THEATRUM


Théâtre, pour la représentation de drames ou de scènes mimiques. Les premiers théâtres, en Grèce comme en Italie, ne furent que des échafaudages temporaires en bois, que l'on élevait pour la circonstance, et que l'on abattait ensuite ; mais plus tard, les théâtres devinrent des édifices permanents, en pierre ou en brique, d'une architecture très soignée, souvent fort belle, et d'une riche décoration. Tout en se ressemblant par leurs traits et leurs caractères généraux, les théâtres grecs et les théâtres romains différaient par quelques unes de leurs dispositions intérieures et la distribution de plusieurs des parties essentielles qui les composaient.

  1. Le théâtre romain était ordinairement bâti dans l'intérieur de la ville, sur un terrain plat ; il se composait extérieurement d'un ou de plusieurs étages d'arcades superposées qui formaient une enceinte semi-circulaire et livraient passage aux spectateurs ; des escaliers pratiqués dans l'épaisseur du bâtiment les conduisaient à des rangs de sièges disposés aussi en demi-cercle dans l'intérieur, et adossés à ce mur extérieur dont nous venons de parler, et dont on a un modèle dans la gravure ci-dessous, qui représente l'extrémité circulaire du théâtre de Marcellus, tel qu'il existe dans les débris qui en sont restés. Deux étages seulement subsistent : l'inférieur, d'ordre dorique, enterré en partie dans le sol ; l'ordre ionique, au-dessus, est mieux conservé ; mais il y avait originairement un troisième étage d'ordre corinthien, qui a complètement disparu.
La ligne circulaire du plan est facile à distinguer dans le dessin, ainsi que les colonnes qui décoraient chaque étage, et entre elles les pierres des arceaux, qui formaient autant d'arcades ouvertes, maintenant bouchées par le mur et les fenêtres des maisons modernes qui ont remplacé l'édifice. L'extrémité opposée du théâtre, qui contenait la scène, des appartements appropriés à l'usage des acteurs, et des magasins, était droite ; elle formait pour ainsi dire la corde du demi-cercle, et était décorée extérieurement d'un portique (porticus), quelquefois d'une étendue considérable, comprenant de nombreuses colonnades, des promenades découvertes et couvertes, et des galeries, où les désoeuvrés et les flâneurs élégants aimaient à se réunir.

Une portion de ces dépendances, suffisante toutefois pour donner une idée de l'ensemble, est indiquée par la partie inférieure de la gravure ci-jointe, qui représente le plan du théâtre de Pompée à Rome, d'après le plan de la ville gravé sur marbre et conservé au Capitole : au bas est le portique, marqué en lignes noires ; au-dessus, l'on voit les murs de la scène elle-même, et enfin les sièges pour les spectateurs : ils sont disposés en demi-cercle, et étaient entourés au dehors par une muraille semblable à celle que représente la gravure précédente.

Il n'y avait pas de toit ; l'intérieur de l'édifice, à ciel ouvert, se composait des parties essentielles suivantes, distribuées, comme le montre la troisième gravure, qui est un plan du théâtre d'Herculanum, construit sur le modèle romain.


