeune homme !
Honneur à qui nous rend la vieille liberté !

AQUILA, s'éloignant
De Rome ni de vous je n'ai rien mérité,
Laissez-moi.

CHEREA
          Mes amis, avant que le jour brille,
Soyons maîtres de tout.

JUNIA
          O ma fille ! ma fille !

CHEREA
Toi, cours au Capitole, et toi, cours au sénat ;
Moi, je répands le bruit de cet assassinat.
Dans un but arrêté que chacun de nous sorte.


Scène 9
LES MEMES, PROTOGENE, paraissant sur le seuil de la porte à droite

PROTOGENE
Pas un ne franchira le seuil de cette porte.

CHEREA
Qui nous empêchera ?

(Tous les rideaux se relèvent ; les meurtriers de César se trouvent entourés par la garde germaine.)

PROTOGENE
          Voyez.

ANNIUS
                    Par Jupiter !
Nous sommes entourés par un cercle de fer.

CHEREA
Messaline !

PROTOGENE
          Soldats, emmenez les coupables,
Et précipitez-les des remparts.

CHEREA
          Misérables !

(On les emmène.)

LES SOLDATS
Claudius ! Claudius ! oui, vive Claudius !
Claudius est le seul successeur de Caïus !
La couronne est à lui ! Ce soir, pendant la fête,
Il nous a fait compter deux cents deniers par tête.
Qu'il soit nommé César après Caligula !
Où donc est Claudius ? Claudius !...

MESSALINE, entrant et tirant le rideau qui le cache
          Le voilà.

CLAUDIUS, entraîné par les soldats
Oh ! ne me tuez pas...

PROTOGENE, le faisant monter sur le bouclier d'or, et s'inclinant le premier devant lui
          Sur nous que César règne.
Que chacun comme un dieu le respecte et le craigne !
Qu'il soit de l'univers la gloire et la terreur !

CLAUDIUS
A moi l'empire !

MESSALINE
          A moi l'empire et l'empereur !


Acte IVHaut de la page