Le corps de l'édifice (cavea), où étaient assis les spectateurs, se composait d'un certain nombre de rangées semi-circulaires de sièges formées par de hautes marches (gradus), s'élevant en lignes concentriques les unes au-dessus des autres. Ces rangées de sièges sont divisées horizontalement en étages (maeniana), qui en contiennent chacun plusieurs, séparés par de larges corridors (praecinctiones, A A A A) ; et verticalement, en compartiments cunéiformes (cunei, B B B B B B B), par un certain nombre d'escaliers (scalae) qui servaient aux spectateurs à descendre jusqu'à la rangée où étaient situées leurs places respectives, quand ils avaient débouché dans l'enceinte par les portes (vomitoria, b b b b b) qui se trouvaient au haut de chaque escalier, portes qu'ils atteignaient au moyen de passages et de couloirs couverts, ménagés dans l'épaisseur du bâtiment, ce qui est expliqué et figuré avec plus de détail au mot amphitheatrum. Au bas de la cavea était l'orchestra (C), formant une demi-circonférence exacte, et qui contenait les sièges destinés aux magistrats et aux personnes de distinction, au lieu de servir, comme l'orchestra grecque, aux musiciens et aux évolutions du choeur. Un peu en arrière de l'orchestra il y avait un mur bas (pulpitum ou proscenii pulpitum, c, qui formait le devant de la scène (proscenium, D D) du côté des spectateurs, et la séparait de l'orchestra. Derrière la scène, se trouvait un mur élevé, en briques ou en maçonnerie (scena, e e e), qui formait d'une manière permanente le fond du théâtre, avec trois grandes entrées pour les principaux acteurs, et de l'autre côté de ce mur, les appartements où s'habillaient les acteurs ainsi que les magasins (postscenia, E E), ce que nous appellerions les coulisses. Les deux petites constructions (f f) qui, aux deux extrémités du proscenium, avancent jusque sur la scène, rappellent nos loges d'avant-scène ; on suppose qu'elles étaient réservées comme places d'honneur aux premiers magistrats d'Herculanum, car elles ont chacune, avec un escalier spécial (gg), une entrée particulière qui donne sur le portique de derrière ; mais il ne faut y voir qu'un caprice de l'architecte, et non une de ces parties essentielles qui se retrouvent disposées dans tous les théâtres.
  1. Le théâtre grec, autant que les localités le permettaient, était ordinairement placé sur la pente d'une colline, afin de pouvoir y établir plus facilement, en taillant les flancs mêmes de la montagne, les sièges des spectateurs ; le terrain plat qui se trouvait au pied recevait les constructions nécessaires pour la scène et ses dépendances ; dans ce cas, la cavea n'était guère qu'une excavation, et n'avait pas d'extérieur ; mais quand la nature du sol ne donnait pas de telles facilités, et qu'il devenait nécessaire de bâtir sur un terrain plat, la construction qui entourait et soutenait la cavea présentait à l'extérieur les mêmes caractères que celle que nous avons décrite à l'article des théâtres romains. L'intérieur contenait toutes les parties énumérées dans les paragraphes précédents, disposées de la même manière, avec quelques différences importantes, par rapport à l'usage auquel étaient consacrées quelques-unes d'entre elles et la forme qu'elles recevaient. On le conprendra, en comparant la gravure ci-derrière, qui est un plan du grand théâtre de Pompéi, construit d'après le système grec, avec le plan du théâtre romain donné précédemment.

La partie où étaient assis les spectateurs (coilon, cavea) est, comme dans ce dernier, à ciel découvert, et subdivisée d'une manière analogue en étages par de larges corridors (diazwmata, praecinctiones), et en compartiments cunéiformes (A A A, kerkis, cunei) par des escaliers (a a a, klimakes, scalae) convergeant vers le centre ; mais, au lieu d'être une demi-circonférence, elle est formée d'un segment de cercle beaucoup plus grand ; ce qui donne de la place pour un public plus nombreux. L'orchestre (orchêstra) était également bien plus encaissé que dans un théâtre romain, et n'était pas occupé par les spectateurs, mais servait seulement au choeur, à qui il fallait de la place pour se ranger à la suite du coryphée et faire ses évolutions. Au centre de l'orchestre s'élevait l'autel de Bacchus (B, thumêlê, thymele) qui, étant en bois, a péri, mais qu'on a rétabli dans le dessin, pour qu'on en voie bien la place. La scène et ses dépendances (proskênion, proscenium) étaient divisée, comme dans le théâtre romain, en deux parties : la scène même, d'où parlaient les acteurs (b, logeion, skribas, pulpitum) et le fond de la scène avec son mur permanent (C, skênê, scena). Le nom de la partie située derrière la skênê, et que les Romains appelaient postscenia, est douteux ; quelques antiquaires croient que c'était l'uposkênion, mais d'autres pensent qu'on désignait par ce mot le mur bas qui sépare le devant de la scène de l'orchestre.
  1. Theatrum tectum. Théâtre couvert d'une toiture, comme l'Odéon de Périclès à Athènes, et qui servait généralement de salle de concert (Stat. Silv. III, 5, 91 ; Inscript. ap. Orelli, 3294). On croit que le plus petit des deux théâtres de Pompéi était couvert, d'après une inscription que l'on y trouve en l'honneur du personnage aux frais de qui fut construit le toit. A l'intérieur, il est disposé d'après le même plan que les autres théâtres ; mais, comme toute la partie supérieure est ruinée, il est impossible de déterminer de quelle nature était ce toit.

Illustration complémentaire

Théâtre de Pompée,
Maquette de Gismondi
Musée de la Civilisation Romaine, EUR, Rome, 1988

© Charles Cavenel